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Au début de ce travail, nous nous intéressions à la problématique des femmes au sein du top management des entreprises. Nous avons alors opté pour une étude de cas, nous permettant de porter

notre attention sur un programme de promotion des femmes au sein du top management d’une

entreprise privée belge.

D’emblée, nous avons constaté que la représentation des femmes dans les échelons supérieurs demeurait une problématique digne d’intérêt, notamment au vu de la faible proportion de ces dernières dans les postes de direction. L’étude des conditions d’implémentation du programme de promotion de la diversité nous a dès lors semblé être une question de recherche pertinente.

Nous avons ainsi commencé notre analyse au sein de l’entreprise choisie en nous basant sur cette question. L’étude du programme nous a amené à le considérer comme révélateur de discours, d’outils et de pratiques concrètes. Nous nous sommes intéressée à ses différents aspects : sélection des participants, activités proposées, communication ou encore évaluation, et ce, en nous basant sur les données extraites de nos entretiens semi-directifs.

Il nous semble par ailleurs intéressant de rappeler que d’après la Directrice des Ressources

Humaines, ce programme a permis à un tiers des sponsorisées d’effectuer une mobilité en cours de

programme ou à la fin de celui-ci. Les sponsorisées que nous avons rencontrées se sont globalement montrées positives vis-à-vis de leur participation à ce programme, car elles nous ont toutes cité des éléments qu’elles considéraient comme leur ayant apporté une réelle plus-value. Les sponsors nous ont également fait part de leur satisfaction d’avoir été intégrés à ce programme.

Au fil de notre analyse, nous avons cependant pu observer différents blocages et remises en question à propos des modalités ou activités du programme. Tout d’abord, la procédure de sélection a fait l’objet de nombreux commentaires car elle n’était pas explicite et transparente pour bon nombre de

sponsorisées. Ensuite, l’expérience des sponsorisées par rapport aux différentes activités du

programme s’est révélée quelque peu hétéroclite. Pour ne rappeler que quelques points, certaines

sponsorisées se trouvaient enchantées de leur relation avec leurs sponsors tandis que pour d’autres

celle-ci était mitigée, les séances de workshops ne correspondaient pas toujours aux attentes et le coaching individuel était parfois perçu comme trop léger. De plus, l’objectif même du programme ne semblait pas faire l’objet d’un consensus auprès de toutes les parties prenantes. Nous avons dès lors pu mettre en relief les opinions parfois contrastées des sponsorisées mais aussi des sponsors.

Nous avons ensuite continué notre analyse en proposant une relecture du programme à la lumière de références bibliographiques. Pour ce faire, nous avons ciblé plusieurs points à approfondir avec cette littérature : le rôle des règles et du pouvoir, l’influence des réseaux, la mobilisation des femmes, la traduction du programme ainsi que l’empreinte masculine sous-jacente. Nous estimions effectivement que ces éléments avaient eu un impact sur le déroulement du programme.

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Pour le premier point, nous avons mobilisé la sociologie de Friedberg (1992, 1997, 2009). Nous

avons ainsi constaté que les règles associées aux différents éléments du programme n’étaient pas

toujours très claires aux yeux des participants, à la fois au niveau des sponsors et des sponsorisées. Les zones d’ombre ont alors été appropriées par les participants, chacun à leur manière. Des pratiques se sont développées de part et d’autre avec un positionnement vis-à-vis de ce qu’ils estimaient attendu dans le cadre du programme et possible pour eux au vu de leur marge de manœuvre. Nous avons par exemple observé des attitudes de retrait vis-à-vis de certaines activités ou encore le développement d’activités parallèles à celles prévues. Mais nous avons également vu émerger de nouvelles relations de pouvoir au cours du programme. Rappelons à ce propos le cas du responsable diversité et inclusion dont l’expertise et la légitimité ont été reconnues par l’ensemble des participants.

Nous avons également mis en évidence le rôle essentiel des réseaux au sein de l’entreprise. Ceux-ci représentaient un moyen non négligeable d’accéder à l’information et d’être bien positionné vis-à-vis des opportunités qui émergeaient. Nous nous sommes basée sur la notion de liens faibles de Granovetter (1973). Ensuite, nous avons insisté sur l’impact de la mobilisation des femmes au sein du programme. Nous avons effectivement souligné que toutes les sponsorisées ne partageaient pas les mêmes envies en termes d’évolution de carrière. Certaines ne souhaitaient pas évoluer dans un horizon proche. Elles estimaient notamment qu’elles manquaient d’expertise ou qu’une évolution n’était pas possible en raison de leur vie familiale. De plus, certaines considéraient que leur fonction actuelle leur convenait et n’avaient dès lors pas envie d’en changer.

Enfin, nous avons proposé une relecture du programme au regard de la sociologie de la traduction de Callon (1986) et de la sociologie de Bourdieu sur la domination masculine (1998). Le

premier cas nous a permis d’examiner le programme en tant que changement organisationnel et de

montrer que certaines étapes de sa traduction présentaient des obstacles. Le second cas nous a servi à illustrer qu’un tel programme pouvait s’insérer dans la problématique plus large de la représentation des genres au sein du monde du travail.

Nous souhaiterions maintenant conclure notre démarche en proposant quelques pistes de réflexion et recommandations pour de futures recherches.

Tout d’abord, nous pensons qu’une comparaison avec un cas similaire au sein d’une autre

entreprise pourrait apporter des perspectives intéressantes. Nous serions dès lors à même d’en

comparer les conditions d’implémentations, les points forts et les points faibles. Nous pourrions de même avoir une idée plus complète des points d’attention que ce genre de programmes amène.

Ensuite, nous pensons également qu’une étude sur les raisons et les motivations d’implémentation d’un tel programme pourrait amener un éclairage complémentaire. Ayant rencontré les acteurs impliqués à la fin du programme, nous n’avons effectivement pas pu obtenir une compréhension complète des logiques ayant mené à son adoption.

Enfin, le programme avait pour objectif d’augmenter le nombre de femmes dans le top

management. Néanmoins, l’ensemble des sponsorisées n’étaient pas supposées évoluer hiérarchiquement au terme d’une année. Nous pensons dès lors que pour ce type de programme, une

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étude longitudinale pourrait apporter une réelle plus-value. Le fait de suivre l’ensemble des sponsorisées sur plusieurs années permettrait en effet d’apprécier dans quelle mesure le programme étudié aboutit effectivement à des mobilités pour ces personnes.

En conclusion, la mise en place du programme de promotion de la diversité apparait comme une tentative de réponse à la faible proportion de femmes au sein du top management. Il met en lien divers acteurs de l’entreprise afin d’atteindre son objectif. En ce faisant, il crée des alliances, met en évidence des relations de pouvoir, définit des enjeux et impose un cadre. Les acteurs en s’intégrant au

programme contribuent à en redéfinir les modalités et la pertinence. Mais ce programme s’insère

également dans un contexte particulier dont il s’agit pour les acteurs de tenir compte afin d’en assurer l’effectivité. Enfin, il invite à s’interroger sur la mobilisation des femmes elles-mêmes et sur la persistance d’un idéal masculin au sein du monde du travail.