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Pour conclure ce rapport, nous proposons de reprendre les résultats présentés à la lumière des objectifs du projet ReVEA. Notons tout d’abord qu’il s’agit des points de vue essentiellement lyonnais sur des questions transversales du projet (tâche 4, les questions méthodologiques, les questions relatives aux mathématiques ou encore interdisciplinaires). Pour obtenir un panorama plus complet, il faudra les croiser avec les apports des autres composantes. Notons également que ce rapport s’appuie fortement sur des travaux des thèses en cours qui seront soutenues fin 2018 et en 2019, certains effets des apports de ce projet se voient ainsi différés.

5.1 Premier objectif, questionner l’offre de ressources dans les disciplines du projet

Cet objectif était ainsi formulé : dresser un panorama dynamique des ressources utilisées (sélectionnées, transformées) actuellement par les enseignants : photographier mais aussi déterminer des tendances. Le premier objectif du projet est de pallier le manque d’informations fiables sur les documents et ressources utilisés par les enseignants. Un verrou est ici le fait que les données ne sont pas publiques. Il sera levé par des accords de confidentialité avec le CFC et le SNE. Ensuite, il s’agit de voir comment ces données pourraient être recueillies et traitées de manière régulière pour étudier la faisabilité d’un panel d’indicateurs en vue d’un observatoire national des ressources éducatives dans le système scolaire français. La réalisation de cet objectif peut nous donner des éléments quantitatifs sur l’ensemble du système éducatif, mais ne nous renseigne pas sur les pratiques des enseignants et les motifs de ces pratiques. Il nous faut pour cela aller à la rencontre de ces pratiques.

L’équipe lyonnaise a contribué essentiellement à l’étude de l’offre de ressources pour les mathématiques et pour l’enseignement pluridisciplinaire MPS.

La partie 3.c présente quelques résultats pour les mathématiques qui montrent une grande diversité des ressources disponibles, ainsi qu’une forte évolutivité de cette offre, due au contexte marqué à la fois par les métamorphoses liées au numérique, par les changements curriculaires et par la désaffection pour les études scientifiques. Trois principales tendances sont ainsi observées. Premièrement, un usage de plus en plus fort de ressources numériques par les enseignants de mathématiques en lien avec les préconisations institutionnelles, tendance corroborée par le discours de l’inspecteur de mathématiques (voir annexe 2.2). Deuxièmement, les changements curriculaires, notamment l’introduction de nouveaux thèmes dans les programmes de mathématiques (algorithmique, programmation) génèrent des besoins en termes de ressources pour la classe. Nous avons observé que l'identification de ressources manquantes conduit à l’émergence de collectifs d’enseignants producteurs de nouvelles ressources partagées avec les enseignants pour faire face à ces évolutions. Enfin, dans un contexte de désaffection pour les études scientifiques, y compris les mathématiques, les enseignants recourent de plus en plus à des ressources parascolaires (jeux…), de vulgarisation ou proposant des problèmes en lien avec la vie quotidienne des élèves pour donner une image plus attrayante des mathématiques (dans l’esprit de la stratégie mathématiques).

L’enseignement pluridisciplinaire de l’option MPS en classe de Seconde présente quelques particularités qui ont un effet sur les ressources et le travail documentaire des enseignants. D’une part, l’absence de manuel et de préconisations relatives au contenu à enseigner conduit les enseignants à mutualiser fortement leurs ressources, parmi lesquelles on trouve

des comptes-rendus de mises en œuvre de séquences d’enseignement et des productions d’élèves (ce type de ressources et beaucoup plus rare en mathématiques par exemple). D’autre part, étant donné que cet enseignement est optionnel, des élèves de classes différentes se retrouvent ensemble dans cette option. Ce fait a des conséquences sur le choix des modules MPS par les enseignants qui prennent en compte la nécessité de créer, en début d’année, de la cohésion entre élèves et choisissent alors des modules à faible contenu scientifique mais avec une forte dimension manipulative.

5.2 Deuxième objectif, questionner les systèmes de ressources des enseignants

Cet objectif était ainsi formulé : établir des modèles par discipline des modes de sélection, de conception et de transformation des ressources et modéliser les structures des systèmes de ressources des enseignants Les ressources des professeurs sont organisées en systèmes structurés. Nous avons décidé de limiter l’investigation à l’enseignement secondaire (collèges, lycées, lycées professionnels) et de zoomer sur quatre disciplines : anglais, mathématiques, sciences physiques, sciences et techniques industrielles (STI). Un des objectifs essentiels du projet est d'observer, pour chaque discipline, les structures des systèmes de ressources, et les évolutions de ces systèmes au cours du travail des professeurs. Nous faisons l'hypothèse que certaines ressources jouent un rôle spécifique : « ressources pivots », présentes dans le travail du professeur pour plusieurs objectifs (introduction d'une nouvelle notion, exercices techniques, évaluation), en lien avec plusieurs autres ressources. Il s'agit aussi d'étudier si la durée de vie des ressources produites par les professeurs est plus ou moins longue, selon les disciplines ; et de formuler des hypothèses, sur les conditions qui favorisent l'intégration d'une nouvelle ressource.

Concernant les systèmes de ressources des enseignants de mathématiques, le manuel semble jouer le rôle de « ressource pivot ». Les enseignants y puisent surtout des exercices d’entraînement. Ainsi, la richesse en exercices, variés du point de vue de la difficulté, est un des critères principaux de sélection. Cependant, les enseignants utilisent rarement ce manuel seul. D’autres manuels leur servent pour y chercher des activités d’introduction ou d’évaluation et le recours aux ressources numériques est de plus en plus développé. Dans le cas de l’enseignement MPS, comme l’objectif principal de cet enseignement est de développer une culture scientifique chez les élèves, nous avons pu observer une évolution dans les choix des modules d’enseignement, et par conséquent dans le système de ressources, en lien avec l’actualité.

La notion d’enseignant concepteur et partageur de ressources émerge fortement, non seulement à travers des associations comme Sésamath, qui produisent et diffusent depuis une dizaine d’année une panoplie de manuels et d’outils libres, mais aussi à travers le travail ordinaire des enseignants. Des ressources particulières, que nous avons appelées méta- ressources, peuvent alors jouer un rôle critique, pour soutenir le travail de conception.

Des formes différenciées de travail collectif des enseignants émergent aussi fortement, différenciées en termes de temps d’existence (du MOOC aux associations pérennes), en termes de structure (disposant de règles explicites, ou tacites), ou encore de production (des bases d’exercices ayant l’ambition de couvrir l’ensemble du programme à une sélection d’exercices soigneusement décrits). L’étude des genèses de ces collectifs, et des systèmes de ressources qu’ils développent, comme l’étude des interactions entre systèmes individuels et collectifs de ressources, nous semblent être des perspectives de recherche fructueuses.

5.3 Troisième objectif, reconceptualiser la notion de ressource éducative

Cet objectif était ainsi formulé : reconceptualiser la notion de ressource éducative Sur le plan des ressources numériques, apparaît aujourd’hui sur le devant de la scène une multiplicité de possibles. Ce qui nous intéresse dans le cadre de ce projet est la mise en oeuvre par les enseignants de ces nouvelles ressources pédagogiques au sein d'innovations, et également la façon dont elles sont articulées avec des ressources papier plus traditionnelles, le manuel en particulier. L’avenir des manuels scolaires et des ressources éducatives sera pris en compte dans nos questionnements. Cette prise en compte globale des ressources éducatives, et l'analyse des évolutions en cours, nécessite une reconceptualisation qui est l'un des objectifs du projet. Enfin, comment assurer la maîtrise de cette instrumentation par les enseignants ? Quels rôles vont-ils assumer dans une école où l’informatisation sous ses différentes formes aura pris une place importante ? Cette question essentielle, encore ouverte, fera l'objet de toute notre attention.

Les contributions de l’équipe lyonnaise à l’objectif 3 sont d’ordre conceptuel et méthodologique. Les concepts de système de ressources, de genèse documentaire, de trajectoire et d’expertise documentaires apparaissent critiques pour la conceptualisation de la notion même de ressource. De même, les méthodologies pour l’étude des trajectoires documentaires et des trajectoires de développement, élaborées et testées au sein du projet, ont un potentiel d’éclairer les notions de ressources et de collectifs et de contribuer ainsi à leur meilleure conceptualisation.

Au vu des résultats obtenus par l’équipe lyonnaise (qui se verraient enrichis par celles des autres partenaires du projet), on peut souligner que le projet ReVEA s’est développé dans une bonne période pour étudier les métamorphoses du travail des enseignants : transition numérique, changements curriculaires… Les questions interdisciplinaires, ainsi que les regards croisés sur les quatre disciplines du projet ont constitué un bon angle d’attaque pour mieux comprendre les ressorts du travail documentaire des enseignants. Le projet apporte un éclairage important sur l’offre de ressources, sur le travail individuel et collectif des enseignants avec les ressources, leur sélection et transformation. Mais il met également en évidence la complexité des méthodologies à construire liée en particulier au caractère privé d’une grande partie du travail documentaire des enseignants ou au caractère informel de certains collectifs émergents. De nombreuses pistes restent ainsi à exploiter. Les retombées du projet sont toutefois nombreuses et pourraient ouvrir la voie vers un observatoire national des ressources éducatives dans le système scolaire français.

La participation du pôle lyonnais au programme ReVEA a bénéficié du potentiel de l’IFÉ, comme plateforme nationale au service des recherches en éducation : potentiel en termes d’instruments de veille scientifique, d’études statistiques et de développements informatiques, potentiel en termes d’interface avec les professeurs et leurs établissements, potentiel, enfin, de hub avec les équipes contribuant aux recherches en éducation, S2HEP en l’occurrence dans le cadre lyonnais et le contexte ReVEA.