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CONCLUSION GÉNÉRALE

Dans le document ET DE LA RÉORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL (Page 191-194)

Le marché du travail a amorcé, au cours des dernières années, une profonde mutation. De nouvelles modalités d'organisation du travail se mettent peu à peu en place et transforment en profondeur les relations entre entreprises et travailleurs, particulièremenet dans le cas du travail autonome. Elles modifient également la relation au temps et au lieu de travail, dans le cas du télétravail (autonome ou salarié), et de la réorganisation du temps de travail : le travail ne se fait plus nécessairement dans les lieux traditionnels, ni non plus selon l'horaire habituel, de 9 h 00 à

17 h 00,.du lundi au vendredi. Ces nouvelles modalités d'organisation du travail ne sont pas sans conséquences sur les déplacements. C'est cette question qui nous intéressait, dans le cadre du présent projet de recherche, qui portait sur l'impact du télétravail et de la réorganisation du temps de travail sur la mobilité et les besoins en transport dans les régions de Montréal et de Québec.

Les impacts actuels sont faibles, à Montréal ou à Québec, comme dans le reste de l'Amérique du Nord, essentiellement parce que le nombre de travailleurs en situation de travail flexible sont peu nombreux', sauf dans le cas des télétravailleurs autonomes et des travailleurs qui bénéficient d'horaires flexibles. Mais, dans ce dernier cas, même s'ils sont nombreux, leurs comportements ne sont pas très différents des employés dont les horaires sont fixes : ils se déplacent pour l'essentiel durant les périodes de pointe, plutôt dans la deuxième moitié de la période. En ce sens, ces travailleurs flexibles ne contribuent pas à réduire le nombre de déplacements durant les périodes de pointe ; tout au plus, la mise en place d'horaires flexibles a-t-elle eu pour effet d'allonger les périodes de pointe. Dans le cas des travailleurs autonomes, le problème se pose en des termes différents, si ce n'est qu'ils sont nombreux et, surtout, qu'ils ont tendance à éviter les périodes de pointe lorsqu'ils ont à se déplacer, à moins d'y être forcés (pour rencontrer des clients ou encore reconduire ou ramasser des membres de leur famille). La croissance, dans les dernières années, du télétravail autonome semble donc avoir eu un impact positif sur les réseaux de transport — routier ou collectif —, encore que cet impact ait été largement compensé par l'augmentation générale de la mobilité, manifeste tant à Montréal qu'à Québec.

Pour les années à venir, les perspectives de croissance apparaissent plus intéressantes du point de vue des gestionnaires des réseaux dans le cas du télétravail ; elles le sont moins dans le cas de la réorganisation du temps de travail, qui est déjà bien implantée dans les entreprises. Ainsi, il apparaît peu probable que le nombre de travailleurs qui bénéficient d'horaires flexibles augmente de façon significative au cours des prochaines années, dans la mesure où il est déjà passablement élevé et, surtout, où les entreprises ne semblent pas intéressées à l'étendre davantage. Il en va de même de la semaine flexible, qui touche peu de travailleurs à l'heure actuelle et qui ne devrait pas en toucher beaucoup plus dans les années à venir, hors du cercle de la fonction publique et de quelques secteurs d'activité ; le secteur privé ne semble pas intéressé par la semaine flexible, du moins si on en juge par les commentaires des entreprises que nous avons rencontrées, sauf dans les cas où il est nécessaire de réduire la masse salariale. La réorganisation du temps de travail ne devrait donc pas se développer davantage. Ce qui signifie, à toutes fins utiles, que les impacts à

126 On se rappellera que nous avons mis l'accent sur le travail flexible formel, comme le spécifiait notre mandat. Il faut comprendre que le travail flexible est en fait plus répandu que ce que nos analyses indiquent, dans la mesure où nous n'avons pas considéré le travail flexible informel. Le problème se pose surtout pour le télétravail, qui est sans doute plus important que ce que nous suggèrent les données tirées de nos enquêtes.

attendre de la semaine flexible ou de l'horaire flexible sont déjà visibles sur le réseau routier, comme en témoignent l'allongement progressif des périodes de pointe au cours des dernières décennies et la réduction de l'achalandage que l'on peut observer le vendredi matin.

Par contre, le nombre de télétravailleurs devrait continuer d'augmenter, comme le reconnaissent la majorité des observateurs. Mais cette croissance devrait se faire à un rythme moins rapide que ce que certains ont pu affirmer au début des années 90, dans la foulée des premières expériences, généralement bien accueillies, à la fois par les employés et les entreprises. Il apparaît difficile de prévoir le nombre de télétravailleurs pour les prochaines années. Les prévisions plus anciennes se sont le plus souvent révélées fausses ; les prévisions plus récentes, moins optimistes, demeurent très fortement divergentes. C'est que le développement du télétravail ne dépend pas que des progrès de la technologie ; il est d'abord fonction de l'appropriation, par les entreprises et par les employés, des possibilités qu'offre la technologie, mais également de l'organisation des processus de production. D'ailleurs, les enquêtes que nous avons menées auprès des entreprises nous amènent à penser que la croissance du télétravail n'ira pas de soi : les entreprises apparaissent hésitantes face à cette formule, dont elles ont du mal à évaluer l'intérêt.

Les analyses de sensibilité que nous avons effectuées au chapitre précédent montrent que le télétravail, autonome ou salarié, a déjà un impact, bien que minime, sur les déplacements, du moins durant la pointe du matin. La croissance du télétravail devrait donc se traduire par une réduction accrue du nombre de déplacements, dans le cas des télépendulaires parce qu'il y a substitution de déplacement, dans le cas des télétravailleurs autonomes parce qu'ils évitent de se déplacer aux heures de pointe.

Ces observations appellent trois commentaires. Premier commentaire : la réduction du nombre de déplacements durant les périodes de pointe, rendue possible par le télétravail, risque d'être effacée au moins en partie par l'augmentation générale de la mobilité, comme ce fut le cas dans les dernières années, à moins que des mesures ne soient prises pour limiter ou, mieux, gérer, l'augmentation de la demande de déplacements. En conséquence, et c'est là le deuxième commentaire, on ne peut attendre du télétravail qu'il permette de résoudre les problèmes de transport d'une agglomération comme Montréal ou même Québec. Non pas tant que le télétravail ne présente pas d'intérêt du point de vue des gestionnaires des réseaux de transport — il présente un potentiel intéressant, si ce n'est qu'il signifie pour certains travailleurs des déplacements en moins, ou à des moments décalés dans le temps. Mais la croissance prévue du télétravail ne sera pas suffisante pour réduire la congestion sur le réseau routier durant les pointes. En d'autres mots, il faudra imaginer d'autres solutions — en plus du télétravail —, pour faire face à l'augmentation des déplacements. Le télétravail peut être une des solutions à mettre en place ; l'impact est peut-être faible, mais il n'est pas non plus négligeable. Seul, il ne pourra suffire.

Troisième commentaire : pour que se développe le télétravail, il apparaît nécessaire que les gouvernements interviennent pour le favoriser, comme c'est le cas aux États-Unis ou en Europe, par exemple. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les entreprises semblent hésitantes face au travail télépendulaire ; à tout le moins, elles ne semblent pas pour la plupart d'entre elles très intéressées à l'étendre à d'autres groupes de travailleurs que ceux qui en profitent déjà. Les gouvernements devront donc chercher des moyens de le favoriser, si l'on veut que le travail télépendulaire contribue à réduire les problèmes de congestion dans les agglomérations de

Montréal et de Québec ; bien plus, il faudra également que l'on s'assure de ne pas créer, avec le travail télépendulaire, davantage de problèmes que ce que l'on pourrait régler.

Les entreprises sont moins réticentes face au télétravail autonome, encore que cette modalité d'organisation du travail ne soit pas sans poser de problèmes aux travailleurs, qui se retrouvent souvent en situation précaire. Pour que se développe le télétravail autonome, les gouvernements devront également intervenir afin d'assurer aux travailleurs des conditions de travail satisfaisantes. Des réflexions en ce sens ont déjà été amorcées (Roy, 1997) ; elles devront être poursuivies.

Il apparaît également nécessaire de poursuivre les recherches quant aux impacts du travail autonome et du travail télépendulaire sur les déplacements. Ces recherches devraient s'articuler autour de deux axes principaux. Premièrement, le niveau de pénétration du télétravail, salarié ou autonome, dans les différents secteurs d'activité devra être suivi ; les données actuelles sont encore insuffisantes pour permettre une planification efficace des systèmes de transport. L'impact du télétravail dépend pour beaucoup du nombre de travailleurs touchés ; il apparaît donc essentiel que l'on tente d'en analyser la progression.

Deuxièmement, il est nécessaire que l'on poursuive les analyses afin de mieux comprendre comment s'organisent les déplacements des télétravailleurs, dans le temps et dans l'espace. C'est ainsi qu'il nous faut nous approfondir notre compréhension des choix de localisation des travailleurs, une question qui apparaît particulièrement préoccupante du point de vue de la gestion de l'urbanisation. Les données dont on dispose ne nous permettent pas encore de dire que le télétravail va contribuer à alimenter l'étalement urbain. Mais cela pourrait être le cas surtout dans la région de Québec, où il est relativement facile de se déplacer. Même dans la région de Montréal, la question mérite d'être examinée, surtout que les pôles de la banlieue sont de plus en plus autonomes par rapport à la ville centrale (Bussière, 1993). Il ne faudrait pas attendre que l'impact soit déjà manifeste pour que l'on commence à s'y intéresser. Il en va de même des choix de localisation des entreprises dans un contexte de développement des technologies de l'information et de la communication. Ces technologies permettent une plus grande déconcentration des emplois, ce qui ne serait pas sans conséquences sur les centres-villes, surtout sur celui de Montréal. Il faudra vérifier, au cours des années, ce qu'il en est de ces impacts, qui pourraient être déterminants à la fois pour les centres-villes et pour l'organisation des déplacements dans les agglomérations de Québec et de Montréal.

Annexe A

Dans le document ET DE LA RÉORGANISATION DU TEMPS DE TRAVAIL (Page 191-194)