Dans cette thèse nous avons dans un premier temps présenté les problématiques au large des côtes et en zones côtières et présenté les missions d’observation spatiale actuelles et futures pouvant contribuer à analyser ces problématiques. Comme les problématiques en zones côtières présentent une forte dynamique temporelle, une influence sur la couleur parfois faible et des échelles spatiales assez fines, nous avons conclu qu’il n’existait pas de capteur disposant à la fois des résolutions spatiale, spectrale ET temporelle adaptées à l’observation des océans et des zones côtières et que la fusion d’images de différents capteurs pour obtenir les résolutions requises était nécessaire.
Nous avons tout d’abord choisi deux futurs capteurs possédant chacun des caractéristiques requises : OLCI sur Sentinel-3 pour ses résolutions spatiale et spectrale et sa sensibilité à la couleur de l’eau et FCI pour sa résolution temporelle. Nous avons ensuite cherché à analyser les performances de chacun de ces capteurs pour analyser la couleur de l’eau. Pour cela, nous avons simulé la luminance spectrale qui serait acquise par ces capteurs à partir des hydrosols (chl, MES et CDOM) en tenant compte des caractéristiques des capteurs (SNR et bandes spectrales). Ces hydrosols ont ensuite été estimés par inversion du modèle semi-analytique de Lee et comparés avec les valeurs utilisées en entrée des simulations. Grâce à la haute répétitivité temporelle de FCI (10 min), les luminances ont pu être filtrées en réalisant une moyenne de 5 spectres consécutifs (acquis sur une durée de 40 min). Les simulations ont été effectuées pour des valeurs d’hydrosols correspondant aux eaux du large et aux zones côtières. En ce qui concerne les eaux du large, OLCI et FCI filtrées ont fourni des estimations précises de la chl. Pour les zones côtières, les simulations des spectres OLCI ont permis une estimation fiable des concentrations des 3 hydrosols tandis que les spectres de FCI filtrés n’ont permis d’estimer avec précision que les MES et le CDOM mais pas la chl.
Les capteurs OLCI et FCI n’ayant pas encore été lancés pendant cette étude, leurs images ont donc été simulées sur le site du Golfe du Lion. La simulation a été réalisée par modélisation
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spatiale et temporelle des cartes de paysage (chl, MES et CDOM) puis par la modélisation du transfert radiatif dans la colonne d’eau (avec Hydrolight) et dans l’atmosphère (avec MODTRAN). Enfin, les caractéristiques des capteurs comme leurs résolutions spatiale et spectrale et leur SNR ont été prises en compte dans le processus de simulation. Des images de référence ont également été simulées dans le but de valider les produits de fusion.
Concernant la fusion des images, nous nous sommes intéressés à deux méthodes : la méthode de Vanhellemont et al. (2014) qui a été adaptée aux capteurs OLCI et FCI et nommée SSTF (pour Spatial Spectral Temporal Fusion) et la méthode STARFM (Feng Gao et al., 2006). La validation a été réalisée d’une part en comparant les images fusionnées avec les images de référence et d’autre part en comparant les cartes d’hydrosols estimées à partir des images fusionnées avec les cartes utilisées en entrée de la simulation d’images. La fusion des images radiométriques a fourni de meilleurs résultats avec la méthode SSTF qu’avec la méthode STARFM mais la validation sur les cartes d’hydrosols estimées a montré que la méthode STARFM donnait de meilleures estimations.
Nous avons ensuite voulu comparer cette démarche (fusion puis estimation) à celle qui consiste à estimer les hydrosols à partir des images simulées puis à fusionner les cartes d’hydrosols entre elles. Pour cela, les deux mêmes méthodes de fusion d’images (SSTF et STARFM) ont été adaptées à la fusion des cartes. Les cartes fusionnées ont ensuite été validées en les comparant aux cartes d’hydrosols utilisées en entrée des simulations. Les cartes d’hydrosols n’évoluant pas temporellement de la même manière que les images de réflectances, les performances des méthodes de fusion diffèrent des résultats obtenus avec les images radiométriques. Cependant, nous avons constaté que lorsque les cartes sont bruitées (même faiblement) la méthode STARFM permet d’obtenir de meilleurs résultats.
Avec des images très faiblement bruitées, la façon dont les modifications du paysage (réflectance ou hydrosols) sont prises en compte par la méthode de fusion s’est révélée être le paramètre le plus influant sur les résultats de fusion. Une analyse de l’évolution temporelle des paysages doit donc être réalisée en amont de la fusion pour aider au choix de la méthode. En présence de bruit, le filtrage devient le paramètre le plus influant sur la qualité des produits de fusion. Nous avons notamment observé d’une part l’importance du filtrage temporel qui a permis d’améliorer les résultats de fusion et dans certains cas d’obtenir des résultats équivalents à ceux
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obtenus avec les images non bruitées et d’autre part le filtrage spatial réalisé par la méthode de fusion STARFM qui a permis d’obtenir de meilleurs résultats que SSTF.
D’un point de vue plus général, nous avons montré la complémentarité des deux capteurs, avec l’apport spectral, radiométrique et spatial de l’image OLCI et l’apport temporel de l’image FCI. La fusion au niveau image permet d’associer la résolution spatiale et radiométrique de l’image OLCI à la résolution temporelle de l’image FCI, mais pas la résolution spectrale de l’image OLCI. Alors que la fusion d’images au niveau produit permet d’associer toutes les performances des deux capteurs.
Concernant les perspectives qui pourraient ouvrir de nouvelles voies à ce travail, des améliorations pourraient être apportées sur :
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la méthode d’estimation-
le filtrage temporel-
la sélection de pixels voisins pondérée (qui pourrait aussi être appliqué à la méthode SSTF)-
la méthode de fusion (méthode hybride entre SSTF qui tient compte de l’évolution du paysage et STARFM qui filtre bien les images du bruit du capteur)D’autre part, comme il est primordial de prendre en compte l’évolution temporelle du paysage, une analyse temporelle du paysage observé pourrait être réalisée à partir des images à haute résolution temporelle disponibles (dans notre étude les images FCI) car les images ou les cartes d’hydrosols n’évoluent pas forcément de façon linéaire.
Nos méthodes pourraient également être comparées à des méthodes statistiques comme la méthode « Objective analysis » de Pottier et al. (2006) ou bien s’inspirer de cette méthode en considérant à la fois la distribution spatiale et temporelle des hydrosols et en tenant compte de données in-situ afin de calculer la pondération liée à l’erreur associée au capteur.
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Au niveau image, la première application sera d’augmenter le rythme des acquisitions sur les zones à fortes couvertures nuageuses afin d’augmenter les chances d’obtenir une image sans nuage. Les images GEO pourront être fusionnées avec la dernière image LEO reçue de la zone. Les images pourront être ensuite recomposées à partir de différents produits de fusion. Avoir un tel produit, sans nuage, est l’un des buts de la communauté de la couleur de l’eau (rapports IOCCG) mais ce produit doit être utilisé prudemment car des incohérences spatiales peuvent apparaitre pour des pixels ayant été acquis à des instants différents.
Au niveau produit, la fusion permettra le suivi de la dynamique biologique quotidienne dans les eaux du large (eaux du Cas 1) à la résolution d’OLCI. L’étude de sensibilité a montré que pour les eaux du Cas 1, l’estimation de la chl est possible avec les trois larges bandes FCI, une fois la luminance filtrée du bruit. Le suivie de la chl permettra l’étude des cycles phytoplanctoniques qui contribuent à l’activité photosynthétique permettant indirectement le suivie du cycle du carbone.
Enfin, la fusion au niveau produit permettra de suivre les zones côtières nécessitant une forte résolution spatiale, spectrale et temporelle. Même si la chlorophylle est estimée avec 50% d’erreur, sa concentration pourra être considérée comme un indicateur mais les MES et le CDOM seront quant à eux bien estimés.