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avec une mise en réseau avec les structures existantes. L’on peut également réfléchir au bien-fondé d’un entretien d’accueil aussi approfondi que l’actuel. Son côté indéniablement positif est effectivement de matérialiser l’écoute des mentés, en identifiant une figure de référence attentive, en fournissant ce temps comme signe de reconnaissance, ainsi que nombre de premiers conseils. Son revers se manifeste cependant dans la nécessité, pour le menté, de devoir reprendre son récit avec le mentor, un éventuel décalage entre les conseils donnés par la coordinatrice et le mentor, ainsi la surcharge de travail engendrée pour la coordinatrice.

Le projet n’atteint pas la cible initialement fixée d’un public relevant majoritairement du domaine de l’asile. On ne saurait cependant en faire grief aux responsables du MEM au point d’en remettre en discussion la prolongation du projet. Il convient plutôt de se poser la question de savoir si les conditions à remplir pour participer au projet ne sont pas trop élevées pour les toucher, étant donné le profil des personnes souvent moins bien formées relevant de l’asile en comparaison avec l’ensemble des étrangers. Le nombre élevé de demandes de mentés atteste cependant que l’offre répond à un besoin manifeste. Il serait souhaitable qu’il y ait une clarification des rapports institutionnels entre services de tutelle et structures en charge de l’accompagnement des personnes relevant de l’asile, afin de vérifier dans quelle mesure il est possible d’augmenter le nombre des personnes relevant de ce domaine parmi les mentés. Alternativement, mais toujours au niveau institutionnel, il conviendrait aussi d’étudier les possibilités de redéfinir le mandat assigné au projet MEM en tenant notamment compte des résultats obtenus sur le terrain au terme de cette expérience pilote.

Le nombre de duos s’étant terminés au 31 juillet 2012 est limité. Cela est dû à une mise en route laborieuse du projet dont les fruits ne peuvent être cueillis qu’après plusieurs mois.

Ce n’est qu’aujourd’hui, à deux ans est demi du début du projet, que le projet est en passe d’atteindre son rythme de croisière. Dans ces conditions, il n’est guère envisageable que le financement du projet puisse être temporairement suspendu pour être repris quelques mois plus tard27. Une telle décision condamnerait le MEM à perdre l’élan si lentement gagné avec, pour corollaire, une réduction non négligeable de son efficacité. Enfin, le projet pourrait paraître, au premier abord, couteux, mais il est, selon les chiffres, comparable à ce qui se fait par ailleurs en contexte urbain en Suisse romande.

La démarche semi-expérimentale d’évaluation du projet MEM montre que les chances d’accès à l’emploi des personnes bénéficiant de l’intervention des mentors sont entre deux et trois fois supérieures à celles des personnes qui n’ont pas encore pu prendre part au projet. Si le nombre réduit d’observations invite évidemment à la prudence, la preuve de l’efficacité du projet MEM demeure. Comme l’énonce un expert des politiques de réinsertion professionnelle, Giuliano Bonoli, dans une phrase qui peut, à première vue, sembler paradoxale « Des résultats faibles mais des retours sur investissement importants », les retombées des interventions de ce type justifient amplement l’investissement qu’elles représentent, car les coûts directs et indirects d’un chômage prolongé sont très élevés.

Le MEM tire ainsi sa valeur du fait qu’il constitue un projet-niche, taillé sur mesure sur les besoins d’un public au profil peu standardisé, pour lequel le modèle de prise en charge individualisé est le plus approprié. Comme les résultats en attestent, ce public est très demandeur, car il garde une forte motivation d’insertion dans les premières années de vie en migration, et cela en dépit du fait qu’il se trouve frappé par le chômage et est manifestement exposé à la discrimination.

Le projet MEM s’avère pertinent notamment face à ce problème. Les mentors prennent conscience de la complexité d’un phénomène encore peu présent dans l’espace public suisse (notamment à cause d’un faible taux de chômage général), mais très présent dans la réalité du demandeur d’emploi « différent ». Cette prise de conscience est salutaire pour

27 Comme d’aucuns ont pu le suggérer, en fonction du transfert des compétences de la Confédération aux cantons en matière de financement des projets d’intégration dès 2014.

l’ensemble de la société d’immigration qui apprend ainsi à reconnaître certains problèmes, étape préalable à toute action de plus grande envergure. L’empathie que les mentors peuvent éprouver pour les mentés a, par ailleurs, l’effet d’un baume réparateur pour les mentés qui se voient reconnus non seulement sur le plan professionnel, mais aussi dans leurs difficultés et leurs blessures.

En ce sens « la formule apporte aux gens plus qu’un emploi »: elle offre un terrain d’action concret au principe de la réciprocité dans le processus d’intégration des immigrés.

L’investissement individuel des migrants trouve une écoute et un appui qui décuple son efficacité économique et sociale. En somme, le mentorat MEM œuvre, dans la société civile, pour la cohésion sociale au quotidien.

L’évaluation a cependant indiqué quelques pistes d’amélioration du programme. La communication devrait être revue afin, notamment, de favoriser l’auto-identification des mentors potentiels dont le recrutement représente la principale faiblesse du projet. Les ambitions du projet – initialement très élevées – devraient être redimensionnées sur la base de l’expérience acquise pendant la phase pilote. Dans ce cadre, une clarification avec les institutions qui soutiennent le projet quant au public cible devrait parvenir à fixer des objectifs plus en phase avec la réalité du terrain.

Finalement une mise en réseau de certaines activités (p.ex. en ce qui concerne la reconnaissance des diplômes) et le renforcement des moments collectifs d’information et d’échange (p.ex. entre mentés, ou pour la formation des mentors – du moins pour ceux qui souhaitent un input initial renforcé) devraient permettre une plus grande efficacité à l’effort consenti. Quant à l’observation concernant les coûts du projet, les avis n’indiquent pas de piste d’action spécifique. Si le projet a effectivement été, à diverses reprises, considéré comme couteux, son efficacité l’emporte sur l’objectif de contenir les dépenses.

Dans l’ensemble, les échos recueillis lors de l’évaluation de ce projet sont largement positifs. Le soutien de principe à la poursuite de cette intervention n’a guère été remis en cause, au vu notamment de son efficacité, de sa finalité instrumentale concrète, de sa capacité à mobiliser les immigrés et les forces vives de la société civile et de sa cohérence avec l’esprit de la politique d’intégration actuelle. Il est ainsi recommandable que des solutions soient trouvées pour la poursuite du projet et, tout particulièrement, pour son financement à moyen terme, notamment, au cours de la délicate année à venir durant laquelle les compétences en matière de financement des projets d’intégration passeront de la Confédération aux cantons.

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