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L’objectif central de ce travail était d’appréhender la variabilité, ainsi que les principales covariations, d’un ensemble de traits foliaires relatifs à l’acquisition du carbone, d’espèces d'arbres de FTH. Pour cela une approche comparative des traits a été réalisée sur des semis de 13 espèces d’arbres élevés en conditions contrôlées dans trois traitements d’éclairements relatifs distincts.

Diversité interspécifique : principaux compromis et covariations des traits

Une forte diversité des capacités photosynthétiques et des traits structuraux foliaires a été observée entre les 13 espèces étudiées.

L’analyse en composantes principales présentée dans la Figure 50, synthétise les principales covariations entre traits observés au cours de cette étude. Ainsi, 68% de la variabilité est expliquée par l’axe opposant durée de vie et LMA d’un côté, aux capacités photosynthétiques,

PNUE (Vcmax/N), Rd et Nm de l’autre. Ces résultats sont en adéquation avec le schéma

universel d’acquisition des ressources proposé par Wright et al. (2004, 2005a).

- Plus particulièrement, nous avons constaté qu’en dépit de la corrélation entre les capacités photosynthétiques et les teneurs en azote foliaire, les allocations relatives de cet azote aux processus de la photosynthèse (Vcmax/N et Jmax/N) variaient fortement entre les espèces. Ces

résultats suggèrent l’existence d’un compromis entre l’investissement de l’azote foliaire dans la machinerie photosynthétique ou dans des composés et/ou des structures de défense contre l’herbivorie. Afin de tester une telle hypothèse, il serait alors intéressant de :

1. Estimer plus précisément la quantité réelle d’N investie dans la carboxylation via :

(i) le dosage des teneurs en Rubisco des feuilles de nos espèces, afin de tester

l’efficience de l’allocation de N aux processus de la photosynthèse (Warren and Adams 2004)

(ii) la mesure des conductances internes (gi) des feuilles de nos espèces, qui nous

permettrait de calculer des Vcmax réels et non apparents (Warren and Adams

Conclusions

77 2. Etudier les traits liés aux stratégies de défense contre l’herbivorie par l’intermédiaire de dosages de composés chimiques (terpènes, polyphénols, contenu en protéines, taux de silice, Chabot and Hicks 1982, Coley 1983).

- Une des originalités de ce travail était d’estimer le coût de déploiement de la surface assimilatrice à l’échelle du métamère (CCmeta). Nous avons ainsi fait l’hypothèse que la durée

de vie des feuilles était proportionnelle aux coûts de construction des métamères et/ou négativement corrélée à leurs capacités photosynthétiques. Comme nous l’espérions, l’énergie nécessaire au déploiement de la surface assimilatrice varie significativement entre les espèces observées. Cependant, les feuilles les plus chères ne sont pas systématiquement celles qui possèdent les durées de vie les plus longues (i.e. aucune corrélation n’a été observée entre

LLS et CCmetm). Ce résultat nous laisse supposer que la longévité des feuilles n’est pas

conditionnée par la durée de remboursement des coûts investis dans le déploiement du limbe (Williams et al. 1989, Sobrado 1991, Kitajima et al. 1997) et des structures de support (Kikuzawa 1991). Le calcul du temps de retour sur investissement (PBTmet) permet d’infirmer l’hypothèse initiale. En effet, d’une part la relation entre LLS et PBT est relativement faible et d’autre part l’ensemble des espèces amortissent très largement leurs coûts de construction (i.e.

PBT est systématiquement très inférieur à LLS). Une décomposition de la variance a confirmé

que c’était la structure (via le LMA) qui expliquait majoritairement les différences interspécifiques de PBT.

- Pour finir, la comparaison des durées de vie optimales calculées selon le modèle de Kikuzawa (1991, 1995) et des durées de vie réelles, suggère que les feuilles pourraient être maintenues même lorsque leur gain marginal n’est plus maximal, ne permettant alors plus à l’arbre d’optimiser son gain de C. Il semblerait que la durée de vie des feuilles corresponde davantage à la durée pendant laquelle l’assimilation photosynthétique est possible (i.e. n’est pas encore nulle).

Cette approche coût/bénéfice des traits foliaires nous a ainsi permis de mettre en évidence les principales covariations entre les composantes du bilan de C et de comparer les résultats obtenus aux hypothèses récurrentes de la littérature. La suite logique de cette étude serait :

(i) dans un premier temps, de calculer le bilan de C foliaire des espèces étudiées, directement à partir du jeu de données de cette étude ;

Conclusions

78 (ii) dans l’avenir, de réaliser une estimation du bilan de C à l’échelle de la plante entière, ce qui implique notamment de posséder des données sur la respiration des tiges et des structures de support ainsi que sur la croissance racinaire.

Diversité de la plasticité phénotypique

L’ensemble des traits étudiés varient entre les trois niveaux d’éclairement de l’expérimentation. Les ajustements structuraux en réponse à l’éclairement relatif (LMA, principalement) jouent un rôle déterminant dans la plasticité des capacités photosynthétiques et des PBTmet. Comme attendu, les feuilles de lumière sont plus épaisses, plus denses,

possèdent de plus forts LMA et Asata que celles d’ombre. Nous avions fait l’hypothèse que dans des conditions limitantes d’éclairement relatif (1) puisque les capacités d’assimilation photosynthétiques sont plus faibles, le temps de « remboursement » et donc les durée de vie de feuilles seraient plus longues, et (2) les allocations de N aux processus de la photosynthèse seraient moins importantes en contrepartie d’un investissement plus fort dans des composés et des structures favorisant cette durée de vie plus longue. Nos résultats ont en effet montré que PBTmet, LLS et Loptmet augmentaient significativement pour les feuilles des plants élevés à 5% du rayonnement extérieur tandis que Vcmax/N et Jmax/N diminuaient. En revanche, nous

avons observé que l’effet de l’éclairement relatif sur les CC spécifiques des métamères dépendait de l’espèce considérée.

De manière générale, le classement des espèces est maintenu d’un traitement à l’autre et, à l’exception des coûts de construction pour lesquels le sens et l’amplitude de la réponse à l’éclairement diffèrent, seuls de faibles effets d’interaction ont été observés entre espèces et éclairements relatifs. Le calcul d’un indice de plasticité a également permis de montrer qu’aucune espèce n’était globalement plus « plastique » que les autres pour l’ensemble des traits considérés. De la même manière, aucune covariation ou compromis n’a été mis en évidence entre la plasticité des traits physiologiques et structuraux.

Ontogénèse et plasticité phénotypique

Enfin, l’étude in situ, d’individus appartenant à 2 stades architecturaux de développement différents (semis non ramifiés et semis en début de ramification) chez deux espèces Dicorynia guianensis et Tachigali melinonii a permis de souligner l’importance de prendre en compte les

stades ontogéniques dans l’étude de la diversité interspécifique. En dépit des différences observées entre les différents stades de développement, la réponse plastique des deux espèces

Conclusions

79 n’a pas varié au cours de l’ontogénèse. Si nos résultats soulignent que même chez de jeunes arbres des événements comme l’apparition de la ramification peuvent avoir un effet (mais pas systématique) sur les traits fonctionnels foliaires, il est toujours difficile de décorréler les effets « stade de développement » des effets « dimension » dans l’interprétation de ces variations. Notre étude reste encore exploratoire, les interactions entre plasticité phénotypique et ontogénèse méritent cependant d’être approfondies notamment dans le but d’une meilleure compréhension des déterminants physiologiques de la tolérance à l’ombrage (Niinemets 2006).

Déterminants physiologiques de la tolérance à l’ombrage

Dans le cadre de cette étude nous n’avons pas cherché à « tester » des différences entre groupes de tempéraments : la plupart de nos espèces sont des espèces de sous-bois, à l’exception de Cecropia obtusa et Bagassa guianensis qui se distinguent très nettement pas leurs caractéristiques de pionnières. Comme attendu, ces deux espèces se distinguent très nettement des autres par leurs fortes capacités photosynthétiques, leurs Nm et PNUE élevés et leurs faibles LMA et LLS (i.e. acquisition rapide des ressources), tandis que les 11 autres espèces se distribuent essentiellement le long de l’axe opposant épaisseur et CCmetm (Figure

50). Cependant si les PBTmet des pionnières, sont les plus faibles que nous ayons mesurés, toutes les espèces semblent capables de rembourser l’énergie investie dans le déploiement de la surface assimilatrice, et ce, même à 5% du rayonnement extérieur. Ainsi, si les pionnières se distinguent nettement par leurs attributs, aucune différence de plasticité en réponse à la lumière n’a été mise en évidence entre les espèces étudiées.

L’ensemble des résultats obtenus contribuent à une meilleure compréhension des stratégies de régénération et de croissance des espèces de FTH guyanaise et il serait intéressant, dans la continuité de cette étude de (1) vérifier si les covariations et compromis entre traits fonctionnels foliaires observés en conditions contrôlées s’expriment de la même façon in situ et (2) tester l’existence de contraintes phylogénétiques sur ces covariations.

Références bibliographiques

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