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Dans le mutant topA gyrB(Ts), les ribosomes sont fonctionnels malgré un défaut dans la synthèse des ARN ribosomaux. Une défectuosité des ribosomes ne peut donc pas expliquer l’inhibition de la synthèse protéique dans notre mutant. Par contre, l’accumulation d’ARNm incomplets et traductibles au profit d’ARNm de pleine longueur semble être responsable de l’altération du profil protéique de la cellule. Un défaut important dans la synthèse protéique serait en mesure de ralentir et même d’arrêter la croissance bactérienne.

La présence et l’accumulation d’hypersurenroulement corrèle parfaitement avec l’inhibition de la croissance et son accumulation est inhibée par la surproduction de la RNase HI. Dans un état hypersurenroulé négativement, la séparation considérable des brins d’ADN favorise la formation de nombreux R-loops non spécifiques (indépendants de la richesse en bases GC). La surproduction de la RNase HI a donc pour effet d’empêcher cette accumulation d’hypersurenroulement négatif ce qui prévient alors la formation de nombreux R-loops. Comme la présence d’hypersurenroulement négatif corrèle parfaitement avec la croissance, son accumulation est alors associée à la production d’ARNm incomplets. La seule activité connue de la RNase HI est la dégradation de l’ARN d’un hybride ARN/ADN. Dans ces conditions, l’effet de la RNase HI sur l’hypersurenoulement négatif est intimement lié à l’élimination des R-loops par cette enzyme. C’est donc en supprimant très rapidement les premiers R-loops formés que les molécules de RNase HI en excès ont un effet sur l’accumulation d’hypersurenroulement négatif. Cela suggère que la présence de R-loops relativement stables contribue à l’accumulation d’hypersurenroulement négatif selon le modèle du « R-loop self promoting cycle » (Drolet, 2006). Quand la RNase HI est présente en faible quantité, son action distributive contribuerait à la stabilité relative des R-loops. Nos travaux sur le lien entre l’hypersurenroulement négatif et la formation de R-loops, ainsi que ceux de la surproduction de la RNase HI sur l’accumulation du surenroulement négatif et sur croissance, supportent assez bien ce modèle.

Selon le modèle du « R-loop self promoting cycle », la dégradation de l’ARN des R-loops par la RNase HI favoriserait la diffusion et l’accumulation de surenroulement négatif. Les expériences de stabilité de l’ARN montrent que des ARNm de pleine longueur sont synthétisés mais très vite dégradés. Ceci exclut la possibilité que les ARNm incomplets soient issus de blocages transcriptionnels engendrés par des R-loops, sinon les ARNm de pleine

longueur ne seraient pas synthétisés. De plus, aucunes preuves de blocages transcriptionnels dans le mutant topA n’ont encore êté fournies. Par ailleurs, les évidences que de tels événements puissent avoir lieu in vivo sont faibles. Le mécanisme par lequel l’ARNm pleine longueur est dégradé n’a pas encore été élucidé. Cependant, de nombreuses évidences montrent que la RNase HI est l’élément principal dans ce processus.

Avant nos travaux, aucune étude n’avait encore décrit les effets des R-loops sur l’expression génique. Nous avons démontré que la formation de R-loops en l’absence de topoisomérase I était responsable de l’inhibition de l’expression génique. Nous montrons aussi pour la première fois que dans le mutant rnhA, la formation des R-loops stables est responsable d’une diminution de l’expression génique, particulièrement suite à l’exposition à un stress (Article 2). Contrairement à un mutant topA, les R-loops dans le mutant rnhA ne conduisent pas à la dégradation de l’ARN. On peut donc citer deux effets nouveaux des R-loops sur l’expression génique. En absence de topoisomérase I et en présence de RNase HI, la formation de R-loops conduit à l’accumulation d’hypersurenroulement négatif ce qui a pour conséquence la dégradation de l’ARN et l’inhibition de l’expression génique. En l’absence de RNase HI et en présence de topoisomérase I, la formation de R-loops mène à une diminution de l’expression génique. Dans les deux cas, les R-loops sont à l’origine de l’inhibition de l’expression génique qui affecte négativement la croissance.

Une des conséquences importantes de la formation de R-loops est la modification du surenroulement de l’ADN. En absence de topoisomérase I, il y a une accumulation d’hypersurenroulement négatif qui a tendance à diminuer au moment où la croissance reprend. Lorsque la topoisomérase I et la RNase HI sont toutes deux inactivées, l’ADN est alors excessivement relaxé ce qui affecte la viabilité des cellules. Il apparaît donc que la réponse cellulaire à la formation de R-loops est la relaxation du surenroulement négatif. Quand l’ADN est très relaxé, il pourrait y avoir de nombreuses conséquences sur les fonctions de l’ADN et sur les différentes activités cellulaires (Introduction, sections 3 et 4). Dans le double mutant topA rnhA, les cellules « filamentent » et possédent un problème de ségrégation des chromosomes après la réplication (Usongo et al., 2008). Or, il a été démontré que le surenroulement négatif de l’ADN est important pour le processus de division cellulaire (Sawitzke et Austin, 2000). Dans le mutant rnhA, la réponse cellulaire à la formation de R-

l’expression génique (Introduction, section 4). En réduisant ainsi le taux d’initiation, cela diminuerait considérablement le nombre de R-loops susceptibles de se former sinon cela pourrait conduire à l’accumulation d’hypersurenroulement négatif (Drolet 2006).

Pourquoi la cellule relaxe-t-elle son surenroulement négatif en réponse à la formation de R- loop ? L’ADN simple brin possède une sensibilité plus importante que l’ADN double brin aux modifications chimiques. L’accumulation de surenroulement négatif qui facilite une plus grande séparation des brins d’ADN, peut alors favoriser des mutations dans l’ADN (Aguilera, 2002). Un R-loop fournit également un ADN simple brin stable, ce qui faciliterait l’apparition de mutations dans l’ADN. L’accumulation d’hypersurenroulement par la formation des R- loops ne fait qu’augmenter la présence d’ADN simple brin. C’est donc dans le but de préserver l’intégrité de son ADN que la cellule doit absolument relaxer le surenroulement négatif suite à la formation de R-loops. Cette réponse limite alors la formation de R-loops, l’accumulation d’hypersurenroulement négatif et les effets négatifs des R-loops. Ceci supporte fortement le rôle du surenroulement négatif dans le mécanisme de formation des R- loops.

La régulation du surenroulement par les différentes topoisomérases de la cellule est une tâche essentielle. Elle permet de maintenir le surenroulement de l’ADN autour d’une moyenne qui préserve son intégrité et qui est favorable à l’ensemble des activités génomiques. La topoisomérase I joue un rôle majeur dans ce processus. En relaxant le surenroulement négatif, elle prévient les conséquences négatives de son accumulation. En absence de topoisomérase I, cette régulation du surenroulement négatif se manifeste toujours. Il serait intéressant d’identifier le(s) facteur(s) secondaire(s) impliqué(s) dans cette régulation. Ceci nous permettrait d’avoir une meilleure idée des nombreuses possibilités dont dispose la cellule pour réguler le niveau de surenroulement de l’ADN, et de mieux comprendre comment la cellule intervient pour contrôler la formation des R-loops.

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