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L'intervention du Fonds chez Castech et GLV impliquait leur survie dans la mesure où, compte tenu du risque financier lié à leur redémarrage, il n'est pas sûr qu'une banque par exemple, se serait impliquée dans une telle opération. Toutefois cela n'en fait pas pour autant un investisseur aveugle puisque dans l'accomplissement de sa mission il a des critères de sélection rigoureux. En effet, le Fonds n'investit qu'après un examen approfondi de l'environnement externe de l'entreprise comme par exemple son secteur d'activités, ainsi que ses perspectives de croissance, et d'autre part, ses éléments constitutifs, entre autres, l'état du capital fixe, de l'organisation et des relations du travail. Ce dernier élément est particulièrement important dans la mesure où il refusera d'investir s'il juge impossible d'arriver à un quelconque consensus entre les parties et à plus forte raison si l'entreprise est en grève ou en lock-out. Agir autrement ne pourrait que miner sa crédibilité et provoquer la perte de confiance des actionnaires du public, du milieu des affaires et des gouvernements.

D'après les résultats de notre recherche, la participation financière du Fonds dans les différentes entreprises étudiées a permis à celles-ci soit de relancer leurs activités après avoir connu une faillite (Métallurgie Castech et GL&V Fabrication) ou de solliciter des nouveaux capitaux dans le cadre d'une stratégie de développement (Groupe Robert et Cartem). Selon l'ensemble de nos répondants, l'injection de capitaux par le Fonds a permis aux entreprises étudiées d'améliorer leur position concurrentielle et leur productivité. Les résultats financiers démontrent également des progrès sensibles de leur chiffre d'affaires et de leur rentabilité.

Au niveau des activités stratégiques, l'arrivée du Fonds marque un point tournant dans les relations entre dirigeants et employés. Tout d'abord le ou les représentants du Fonds au conseil d'administration assurent une présence, certes indirecte, des employés à ce niveau décisionnel. La direction joue le jeu de la transparence en ce qui concerne les résultats financiers et les employés ont reçu une formation spécifique pour les comprendre, les interpréter et les utiliser. En second, le Fonds a été à l'origine de la constitution des comités multipartites, sauf pour Groupe Robert, qui assument un rôle de transmission de l'information de façon ascendante et descendante. Toutefois, le conseil d'administration demeure l'instance suprême qui entérine les décisions, et à ce chapitre, le Fonds demeure une voix minoritaire et il n'y a pas de représentation directe des employés. Bref, nous sommes encore loin du modèle de l'entreprise autogestionnaire ou de la démocratie salariale ou même représentative.

Ceci confirme en partie notre première hypothèse puisque la représentation indirecte au conseil d'administration a tout de même permis au syndicat et à ses membres d'accroître son pouvoir et son influence dans les entreprises.

Au deuxième niveau, soit celui des relations du travail, l'arrivée du Fonds marque une période de stabilité et de calme dans les relations patronales syndicales. Le syndicat accepte le partenariat avec l'employeur et s'éloigne des pratiques liées à la négociation positionnelle. Dorénavant le grand ennemi est le marché, non le patron. La formation économique et la mise sur pied des comités multipartites et de négociation continue pour Groupe Robert, expliquent cette nouvelle situation. Une plus grande transparence dans la circulation de l'information a permis une amélioration significative du climat dans l'entreprise. En contrepartie, le syndicat démontre une plus grande souplesse la négociation des conditions de travail, y compris sur la question salariale. Les mécanismes de concertation en place contribuent au développement d'une relation plus étroite entre le syndicat et la direction, chacune des parties se reconnaissant une légitimité propre. En ce sens, l'hypothèse deux est vérifiée. Il faut toutefois signaler que le Fonds n'a pas d'influence directe dans le processus de négociation de la convention collective et à ce chapitre, les innovations présentées plus haut, n'y sont pas codifiées.

Troisièmement, l'organisation du travail semble évoluer vers une plus grande implication des employés, une mobilisation de leur savoir-faire de même qu'un assouplissement du contrôle hiérarchique. Malgré les souhaits d'une plus grande implication au travail, les modes productifs n'ont toutefois pas été transformés de façon radicale avec l'arrivée du Fonds, et le taylorisme maintient sa présence prépondérante dans beaucoup d'unités de travail. Notre troisième hypothèse se trouve donc infirmée en bonne partie. Une nuance s'impose toutefois car si nous pouvons toujours parler de taylorisme à l'endroit de ces entreprises nous décelons la mise en place de conditions de sortie de ce dernier.

Finalement, retenons que le Fonds, même s'il cherche à se comporter en actionnaire discret, a néanmoins une influence importante dans toutes ces entreprises. L'analyse des trois niveaux selon l'approche stratégique nous permet d'identifier un mouvement vers la transformation du contrat social entre les acteurs au sein de l'entreprise. Si on constate une accentuation de la collaboration du syndicat avec les patrons et en conséquence un renforcement de la démocratie représentative, le rythme plus lent des transformations dans l'organisation du travail pourraient être la source de tensions entre la direction syndicale perçue comme trop près de la direction et les travailleurs dont le contrôle sur leur propre travail demeure faible.

Une meilleure coordination dans l'introduction et le rythme des innovations aux trois niveaux stratégiques favoriserait et consoliderait l'adhésion des salariés à une transformation effective et équilibrée du contrat social.

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