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L'Analyse Quantifiée de la Marche (AQM) est un examen valide et standardisé permettant d'identifier et de quantifier les défauts de marche d'un patient (Whittle 1996). Malgré son apport indéniable pour la prise en charge des patients (Gage et Novacheck 2001), l'interprétation de cet examen, conduisant à l'explication des défauts de marche, reste difficile (Davis 1997a).

L'objectif de ce travail était de fournir une aide à l'interprétation des données de

l'AQM pour la marche digitigrade. L'approche choisie pour atteindre cet objectif était d'extraire objectivement des connaissances à partir des données de l'AQM par un apprentissage automatique.

Le premier chapitre de ce travail a montré, dans une première partie, la complexité

de la marche humaine et des processus pathologiques pouvant l'affecter. Les limites de l'AQM ont été mises en évidence dans une deuxième partie, dévoilant que la limite majeure demeure son interprétation, qui est assujettie à une variabilité non négligeable (Skaggs et al. 2000). L'état des connaissances biomécaniques et médicales sur la marche digitigrade montre, dans une troisième partie, que les causes "patho-biomécaniques" de ce défaut de marche sont complexes et difficiles à identifier. La quatrième partie de ce chapitre a été consacrée aux méthodes permettant d'induire des connaissances pouvant servir à l'aide à l'interprétation des données de l'AQM. Deux méthodes d'apprentissage automatique complémentaires ont émergé : les c-moyennes floues pour extraire des connaissances intrinsèques des données et les arbres de décision flous pour extraire des connaissances discriminantes des données.

Le deuxième chapitre de ce travail présente la méthode générale. Elle est basée sur

les potentialités de l'importante base de données du laboratoire d'analyse de la marche de l'Institut Saint-Pierre, comprenant plus de 2500 examens. Des choix méthodologiques ont été effectués concernant l'identification des patrons de marche digitigrade et ont été présentés suivant les différentes étapes d'une extraction de connaissances à partir de données. Ces choix correspondent, entre autres, à la sélection automatique des patients présentant une absence de premier pivot, à un codage symbolique de la cinématique de la cheville, à une élimination automatique des données extrêmes et aux paramètres de l'algorithme des c-moyennes floues. Dans un second temps, les étapes nécessaires à l'explication des patrons de marche digitigrade ont été décrites. La première étape était le codage des données cliniques pour construire l'ensemble d'apprentissage servant à induire des règles. Un codage flou a été choisi permettant de gérer l'imprécision des données cliniques et d'exprimer les règles en langage naturel.

L'induction de ces règles a été réalisée par une forêt d'arbres de décision flous. L'interprétabilité et la significativité des règles induites ont été privilégiées pour créer une base de connaissances.

Le troisième chapitre présente les résultats de l'identification des patrons de marche

digitigrade. La sélection automatique des patients digitigrades a permis, à partir de la base de données, de définir la prévalence de ce défaut de marche en fonction des différentes pathologies. Ce défaut est une déviation de marche importante pouvant se manifester essentiellement selon trois patrons cinématiques au niveau de la cheville. Le premier patron se caractérise par une flexion dorsale progressive jusqu'à la phase de fin d'appui. Le deuxième patron présente une courte flexion dorsale pendant la phase de mise en charge et se termine par une flexion plantaire progressive jusqu'au décollement du pied. Le troisième patron présente un aspect en double bosse, allant successivement d'une courte flexion dorsale à une courte flexion plantaire, puis à une courte flexion dorsale pour finir par une flexion plantaire jusqu'au décollement du pied. La répartition de ces patrons suivant différentes pathologies a montré l'appartenance prépondérante de certaines pathologies à un des trois patrons. Des hypothèses sur les causes de ces patrons ainsi que sur leurs conséquences thérapeutiques peuvent ainsi être formulées au regard des travaux de la littérature.

Le quatrième chapitre identifie les causes possibles de ces trois patrons à partir d'une

base de règles générée par des arbres de décision flous. Ces causes sont les combinaisons des éléments cliniques (force musculaire, spasticité et amplitude de mouvement) codés en modalités floues qui correspondent à des variables linguistiques. La précision globale de la méthode a été évaluée à 81% avec une validation croisée stratifiée. Le taux d'explication global pour chaque patron de marche est de 100% pour l'ensemble de la base de règles mais diminue si on regarde uniquement le pouvoir explicatif des règles "oui". Néanmoins, les patrons de marche des patients digitigrades idiopathiques n'ont pas pu être expliqués. Afin de fournir une base de connaissances sur les causes de la marche digitigrade, 12 règles considérées comme les plus significatives et les plus interprétables ont été éditées et caractérisées par les données de l'AQM (cinématique, cinétique et électromyographie). Cette base de connaissances a été confrontée à la littérature et à l'avis d'experts médicaux. Elle se montre pertinente et utilisable dans le domaine clinique.

Le dernier chapitre discute la méthode utilisée ainsi que les résultats obtenus en

terme de pertinence, de contribution scientifique, et d'améliorations possibles. La méthode utilisée, combinant un apprentissage non-supervisé et supervisé, est originale et pertinente pour extraire des connaissances issues des données du mouvement. Les résultats obtenus

répondent à un besoin d'amélioration de l'interprétation des données de l'AQM. Les patrons de marche digitigrade ainsi que les règles expliquant ces patrons contribuent aux connaissances sur la marche humaine et peuvent servir d'aide à l'interprétation de l'AQM. Ce travail ouvre notamment des perspectives d'aide au choix thérapeutique et de création d'un simulateur de marche pathologique. De plus, la méthode proposée pourrait être facilement généralisée et appliquée à d'autres domaines s'intéressant au mouvement tels que les domaines ergonomiques ou sportifs. Par ailleurs, le stockage des données dans les laboratoires d'analyse du mouvement renferme une quantité importante d'informations qui pourraient être transformées en connaissances. Nous espérons, par ce travail, initier un mouvement de recherche vers l'extraction de connaissances à partir des données du mouvement. En effet, nous pensons que de nombreuses connaissances sur la marche humaine ou le mouvement sont encore à découvrir.