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L'ère de la génomique a permis de révéler ces dernières années l'importance, du point de vue quantitatif, des intégrations de Caulimoviridae dans le génome des plantes, en particulier chez les solanacées et les musacées. Ces découvertes nous ont éclairés de manière globale sur les genres viraux intégrés, sur la quantité d'EPRV par génome, ou sur le fait que les EPRV de certaines plantes sont régulés par des mécanismes épigénétiques.

Cependant chaque modèle d'EPRV apparaît complexe et multiple. Les EPRV de plusieurs espèces virales peuvent en effet coexister au sein d'un même génome, et des EPRV a priori similaires peuvent avoir subi des histoires évolutives différentes. De plus, les EPRV infectieux ont des effets similaires à ceux induits par les virus dont ils proviennent. Des études fines et spécifiques sont donc nécessaires pour définir leurs particularités biologiques et préciser leur histoire évolutive.

Ce travail de thèse s'inscrit clairement dans cette démarche. Il vise à mieux

comprendre le phénomène d'intégration des Caulimoviridae chez les plantes, en utilisant les EPRV du BSV comme modèle biologique. Pour y parvenir, nous avons d'abord tenté de comprendre le fonctionnement d'une intégration infectieuse particulière : les EPRV du Banana streak GF virus intégrés chez le bananier Musa

balbisiana cv. PKW. Nous avons ensuite étudié l'évolution des EPRV à deux niveaux

d'échelle. Une première étude à large échelle nous a tout d'abord permis d'observer

les tendances globales de l'évolution moléculaire des EPRV et des intégrations des différentes espèces de BSV chez plusieurs espèces de bananiers. Nous avons ensuite conduit une étude plus fine pour retracer l'histoire évolutive de deux EPRV BSV pathogènes des espèces BSGFV et BSim V au sein du genre Musa.

Conclusion

Phénomène d'intégration des EPRV

Conduite préalablement au Cirad, l'analyse par Fingerprint des clones BAC du génome diploide M. balbisiana contenant des EPRV BSGFV a révélé la présence de

deux types d'intégrants dans le cv. PKW. De manière similaire à ce qui a déjà été observé pour l'EPRV BSOLV étudié en 1999 par Ndowora et al., les EPRV BSGFV ont une structure fortement remaniée. Le locus d'intégration est composé de plusieurs fragments tronqués du génome viral, orientés dans les deux sens. Ces remaniements ont conduit, chez le cv. PKW, à la formation de deux types d'EPRV, 7 et EPRV-9. L'analyse des gènes Musa présents de part et d'autre de ces EPRV suggèrent que les intégrants étaient des formes alléliques (travaux préliminaires de M. Lescot à l'UMR DAP). Le génotypage de chaque EPRV a permis l'étude de leur ségrégation dans la descendance du croisement interspécifique utilisant le cv. PKW comme parent M. balbisiana. Nous avons montré que ces deux EPRV sont deux allèles du même locus et résultent d'un unique évènement d'intégration dans le génome du bananier étudié.

L'analyse plus précise de l'environnement génétique de l'EPRV BSGFV a montré que l'intégration est associée à un rétrotransposon à LTR de type Ty3/Gypsy. Une telle association, EPRV -rétroélément, est fréquemment observée dans de nombreux

modèles d'EPRV des solanacées (Gregor et al., 2004; Jakowitsch et al., 1999; Richert­

Poggeler et al., 2003; Staginnus et al., 2007), et également rapportée pour le bananier

Obino l'Ewai (Ndowora et al., 1999). La particularité de l'EPRV BSGFV décrite dans

notre étude et qui n'avait jamais été observée, est une intégration du BSV à l'intérieur d'un rétrotransposon complet. Cette intégration peut résulter d'une recombinaison non homologue au niveau de microhomologies entre les deux séquences, ou de la rétrotransposition du rétroélément après recombinaison entre les ARN prégénomiques viraux et les ARN du rétroélément en activité. Cette dernière

hypothèse est celle retenue pour expliquer les intégrations des Potyviridae dans la

vigne et des Discistroviridae dans le génome des abeilles (Maori et al., 2007; Tanne &

Sela, 2005).

Dans le cas où ce rétroélement est encore actif, il n'est pas exclu qu'à plus long terme évolutif, des stress favorisant la réactivation des rétroéléments puissent amplifier l'EPRV BSGFV au sein du génome B, comme cela a été observé pour les EPRV des Solanacées (Matzke et al., 2004; Richert-Poggeler et al., 2003).

Deuxièmement, cette chimère EPRV-rétrotransposon est située à l'intérieur d'un intron du gène mom, pseudogène à l'heure actuelle. Aucun autre cas d'intégration de Caulimoviridae dans un gène de l'hôte n'a été rapporté dans la littérature. Les EPRV des Solanacées (genres Petunia, Nicotiana et Solanum ), sont préférentiellement liés à l'hétérochromatine (Hansen et al., 2005; Richert-Poggeler et al., 2003; Staginnus et al., 2007), qui correspond à des zones chromosomiques plutôt pauvres en gènes et riches en rétroéléments. Les conséquences de la présence de l'EPRV BSGFV dans le gène mom de M. balbisiana sont à l'heure actuelle inconnues, mais il est troublant de noter que l'homologue de ce gène est impliqué dans le contrôle épigénétique des éléments répétés chez A. thaliana (Amedeo et al., 2000; Vaillant et al., 2006). Nous pouvons supposer que ce gène ayant perdu sa fonction suite à l'intégration du BSGFV, ne régulerait plus les rétroéléments et les EPRV infectieux des autres espèces virales de BSV, qui seraient alors transcrits et activés.

Structure des EPRV et mécanismes d'activation.

Depuis les travaux de Ndowora et co-auteurs en 1999 sur l'EPRV BSOLV chez le cv. Obino l'Ewai, aucun autre exemple d'EPRV infectieux du BSV n'a été reporté dans la littérature. Nous avons démontré qu'un deuxième EPRV du BSV appartenant à l'espèce BSGFV est présent dans le génome des M. balbisiana, et qu'il est infectieux.

Le cv. PKW est porteur sain et toujours indemne de virions, et l'activation des EPRV s'observe seulement dans la descendance hybride interspécifique triploïde (AAB) impliquant le cv. PKW comme parent M. balbisiana. L'analyse de l'activation du BSV dans la descendance a montré qu'un seul des deux allèles (EPRV-7) est infectieux puisque seuls les hybrides porteurs de cet allèle sont capables de restituer un virus BSGFV fonctionnel.

Les régions co dan tes de l'allèle non-infectieux (EPRV -9) contiennent des mutations délétères pouvant expliquer le fait qu'aucun virus fonctionnel ne puisse être restitué à partir de cet allèle. L'allèle infectieux, quant à lui, possède des ORF indemnes de mutations fortement délétères. De manière troublante, la formation d'un génome

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