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Les écosystèmes contribuent grandement au bien-être de la société mais sont menacés par les multiples activités humaines et la surexploitation des ressources. Bien que la comptabilisation des SE avait l’ambition d'éclairer la prise de décision pour assurer le développement durable

d’écosystèmes, la littérature indique que les valeurs obtenues n’ont pas eu d’incidence sur la prise de décision des administrations publiques. Ce mémoire présente deux concepts novateurs qui ont pour but d'améliorer l’interprétation des estimations et d'en faciliter l'intégration dans le processus

décisionnel. Le premier chapitre présente une comptabilisation des services écologiques des milieux humides en Minganie et introduit la distinction entre le capital naturel et les services écologiques. Le deuxième chapitre introduit une classification entre les SE essentiels et non-essentiels. Afin de bien cerner l’importance des contributions proposées dans ce mémoire, considérons les résultats de la comptabilisation réalisée pour la Minganie en comparaison avec les valeurs obtenues pour la ceinture verte de Montréal.

La comptabilisation réalisée pour la Minganie estime que les services écologiques rendus par les milieux humides sont de 75$ par km2, comparé à l’estimation des services rendus par les milieux

humide de la ceinture verte qui sont de 71 000$ par km2. L’ampleur de cette différence s’explique en

grande partie par la densité de population pour chacun de ces territoires. L’estimation des SE récréative est une valeur calculée par l’agrégation de l’ensemble des bénéfices perçue pour la population locale. Sur le territoire de la Minganie une population de 6 581 individus est touchée, tandis que pour la ceinture verte de Montréal la population visée est de 3.7 millions d’individus. Nous pouvons donc obtenir une valeur dans le même ordre de grandeur par la division par la population du territoire, ce qui nous donne 0.011$/km2/individu en Minganie et 0.019$/km2/individu dans la ceinture

verte de Montréal. En contrepartie, le capital naturel en Minganie est estimé à 6 694$/km2 tandis

que la valeur pour la ceinture verte de Montréal est de 229 800/km2. La comparaison entre ces

valeurs n’est pas possible car la première est issue d’une estimation du coût de remplacement tandis que la seconde utilise une estimation par des méthodes déclaratives.

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Les comptabilisations dans la littérature, dont celui pour la ceinture verte de Montréal, ne font pas la distinction entre les services écologiques essentiels et non-essentiels et par conséquence ils utilisent les valeurs des bénéfices et du capital naturel de manière interchangeable. Mais tel qu’il a été présenté dans ce mémoire, ces estimations ne sont pas équivalentes et estiment des prix pour des contextes spécifiques. Ainsi, sans cette distinction l’utilité des prix est difficilement interprétable et ne peuvent pas servir à faire des choix d’allocation du territoire. Plus concrètement, considérons le prix utilisé de l’habitat pour la biodiversité dans le rapport de comptabilisation de ceinture verte de Montréal qui sont estimé par des méthodes déclaratives. Ces estimations mesurent les bénéfices, au niveau individuel, que rendent ces milieux. Ce prix sera influencé par l’usage que font les usagers du territoire et de leur perception sur l’importance social de ceux-ci mais ne représente pas la valeur du capital naturel qui soutient la biodiversité. Si l’objectif est de mesurer la valeur économique de ces habitats pour maintenir la biodiversité il serait préférable d’estimer le coût de remplacement de ces habitats. Or, les objectifs de ces études ne sont généralement pas spécifiés de la sorte.

Dans l’objectif de rendre les comptabilisations discutées ci-haut opérationnelles afin de guider les choix d’occupation du territoire, nous utilisons le concept développé au chapitre 2, pour classifier les SE en services essentiels et non-essentiels. En premier lieu, appliquons cette approche pour la comptabilisons en Minganie. L’immensité du territoire assure la provision de nombreux services ainsi qu’une abondance de substituts lors de perte. Ainsi tous les services écologiques, sauf l’habitat du saumon, peuvent être définis comme étant non-essentiels et être estimés par une méthode d’estimation du bénéfice marginal, tel que les méthodes de préférence déclarative. Seule la population du saumon de l’Atlantique fait exception puisque sa pérennité est menacée. Son habitat pourrait donc être qualifié comme étant essentiel. Dans un tel cas, l’estimation de sa valeur devrait refléter le coût pour restaurer son habitat. La comptabilisation réalisée au Chapitre 1 estime une valeur du capital naturel pour la production total du saumon à 281 250 $. Cette valeur est considérée comme une borne inférieure car elle représente un coût de production en état captif. Ainsi, tout projet qui mettrait en péril les milieux humides devrait créer des bénéfices à la hauteur des bénéfices marginaux rendus par les SE non essentiels perdus. Avec les valeurs de la comptabilisation trouvée dans ce mémoire cette valeur est de 75$ par kilomètre carré pour compenser la perte de bénéfice, de plus le projet devrait assurer la restauration de toute perturbation aux habitats des saumons, car

61 ceux-ci sont jugés essentiels. La valeur de 13,29$ par kilomètre carré est une borne inférieure du coût possible pour cette restauration.

En deuxième lieu, considérons la ceinture verte de Montréal. Les SE non-essentiels sont les loisirs et les paysages, tandis que l’assainissement des eaux pourraient être considéré comme essentiel. Finalement, l’habitat pour la biodiversité pourrait être essentiel car la présence des milieux humides dans cette région se font rare et leur conservation est potentiellement essentielle pour fournir un habitat pour la sauvagine et autres insectes. Dans ce cas, la valeur fournie dans la comptabilisation qui se base sur les préférences individuelles ne serait pas adéquate puisqu’elle ne comptabilise pas le capital naturel, mais la valeur marginale. Il serait préférable de déterminer le coût de

remplacement pour substituer (offsetting) une perte potentiel de milieux humides. Notons que si l’objectif est de maintenir une superficie minimale de milieux humides dans la région de la ceinture verte, le coût de remplacement doit être calculé dans cette région, ce qui engendra des coûts élevés en raison de l’ampleur de la valeur foncière sur ce territoire. Par contre, s’il est jugé non-essentiel de conserver les milieux humides, l’estimation par les préférences est adéquate. Ainsi, afin d’assurer la conservation du capital dans la ceinture verte de Montréal, tout projet qui causera une perte de milieux humides devrait créer des bénéfices à la hauteur des services non-essentiels perdus et compenser les services essentiels perdus.

Les comptabilisations des SE fournissent des valeurs économiques qui généralisent la valeur d’un kilomètre carré d’écosystème. Cette généralisation dissimule de l’information importante sur la qualité de différents types d’écosystèmes, car la qualité des SE est liée à leur emplacement par rapport aux installations humaines, ainsi qu’aux structures biophysiques avoisinantes (p. ex. relief, bassin versant). Un choix d’allocation du territoire optimal ne pourrait se faire qu'en tenant compte de ces variations et en réalisant une comptabilisation restreinte au territoire menacé.

Mettre une valeur économique sur la Nature est un projet délicat et complexe. Cependant, nous croyons qu’avec une interprétation judicieuse des valeurs monétaires estimés, celle-ci peuvent améliorer le processus décisionnel afin de faire des choix pour atteindre les objectifs de développement durable.

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Au cours des dernières années, beaucoup d’énergie a été consacrée à améliorer les techniques d’évaluation des services écologiques. Devant le constat que ces efforts n’ont pas générés une plus grande utilisation lors de décisions d’aménagement et de préservation du territoire, ce mémoire propose une approche d’interprétation de ces résultats et de leur mise en contexte afin d’améliorer leur potentielle utilisation dans la pratique.

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