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En conclusion à cette partie nous pouvons, réunir les éléments suivants ; la présence de la signification dans différents passages du roman marque une instance isotopique qui traduit une insistance sur des thèmes maîtres. Ce sont des signifiants qui induisent à une lecture particulière du récit. La présence du signifiant est une preuve flagrante de celle du signifié, c’est une relation évidente

Charles S. Peirce considère qu’ « un signe est quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre. » Cette définition inclut :

Toutes les matérialités de signes : Un signe est quelque chose, le representamen. Une dynamique : qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose, l’objet ou le référent.

La relativité de l’interprétation (liberté du destinataire, contexte) : sous quelque rapport ou à quelque titre : l’interprétant.

Le signe représente l’objet d’un certain point de vue348

Cette représentation de la présence oblige la signification de l’absence par contraste. Autrement dit ; si un signe est constant le long d’une chaine parlée, son absence à un moment donné va constituer en elle-même un signe, susceptible d’une interprétation spécifique. « Le signe met en place une dialectique de la présence/absence : quelque chose est là, in presentia, qui me renseigne quelque chose d’absent, in abstentia ».349

Donc l’absence est un signe interprétable selon le contexte, comme nous avons du le démontrer dans le support théorique. Ici s’impose l’absence totale de toute sorte de signe dans le chapitre « la Dalle Écrite » comme si l’auteur a voulu mettre ce chapitre sous les projecteurs en lui enlevant toute similitude avec les autres chapitres. Ce chapitre-là par sa conception et par le paysage qui y-est décrit,

348

(Julliard, 2012). P 1.

349

représente la réalité du talisman ; il traite d’une dalle scellée à un mur devant laquelle le personnage principal passait quotidiennement

Cette dalle scellée au mur, devant laquelle je passe une fois de plus ! Une pierre funéraire, a n'en pas douter. Une de ces très communes pierres funéraires qui ont veillé à la tête, si ce n'est aux pieds, quelque mort, et dont la foule procure une si curieuse impression a ceux qui visitent nos cimetières.350

Et ce jour-là il a décidé de la déchiffrer. Et c’est là que commence son effort par lire et relire :

Je me rapproche de la tablette, m'efforce d'y lire le texte réellement inscrit. Une usure

avancée et l'état vétuste de la pierre, a quoi s'ajoute l'attaque des lichens, me compliquent tout de suite la triche. Et je trouve plaisante cette difficulté surgie là où je n'en attendais aucune. « Qu'importe ! Me dis-je. Encore un peu de patience et ce sera tire au clair.351

Cet effort est un signe de la difficulté du déchiffrage de la dalle ce qui rejoint la vérité du talisman et son essence première. Et c’est après un grand effort que le personnage –non nommé- parvient à avoir un semblent de lecture de ce « talisman » :

Mais, pour l'instant, mon propos n'est pas de répondre à ces questions.

Quitte à perdre deux ou trois minutes, j'ai résolu de déchiffrer les signes que présente la face de la stèle. Commentons. Il faut que je reparte, cette fois, la curiosité satisfaite. Du premier coup, j'ai lu ou cru lire le début du verset : « Nous avons proposé le dépôt de nos secrets... » J'ai continué de mémoire : « ... aux cieux. À la terre et aux montagnes. Tous ont refusé de l'assumer, tous ont tremblé de le recevoir. Mais l'homme accepta de s'en charger. C'est un violent et un inconscient. Creusées dans une pierre tombale, ces paroles ne me paraissent pas insolites.352

Une lecture qu’il finira par renier, car elle n’est qu’un jeu de vision dans lequel il est tombé. Une précipitation qui lui a valu cette fausse lecture :

Sur le point de m'éloigner, je regarde cependant de plus près les caractères qui sont devant mes yeux. Ils se sont brouilles ! Je ne reconnais plus les mots que mes lèvres

350 (DIB, 1966). P 41 351 Ibid. p43. 352 Ibid. p45.

viennent de prononcer ! Ces phrases, qui ne figurent nullement sur la dalle, une confusion incompréhensible me les a fait inventer !353

Le lecteur revient alors à son déchiffrage pénible et c’est après quelques efforts qu’il parvient enfin à déchiffrer le premier mot :

Aborne sans fond des significations : un mot, que je réussisse à épeler un seul mot Il englobera tous les autres et leur redonnera a tous naissance ! Je serai alors sauve !

Mais je suis pris d'effroi a la pensée que...

Non, je ne veux pas me plonger dans ce délire ; je vais découvrir le premier mot. Le premier !354

Dans cette conception du talisman réside plusieurs signes qui renvoient franchement au soufisme, par sa réalité cardinale qui est le panthéisme. Car la présence de versets coranique représente un signe de référence métaphysique. Mais le semblant de lecture qui blase le personnage dans sa première impression face à cette dalle porte une franche touche mystique car ce verset représente pour les soufis un simple verset de commandement alors que la réelle lecture avec laquelle le roman clos son interprétation commence par : « Le Premier » en référence au verset « il est le Premier et le Dernier il est le Visible et l’Invisible et il sait tout » le Fer v3. Ce verset est interprété par les soufis de cette façon :

C’est le panthéisme, car il n’y à de réalité que sa réalité. Chaque existence est la sienne et chaque être prend son essence de la sienne et sa réalité intérieure de la sienne, son geste du sien. C’est la seule réalité ; celle du soi unique.355

Cette optique ce confirme vers la fin du roman dans le chapitre « le Talisman » dès que le martyr foule le sol de la terre promise il dit :

Je n'ai plus besoin pour m'abriter, d'une maison, pour me réchauffer, d'un âtre, pour subsister, des fruits de la terre. J'habite l'air et la lumière qui brilleront

353 Ibid. p46. 354 (DIB, 1966). P 48. 355

éternellement. Le soleil pourra décliner chaque soir, et se lever le lendemain et se recoucher ensuite : vigie sans défaillance, je passerai tout ce temps les yeux ouverts. Ils se rappelleront leurs demeures, leurs Champs, ils reviendront ; et moi, je n'aurai pas monte la garde en vain. p 124 du « Talisman »

Formule qu’il redira à la fin du chapitre d’ailleurs ce n’est que la même situation car il commence son chapitre par sa fin. Cet usage des signes dans sa globalité prouve l’existence d’une grande conviction dans le texte. Cleui-ci émane d’une profonde doctrine, car les signes y-sont organisés d’une façon qui révèle la présence de concepts bien définis chez la doctrine soufie, et des rituels sacralisés comme l’humiliation du disciple face à son maître (la Destination), le chant des morts (la Cuadra, le Talisman), la succession (Naima Disparue) et d’autres.

Cette conception est encrée au sein du signe même par une relation intime qui fait de celui-ci un hôte privilégié du « soufisme littéraire ».

Une présence marquée par l’absence du signe, se projetant sur la doctrine et émanant d’elle, mais qui nous oblige à la prendre en considération par sa persistance isotopique. Cette conception nous amène à trouver l’interprétation du texte dans ses persistances et ses absences ; ce qui dégage un espace défriché, espace qui est le fondement d’une interprétation plausible et conforme aux règles du signe. Cette conception est une preuve flagrante d’un engagement spirituel et idéologique du texte, car la conceptualisation de celui-ci est faite d’une façon encrée dans le fondement soufi même, par une évocation quasi-présente d’une sémiotique des concepts soufis, ce qui traduit un engagement mystique du texte loin d’être assimilé à une simple imprégnation.

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