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PARTIE 2 : POPULATION AMIMAGE

IV. Conclusion

Les différentes analyses exploratoires effectuées indiquent que les participants de notre population présentent un cycle veille/sommeil et un sommeil préservés. La préservation de ces paramètres pourrait provenir de l’exclusion des individus présentant des pathologies du sommeil diagnostiquées comme l’apnée. En effet, elle est associée à une fragmentation importante du sommeil due à l’occurrence d’éveils brefs et répétés au cours de la nuit (Slater and Steier, 2012). Dans cette population préservée, nous retrouvons une association entre le cycle veille/sommeil, le sommeil, et le fonctionnement cognitif, particulièrement la mémoire épisodique. De manière générale, nous n’observons aucune relation entre l’âge et les paramètres de cycle veille/sommeil et de sommeil. Cependant, les effets de l’âge décrits dans la littérature sont des études en vie entière et non sur des populations de plus de 65 ans (Huang et al., 2002; Ohayon et al., 2004). Comme mentionnés dans l’étude d’Ohayon et collaborateurs, ces effets seraient atténués après 60 ans (Ohayon et al., 2004), pouvant expliquer l’absence d’association dans notre population. De plus, l’effet du sexe sur la qualité de sommeil que nous observons est fréquemment rapporté et serait associé à plusieurs facteurs psychosociaux et physiologiques, notamment à la diminution de sécrétion de la testostérone chez les hommes (Mallampalli and Carter, 2014; Mander et al., 2017a pour revues). La différence de stabilité du cycle veille/sommeil entre les hommes et les femmes a également été rapportée au sein d’autres populations (Luik et al., 2013), suggérant que les femmes présentent un cycle d’activité plus stable et donc plus « routinier » que celui des hommes. Cette différence peut être expliquée par un facteur générationnel ou encore le mode de vie rural de notre population (entretien de la maison et préparation des repas par les femmes par exemple). De plus, nous avons observé que les femmes présentent une activité diurne supérieure à celle des hommes. Ce résultat ne peut pas être expliqué par l’âge car aucune différence n’existe entre ces deux groupes mais les femmes présentent un IMC plus faible que celui des hommes (25,4 ± 0,6 contre 26,9 ± 0,4, p = 0,030, analyse de variance). Compte tenu de la relation qui existe entre le cycle veille/sommeil, le sommeil et l’IMC (Luik et al., 2013), l’effet du sexe sur la stabilité du cycle veille/sommeil, la fragmentation du sommeil et l’activité diurne pourrait en partie être sous-tendu par cette différence.

Afin de mettre en évidence l’intérêt d’utiliser une méthode d’enregistrement objective du sommeil en population, nous avons, dans l’article 1, comparé la durée de sommeil mesurée nuit par nuit de manière objective par actimétrie et de manière subjective par EMA au sein d’un groupe de 45 participants de la population AMImage2. En accord avec la littérature, nous avons observé que la durée de sommeil rapportée subjectivement au travers des questionnaires en EMA n’est pas en accord avec les mesures objectives du sommeil en actimétrie (différence

72 moyenne de 1 h 30). Nous avons par la suite montré que la différence entre ces deux

techniques de mesure - subjective contre objective - est fortement influencée par l’état émotionnel de l’individu. En effet, plus la personne est « triste » plus le désaccord entre les

deux techniques est élevé. Non présentées dans l’article, des analyses supplémentaires ont également montré que plus la personne est « triste » plus elle rapporte un sommeil de mauvaise qualité (t ratio = 6,424, p<0,001). Cette étude souligne ainsi l’intérêt d’utiliser une méthode d’évaluation objective du sommeil en population. Ce résultat est d’autant plus important qu’il a été observé au sein d’un groupe de personnes âgées présentant un score cognitif global (MMSE) supérieur à 24, pas de symptomatologie dépressive (score CES-D inférieur à 16) et ne rapportant ni traitements médicamenteux pour le sommeil ni pathologies du sommeil diagnostiquées. Ainsi, les questionnaires de sommeil semblent capturer un autre aspect du sommeil non détecté par les mesures objectives. Il est possible par exemple qu’ils reflètent la satisfaction face à son propre sommeil et ce de manière indépendante de la réalité. Selon une étude française, 18,6% des personnes âgées de 65 à 75 ans se disent en effet insatisfaits de leur sommeil (Beck et al., 2007). Malgré l’utilisation importante de ces questionnaires et en particulier du PSQI au sein des études épidémiologiques, leur validité face à des mesures objectives du sommeil obtenues en polysomnographie ou actimétrie reste limitée. La cause de cette différence réside probablement dans la nature de la population étudiée. En effet, dans son article princeps, Buysse et collaborateurs ont montré qu’un score supérieur à 5 au PSQI permettait d’identifier 88,5% des patients insomniaques ou présentant un trouble dépressif majeur vis-à-vis d’individus ne rapportant aucune plainte de sommeil (Buysse et al., 1989). Toutefois, la plainte de sommeil mesurée par ce type de questionnaire est différente dans le cadre clinique et de recrutement en population pour des études épidémiologiques. En effet, lorsqu’un individu décide par lui-même d’aller consulter un spécialiste à propos de son sommeil, la plainte devient alors la principale motivation de consultation à tel point qu’elle représente un handicap pour le plaignant. A contrario, lorsque la plainte de sommeil est évaluée en population générale dans les études épidémiologiques, elle n’a dans la plupart des cas pas fait l’objet d’une consultation, et de ce fait n’a pas la même signification. Ainsi, la plainte de sommeil relevée en clinique serait probablement plus proche du sommeil réel et donc plus associée à l’enregistrement du sommeil que celle mesurée en population générale. Ce type de différence est similaire à celle observée vis-à-vis de la plainte mnésique et la difficulté de déterminer un concept de MCI en population générale. Notre analyse suggère que la plainte de sommeil en population générale est plus influencée par l’état émotionnel de l’individu que par le sommeil en lui-même. Cependant, il est nécessaire de pouvoir étudier les effets du sommeil sur la cognition au sein de larges populations et, malgré leur manque de validité, ces

73 informations proviennent principalement des études épidémiologiques utilisant pour la plupart des questionnaires de sommeil.

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PARTIE 3 : CYCLE VEILLE/SOMMEIL ET MODIFICATIONS