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aidants de personnes souffrant de maladie d’Alzheimer Rev DÉpidémiologie Santé Publique juin 2012;60(3):231‑8.

VII- CONCLUSION DE L’ENTRETIEN

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Entretien 1

Aidante: Fille

Aidée: Mère, démence non étiquetée

Aide: auxiliaire de vie 6 demi-journées par semaine

Est-ce que vous pouvez me dire vos difficultés spontanément?

Spontanément, ben, heu, déjà y a une organisation qui me donne beaucoup de soucis. Parce que faut être présent 24h/24. Donc, si on écoute ma maman, elle fait plus rien, à part manger. Manger ça va, elle mange toute seule. Mais heu, faut l'habiller, y faut faire ses toilettes et puis alors le problème, moi je trouve qui m'a le plus, comment dire, heu, alors le plus choqué c'est qu'on ne trouve aucun infirmier, aucune aide- soignante qui fait les toilettes. Donc on a été obligé de le faire nous-même, entre tous. Et donc, on ne trouve du personnel mais que dans les associations et c'est très, très limité. Et puis ma maman, elle a aussi la difficulté, c'est que ma maman au départ elle acceptait personne. Ça c'était vraiment, heu, pour nous c'était vraiment, heu difficile de trouver quelqu'un qui lui plaise. Alors une fois qu'on a trouvé la personne, après on a réussi à la faire embaucher par une association, et elle venait tout donc tous les après-midi depuis le mois de mars. Mais jusqu'au mois de mars, on était bien seul. Et ça c'est grâce à qui que j'ai eu ça? Ah, c'est grâce au conseil général que j'ai eu le nom de l'association, assistance heu, à domicile pour tous, c'est ça hein?

Hum.

Ouais, et c'est grâce au conseil général ça. Donc voilà, si ... les difficultés elles venaient de là, de ma maman, d'une part, parce que nous la maladie on la connait pas et on la… Les médecins qu'on a vu, avant on avait le Dr D1. Au début, puis on a trouvé que le Dr D2 était heu, il était venu une fois un samedi en…, comment on appelle ça, il était de garde. Donc on a vu qu'il était plus heu, il avait l'air de mieux connaitre donc on l'a pris. Et pas un médecin nous a posé un diagnostic Alzheimer ou autre chose quoi. Donc nous en tant que famille, et ben, sachant pas ce qu'elle avait, ben on a, on a fait confiance au médecin, ça c'est clair, mais disons que, quand on a voulu la faire rentrer dans les maisons, ben on sait pas ce qu'elle a, en fait. On sait pas ce qu'elle a. Donc pour nous c'est très, très difficile de gérer, de gérer ma maman et sa maladie on va dire, les deux.

Le fait de connaitre le nom de la maladie, ça vous aurait aidé?

Ah ben, si on nous avait dit au début qu'elle était Alzheimer, ben on aurait peut-être pris des dispositions auprès des maisons, pour chercher, pour trouver des aides Alzheimer. Et là, on nous la dit y a pas longtemps, une forme d'Alzheimer. Après on nous a dit une démence. Démence à corps de Lewy. Alors moi... Et puis les médicaments y sont pas les mêmes. Et puis y a le truc des médicaments aussi, c'est que quand on regarde les notices avec les effets indésirables on s'aperçoit que la MIRTAZAPINE, elle est très, très, elle agit beaucoup, elle agit… dans certains cas les patients sont très agités et ma maman doit faire partie de ces cas-là. Et puis on a donné du FUNGIZONE pour les mycoses et puis en fait, ça va pas avec la MIRTAZAPINE, la FUNGIZONE, on a lu la notice heureusement on l'avait arrêté un peu avant. Mais peut-être que ça a pas aidé à la calmer je sais pas moi. Sinon, ben toujours à surveiller les selles, boire, enfin c'est vraiment heu, pour nous c'est lourd. C'est lourd pour des personnes qui n'ont jamais été dans le milieu médical, c'est lourd. Et puis on n'a aucune aide de ce point de vue là. Du point de vue médical, le médecin il vient, il fait son ordonnance, il s'en va. Alors que bon ben, y a des endroits ou y avait avant, on avait des aides, des infirmiers qui venant faire la toilette, tout ça, on pouvait discuter un peu. Et même, elle refuse maintenant la kiné aussi. Elle veut plus rien faire.

75 Et pourtant elle l'aimait bien la kiné, et puis maintenant ça va plus. Mais bon ça c'est, ça c'est...

Ça aussi, c'est difficile pour vous heu…

Ben ouais, la kiné c'était un rayon de soleil quand elle arrivait, on savait qu'on allait passer un bon moment, quoi. Vous savez toutes ces personnes qui viennent de l'extérieur, et qui passent un moment avec elle, pour nous, c'est un rayon de soleil, hein. Parce que ça se passe bien en général c'est tous des gens qui connaissent la maladie. Qui, qui arrivent avec le sourire qui parlent de choses et d'autres. Donc pour nous c'est, c'est vraiment un rayon de soleil. Mais en général, le matin ça se passe bien avec ma maman hein, bon on la lève, on lui fait sa toilette, elle déjeune. Et puis après bon ben c'est… elle réclame de peler les pommes de terre, ben elle réclame de faire quelque chose et c'est à partir de six heures du soir qu'on a beaucoup, beaucoup de difficultés. C'est un peu comme les enfants, la nuit qui va arriver, ou je sais pas. Alors elle réclame heu, y parait que c'est pas bon signe mais elle réclame son papa. C'est, heu, la nuit dernière c'était "PAPA!" à 5 heures du matin, c'était "PAPA! PAPA!", et puis après c'est "il est où mon petit frère, mon petit frère" à 5 heures du matin alors qu'elle s'était couchée à minuit, enfin couché, on l'a couché. A minuit on l'a couché, de force, hein. Et ça c'est vraiment très désagréable de la coucher le soir de force.

C'est désagréable ?

Oh, c'est, c'est affreux on est comme des… et puis elle appelle les gendarmes, elle appelle la police, elle appelle les pomp… non, pas trop les pompiers. C'est surtout les gendarmes. Alors, des fois j'appelle mon frère et je dis: "ben tiens, y a la gendarmerie qui appelle". Alors il se fait passer pour un gendarme, et puis des fois ça la rassure un peu et après ça va mieux. Mais, pas toujours.

D' accord. Alors, ça la rassure...

Oui, elle veut absolument qu'on ait la gendarmerie et des fois elle dit qu’on la ferme, on la ferme pas la porte,"on m'a enfermé, on veut me tuer, on veut m'empoisonner!" Tout y passe, tout, tout, tout alors quand vous êtes comme ça là, qu'est-ce que vous faites? Alors, on la rassure, on la caresse. Mais elle est tellement prise dans son truc, elle nous entend pas, on peut pas la toucher, on peut pas la toucher, on peut pas la caresser.

C'est quelque chose qui vous touche?

Ah bas, ça c'est clair, c'est clair c'est ce qui me touche le plus, c'est ces cris-là. Au final, ce que vous dites c'est que c'est le plus difficile à supporter ? C'est ça?

Oui c'est ça, c'est le plus difficile ça. Ces cris-là, c'est le plus difficile, c'est de voir dans quel état elle est maintenant. Quand elle est calme vous vous figurez qu'elle est toujours comme avant. Mais quand elle est en crise vous voyez vraiment qu'elle a changé c'est plus la même, c'est plus elle quoi, c'est ... Ben tout le monde dit, c'est sa maladie c'est la démence. Mais c'est pas ça qui va faire que vous ressentez rien, quoi. Même si on vous dit que c'est de la démence, ça vous rassure pas. Ça fait mal, hein, de voir qu'on peut devenir aussi étranger à ce que l'on était avant. C'est, c'est une étrangère là.

Et quand vous dites, c'est plus elle, c'est quelque chose, c'est difficile… qui vous touche?

Bien sûr, on a connu notre mère autrement, jamais connu comme ça. Donc ça fait quoi, ça fait 3 ans maintenant que ça dure ça. Petit à petit, l'année dernière encore on était en bas on pouvait aller dans le jardin. Mais cette année c'est vraiment dur on est obligé de rester au premier étage nuit et jour. Même pour

76 elle ça doit être très, très dur. De pas pouvoir, heu… se lever de son lit toute seule quand elle voit ses barrières, elle se reconnait plus dans sa chambre avec ses barrières. Et on peut pas faire autrement. C'est la chute assurée si on la laisse toute seule. C'est ça qui... on aimerait faire comme avant, nous. Mais on peut pas. Elle est bloquée dans son…

Tout à l'heure, heu, vous parliez de la maladie que vous ne saviez pas ce que c'était. Qu'il n'y avait pas de diagnostic posé...

Non, on sait pas ce que c'est nous... On s'est dit, est ce que c'est peut-être ci, peut-être ça. Mon père, quand il a eu Alzheimer, on savait que c'était Alzheimer. Je suis allée voir un professeur de l'hôpital nord là, il avait, il lui a fait faire des tests. Il marchait, hein! Quand on est sorti, il a dit: " Madame vous allez consulter une association Alzheimer". Ça voulait tout dire. Alors que là, on dit que c'est de la démence, mais on nous a jamais dit vraiment.

Aucun mot n'a été prononcé? Non, jamais.

Ni Alzheimer ni rien d'autre?

Non, y a que cette dame-là, qui avait dit une forme d’Alzheimer. Mais c'est même pas une forme d’Alzheimer, si c'est la démence de Lewy, la démence à corps de Lewy. C'est pas Alzheimer, ça?

Non.

Parce que c'est pas les mêmes médicaments. Mais je sais pas ce qu'elle a moi.

Vous disiez aussi, que vous aviez du mal à trouver... ce qui vous avez choqué c'est que… Non personne, personne, personne.

C’était un problème de place?

Du nursing, ils ne font plus de nursing les infirmiers et les aides-soignantes, elles venaient avec des bas, un moment. Ça se voyait, ça les gonflait un peu. Elles avaient pas envie de faire ça. Ben on a dit, on va le faire nous, hein!

Vous le faites vous du coup? Petit à petit, vous avez tout repris? C'est ça.

Et ça, comment vous l'avez vécu?

Ben assez bien, parce que finalement, ma maman elle était, heu, bon on n’avait pas des heures fixes. On pouvait le faire quand elle se réveillait, quoi, on n’avait pas besoin d'être là à heure fixe, on était là, sur place, et ça se passait quand elle se réveillait. C'était pas quelque chose qui, qui la, qui l'obligeait à se réveiller tous les matins à huit heures, vous voyez? Au début, y avait une petite personne qui venait à huit heures mais on a vite arrêté, quoi. Parce que des fois elle était pas réveillée. Alors, c'était embêtant de la réveiller juste pour lui faire sa toilette. Non, nous on a cherché son confort en premier, hein? Ce qu'on a fait c'est la respecter, son, comment on dit, ses, ses rythmes, ses rythmes. On les a respecté le plus possible. Quand on a vu qu'on trouvait pas, on pouvait pas, hein. Et puis, après même le soir, on respectait

77 ses rythmes mais c'est que maintenant avec sa maladie... Et ben, c'est elle qui nous impose ses rythmes maintenant, on est passé dans le … donc le matin ça va. Elle est pas heu, elle est bien. Mais le soir, elle nous imposerait de passer la nuit, hein, si on la forçait pas à aller se coucher à minuit, ou à onze heures trente, ou à dix heures trente. Alors c'est pour ça qu'on a dit. On va mettre le SERESTA pour la calmer vraiment et puis on va la coucher tôt, voilà, avant huit heures. Elle mange et on la couche et là bon. Hier soir, elle... alors des fois on passe à côté du lit "tiens, ton lit il te tend les bras". Elle s'assoit sur le lit, et puis hop. Au lit! Et y a des fois qu'on passe à côté et puis elle file. Non, mais là, hier soir ça s'est bien passé. Espérons que ça va continuer jusqu'à, jusqu'au mois d’octobre, si on fait comme ça avec le SERESTA. Mais on savait pas que c'était quatre maximum. On donnait des demis. Puis on n'osait pas. Puis on redonnait puis on n'osait pas. Si besoin, ça veut rien dire, si besoin, hein. On aurait pu me dire vous pouvez aller jusqu'à quatre par jour. J'ai donné la consigne à L. Et un, bon le matin, un c'est bon, c'est prêt dans la boite, après, c'est midi, quatre heures, et puis après le soir, c'est ma sœur qui donne.

« Si besoin », c'est pas clair. Elle était pas claire l'ordonnance?

Bien sûr, l'ordonnance était pas claire du tout. Et on n'osait pas. Vous savez les médicaments, pour moi je prends. Mais donner les médicaments à quelqu'un et puis que.., j’ose pas faire ça, moi.

Bien sûr. Ok et là, vous parliez du respect de son rythme.

On a bien respecté son rythme alors jusqu'à maintenant. Et maintenant, c'est elle qui nous impose le sien le soir, en fait le soir. Bon le matin non, mais le soir. Le matin, nous, ça nous fait rien de la lever à huit heures, sept heures ou neuf heures. Mais le soir, j'en peux plus. Moi, y a des soirs où j'ai les yeux, je peux plus tenir. L'autre soir, ma sœur est restée avec moi jusqu'à onze heures moins le quart, on n’arrivait pas à la coucher. Puis tout à coup, mon beau-frère, il a dit "bon là, y faut la coucher". On était tous les trois à la coucher parce que mon mari il est venu qu'après et bien ça a été difficile, puis moi je suis restée à côté d'elle à la caresser, à lui parler. Puis elle parlait de choses négatives, hein, alors je lui disais, "pense aux oiseaux, pense aux fleurs, a des choses bien, a des choses gaies", quoi et puis je la caressais et à chaque fois que je la caressais elle, la main, le front chaque fois qu’elle avait peur. A chaque fois, elle disait qu'il y a avait des gens dans la chambre, alors la chambre elle était pleine de gens, hein, parce qu'elle est petite la chambre, y avait quatre femmes, y avait des hommes, y avait des enfants. C'était, pfiou! Alors, pour calmer tout ça, ben il faut déjà être calme soit même puis faut avoir de la résistance hein, parce que moi, à minuit j'en peux plus. Après il faut deux, trois jours pour récupérer une mauvaise nuit.

C'est difficile physiquement?

Ben oui, avec ma polyarthrite, puis, j'ai du mal à récupérer et puis, je suis comme ma mère. Ma maman, elle dormait la journée l'après-midi quand tout se passait normalement elle dormait l'après-midi une heure à deux heures. On la mettait dans son fauteuil devant la télé un moment, puis elle s'endormait. Mais maintenant elle s'endort plus. Puis moi, je n'arrive plus à dormir la journée j'ai pris un drôle de rythme. Avant je me posais sur le canapé je m'endormais cinq minutes, dix minutes. Mais maintenant c'est fini. Je suis toujours en éveil. Et puis tout le temps ce téléphone, là, attendre, avoir peur qu'il sonne, là.Quand je suis pas chez ma maman, c'est ... peur que le téléphone sonne.

Parce que vous craignez quoi? Ben qu'on m'appelle.

Mais vous craignez quoi pour votre maman?

C'est pas la mort, hein. C'est ses crises, hein, c'est ses crises. C'est pas qu'elle meure, parce que... je l'entends. Elle respire fort, elle... moi je pense pas qu'elle aurait des soucis immédiats, de grosse, grosse

78 fatigue, quoi. Elle respire fort, elle... moi je la sens pas fatiguée ou prête de mourir, hein. Je sais pas vous? Mais pas moi. Parce qu'on a eu des personnes âgées, hein dans la famille, hein. Et, comme elle est là, elle, elle est..., elle est costaud, hein. Ouais, costaud, hein. Si vous l'aviez vu l'autre soir-là. Elle est montée, et descendre dans le lit, mettre les jambes dans ce machin, comme ça [elle me montre], les enlever et refaire ça et être comme ça sans arrêt, monter, descendre.

Elle se balançait?

Non, pas se balancer. S'assoir puis se remettre puis s'assoir, faut être costaud, hein. Elle est costaud, hein. Donc vous aussi vous devez l'être?

Heu, je dois l'être ?

Pour la soutenir ou la recoucher?

Ben pour moi, c'est plutôt, comment dire, moi de toute façon, je suis toute seule, je peux pas la recoucher correctement. Faut être deux, par contre. Une fois qu'elle est en bas du lit. Faut la remonter là sur l'oreiller. Et puis faut la border tout ça. Faut être deux, faut pas être tout seul. Elle est..., elle est forte, hein, mais c'est pour ça que je m'inquiète plus trop pour le lit, elle peut pas passer ses fesses là, c'est trop étroit. Elle passe ses jambes là, mais pas ses fesses.

Entre les barrières et le devant du lit?

Oui. Avant, je m'inquiétais pour ce truc là. Mais maintenant, c'est plus la peine. D'accord.

Parce que elle peut pas se relever. Elle peut faire ça [elle me montre], mais elle peut pas relever ses fesses. Elle peut pas. C'est impossible. Par contre, qu'est-ce qu'on lui fait des bleus là, en la tenant comme ça. En la tenant des fois, mais elle est pleine de bleus. J'ai les mêmes mains qu'avec ma mère. Pourtant elle, elle dit que c'est son travail. Moi j'ai pas fait le même boulot qu'elle. J'ai les mêmes mains qu'elle, le tricot peut-être? J'ai beaucoup tricoté jeune. Et elle aussi, hein. Et là, elle fait de la couture, je me demande si toutes ces activités ca l'énerve pas. Non? Je me demande des fois, parce que y a, y a L. qui lui fait faire des gâteaux. Elle dit qu'elle en a marre de ses gâteaux.

Y a d'autres choses qui sont difficiles?

Difficiles? Ben j'en ai déjà dit pas mal, hein. Je crois que c'est bon, hein? Parce que ça après, hein, on a de la chance d'être trois encore. Mon frère, quand il vient là, on est quand même tranquille. Moi je viens le voir le soir et je l'aide à faire la toilette, ou ma sœur aussi. Mais, heu, quand il est là, il est là pour la journée, pour la nuit. Donc, il s'occupe de tout. Quand il est là, une semaine sur deux, on peut être

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