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Conclusion sur la conduite et la surveillance distribuées des machines-outils et de l’usinage

Ces travaux sur la conduite et la surveillance distribuées des machines-outils et de l’usinage ont montré que l’ajout de capacités décisionnelles au niveau hiérarchique le plus bas (celui des capteurs et des actionneurs) de la pyramide CIM (voir Figure 1) permettait d’adapter localement la conduite du processus à des perturbations, l’usure d’outil en l’occurrence, sans solliciter de niveaux décisionnels plus élevés. Les concepts de capteurs et actionneurs « intelligents » ont montré qu’ils constituent un cadre de mise en œuvre permettant d’ajouter à ce niveau décisionnel supplémentaire des capacités de surveillance à la fois de la machine mais aussi du processus grâce à leurs capacités internes de traitement numérique de l’information et de communication bidirectionnelle. Les capacités de décisions données à ces instruments en font des agents tels que définis par Jennings et Wooldridge (1995).

Au cours de ces travaux ont été réalisées à l’aide de plateformes de simulation :

· une conduite adaptative d’une opération de tournage par modification de la vitesse d’avance dans le but de maintenir un effort de coupe constant au niveau de la broche associée à une surveillance des actionneurs, par l’estimation de leurs paramètres physiques, et du processus

de tournage, par l’estimation de l’usure évaluée par l’intermédiaire de la valeur des coefficients 0ÏÎ de la relation (20) [C7, A1],

· une conduite visant à garantir la qualité de surface des pièces usinées, à augmenter la productivité et à réduire la maintenance par la mise en œuvre d’une stratégie adaptant les vitesses d’avance et de coupe qui a été associée à la surveillance des actionneurs par l’estimation des paramètres physique et du processus de coupe par une surveillance de l’usure. Pour cette dernière conduite, les résultats de simulation ont montré que le temps moyen d’usinage était réduit et que plus de pièces pouvaient être usinées avant que l’outil n’atteigne une usure critique tout en garantissant l’intégrité de la machine en ne dépassant pas des efforts maximum sur les actionneurs. Enfin, les fonctionnalités de surveillance permettent une aide à la maintenance en fournissant [A2] :

· les valeurs des paramètres des axes pour la recherche d’origine de défauts ou encore pour le pronostic en analysant les évolutions de ces valeurs,

· des estimations de l’usure des outils pour leur remplacement d’outils avant qu’elle ne soit critique,

· un autodiagnostic des chaînes de mesures des actionneurs.

Cependant, les choix des traitements proposés ont été guidés par certaines spécificités, notamment les motorisations des axes et broches et le procédé de d’usinage. Il nous a donc semblé souhaitable de capitaliser la démarche et les modèles que nous avions développés et d’en extraire et organiser les aspects plus génériques pour proposer un cadre de conception d’architectures de MOCN mettant en œuvre des agents au niveau décisionnel supplémentaire CAID que sont les CAI et un agent CNC de niveau décisionnel supérieur. Nous avons défini les fonctionnalités que ces agents devaient mettre en œuvre et proposé des réalisations. Nous avons élaboré des modèles représentant leur comportement dynamique ainsi qu’une trame montrant les échanges pour leur collaboration dans la réalisation des fonctionnalités la requérant. Ces agents étant des objets logiciels, plusieurs architectures matérielles possibles ont été définies et des critères de choix permettant d’en privilégier une plus qu’une autre proposés [A3]. De futurs développements peuvent consister à intégrer dans cette architecture d’autres traitements à des fins de surveillance, de diagnostic, de pronostic et/ou d’accommodation à l’état de la machine et/ou du procédé qui peut être autre que de l’usinage.

La démarche et les modèles proposés constituent des connaissances dont la capitalisation peut avoir pour but une aide à la conception par leur réutilisation ou leur adaptation lorsque des besoins de similaires apparaissent. Ainsi, l’entreprise peut gagner en réactivité dans le développement de nouvelles machines-outils.

3 Modélisation d’un retour d’expérience cognitif

L’idée que les connaissances forment un capital immatériel détenu par différents acteurs est aujourd’hui largement acceptée dans les entreprises ou autres organisations sociotechniques. La gestion de ces connaissances vise à les expliciter dans le but de rendre les processus des organisations sociotechniques plus efficaces mais aussi de faciliter la transmission des savoirs et expertises de leurs personnels. Ces préoccupations sont d’autant plus prégnantes lorsque les organisations doivent faire face à des fortes mobilités de leurs personnels (changement de projets ou de postes, départs…).

Parmi les approches qualifiées d’opérationnelles de gestion des connaissances, le retour d’expérience peut être considéré comme une approche ascendante de gestion des connaissances. En effet, il est issu d’informations factuelles analysées constituant un ensemble de connaissances qui peut être réutilisé. Ainsi, la mise en œuvre de retour d’expérience dans une organisation sociotechnique nécessite de s’interroger sur la capitalisation des expériences et sur les moyens de les réutiliser. Pour la capitalisation, il s’agit de définir les différents éléments caractérisant une expérience et de les organiser. La réutilisation d’expériences nécessite d’appréhender la nature des connaissances à extraire des expériences capitalisées et des outils à mettre en œuvre ou à développer pour effectuer cette extraction.

Les développements réalisés au cours de cette troisième partie de mon parcours recherche ont été menés en partie parallèlement à la deuxième. Ils sont relatifs au projet SUP (Sécurité Urgences Pyrénées) dont une finalité consistait en un retour d’expérience dédié à de la prévention du risque en raison du domaine d’application. C’est dans ce contexte que Cédrick Béler a effectué ses travaux de thèse [ThBéler] dirigée par Laurent Geneste et que j’ai co-encadrés. Ils ont porté sur un retour d’expérience cognitif ayant pour objectifs de collecter des fragments de connaissances : les expériences qui sont des représentations structurées de faits passés auxquels sont associés des éléments d’analyse ou de description des solutions apportées ; puis de mettre en œuvre des mécanismes d’exploitation des expériences permettant l’extraction d’indicateur de risque. Ces travaux ont comporté trois volets.

Un premier volet a porté sur la représentation des expériences permettant de prendre en compte les incertitudes, notamment sur les éléments d’analyse ou de description des solutions apportées. Pour cela un modèle de représentation des expériences a été proposé basé sur une structure « objet » (attribut- valeur étendue). Si cette approche ne permet certes pas des inférences aussi poussées qu’avec d’autres langages de représentation formels des connaissances, il nous a semblé qu’elle permettait aux acteurs d’exprimer plus facilement des connaissances. La représentation des connaissances proposée permet également de prendre en compte le fait que certaines informations, notamment celles renseignées par des acteurs humains (des experts) à propos de faits, d’évènements et d’autres informations en relation avec un environnement réel, puissent être incertaines, imprécises ou incomplètes.

Le deuxième volet a été consacré à l’exploitation du retour d’expérience. A partir de la représentation de l’expérience, l’exploitation proposée est inspirée du mécanisme de recherche par similarité mis en œuvre dans le domaine du raisonnement à partir de cas (Case-Based Reasoning - CBR). Pour cela, les méthodes et techniques de calcul de similarité employées pour des formalismes objets ou attributs- valeurs ont été détaillés. Pour les éléments de représentation de l’expérience relatifs à l’expression de l’incertitude, l’imprécision ou l’incomplétude, des mesures de similarité ensemblistes ont été proposées. Ces mesures de similarités ont été mises en œuvre dans un algorithme récursif constituant principal du moteur de recherche dans la base d’expériences. Deux variantes de cet algorithme ont été proposées : l’une pour une recherche relative à certaines informations choisies et pondérées et l’autre pour une recherche qui tient compte des analyses expertes réalisées durant la phase de capitalisation.

Le troisième volet a été consacré à l’élaboration d’un indicateur de risque basé sur les expériences extraites. La proposition consiste en l’extension de la représentation d’une expérience par un descripteur représentant la gravité. L’indicateur de risque a été élaboré en conservant une proximité avec les référentiels traditionnels de type « occurrence-gravité ». Pour cela, un algorithme a été défini pour calculer les similarités globales pour chaque gravité correspondante d’expérience et d’extraire une mesure globale du risque.

Les propositions issues de ces trois volets ont été développées, dans le cadre d’un projet européen relatif à la sécurité en montagne. Cependant, un cadre plus générique a été proposé qui permet de réaliser aisément des applications de retour d’expérience, notamment dans des contextes industriels.