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3 Trajectoires d’objets mobiles

3.3 Concepts de base des trajectoires spatio-temporelles

Dans notre présentation des trajectoires spatio-temporelles, dans ce qui a précédé, certaines caractéristiques ont été naturellement mises en avant, à savoir les caractéristiques spatiales et temporelles des trajectoires. D’autre part, la majorité des recherches sur les données mobiles reconnaissent la nécessité de prendre en considération non seulement ces caractéristiques mais aussi la structure et les propriétés propres à l’espace et au temps (dans lesquels a lieu le

mouvement) eux-mêmes. D’autre part, de plus en plus de travaux récents [13] estiment que les deux composantes, spatiale et temporelle, sont insuffisantes et qu’une trajectoire doit, en plus, comporter une composante sémantique.

Nous identifions et nous présentons dans cette section les principales caractéristiques des trajectoires spatio-temporelles, ou du moins celles qui peuvent placer dans une perspective générale les recherches sur la modélisation dans les bases de données d’objets mobiles.

3.3.1 L’espace

Selon le Grand Robert, l’espace est un "Lieu, plus ou moins bien délimité, où l’on peut se situer quelque chose". Notre intérêt porte ici sur l’espace géographique. L’espace est une carac-téristique essentielle des trajectoires spatio-temporelles, vu qu’un mouvement ne peut avoir lieu que dans un espace bien déterminé. Nous exposerons donc dans cette partie les caractéristiques spatiales des trajectoires spatio-temporelles. D’autre part, la définition de l’espace géographique ne peut être pertinente que si l’on expose les propriétés qui lui sont propres.

Propriétés de l’espace

– Référentiel spatial : Un objet mobile possède différentes positions dans l’espace où a lieu le mouvement. Pour pouvoir distinguer ces positions et mesurer les distances entre elles, il faut se munir d’un système de référence. Une trajectoire spatio-temporelle est habituellement décrite dans un référentiel spatial basé sur une localisation ou à partir d’une représentation relative au sein d’un réseau. Dans le premier cas, les données spatiales de la trajectoire sont représentées par des coordonnées et/ou des primitives géométriques (e.g., série de points, polylignes). Dans le deuxième cas, une trajectoire est représentée à partir de la structure logique du réseau de transport et de ses contraintes, à savoir à l’aide d’arcs et de noeuds.

– Espace continu/discret : L’espace physique est de nature continue, c’est-à-dire qu’il est composé d’un nombre infini de localisations et qu’entre deux localisations il existe tou-jours d’autres localisations. Néanmoins, l’espace peut être considéré comme discret en ne considérant qu’un ensemble fini de localisations.

– Dimension : Selon les besoins applicatifs, l’espace peut être uni-dimensionnel, bi-dimensionnel ou tri-dimensionnel. Dans le premier cas une seule coordonnée est suffisante pour définir les positions des objets. À titre d’exemple, le cas spécifique où le mouvement est étudié le long d’une route bien déterminée et où les positions sont définies par la mesure des distances à partir du début de la route. Dans un espace bi-dimensionnel chaque position

est définie par une paire de coordonnées et dans un espace tri-dimensionnel les positions sont définies par un triplet de coordonnées.

– Echelle spatiale : L’échelle spatiale, ou échelle géographique ou encore granularité spatiale, consiste en le rapport de taille entre deux réalités géographiques. Elle détermine le niveau du détail spatial considéré. Le choix de l’échelle spatiale lors d’une étude dépend de la nature et des objectifs de l’application.

– Structure : Selon le besoin, l’espace peut avoir une structure particulière, à titre d’exemple il peut être divisé hiérarchiquement en zones d’intérêts, déterminées par un thématicien en fonction des objectifs de son étude. À titre d’exemple, un pays peut être divisé en gouvernorats, les gouvernorats en délégations et les délégations en municipalités.

– Relations spatiales : Les relations spatiales entre les objets du monde réel, objets représen-tés par des entireprésen-tés géométriques (points, lignes et régions), peuvent être classées en trois catégories principales : les relations métriques (e.i proche de, à telle distance de, etc.), les relations d’orientation (e.i à gauche de, à droite de, etc.) et les relations topologiques (e.i

est inclus dans, etc.) [83]. En effet et à titre d’exemple, Egenhofer [43] a développé dans les années 90 le modèle des neuf intersections qui permet de représenter les relations entre deux régions (voir FigureI.6), deux lignes [41] et entre une ligne et une région [42]. Comme pour des entités spatiales, il serait intéressant que des trajectoires différentes d’un même objet mobile ou des trajectoires de différents objets mobiles puissent aussi être comparées par rapport à leurs situations spatiales.

Figure I.6Relations de topologie spatiales entre objets géométriques

Les caractéristiques spatiales des trajectoires : Dans l’espace d’étude, la trajectoire d’un objet en mouvement peut posséder un nombre de caractéristiques liées à l’espace. Nous

en recensons quelques-unes :

– la position de l’objet mobile dans l’espace ;

– la vitesse, la direction et l’accélération du mouvement ; – la distance totale ou partielle accumulée par le mouvement.

3.3.2 Le temps

Le mouvement implique une consommation du temps. Le temps est donc une propriété primordiale des trajectoires spatio-temporelles. La définition du temps a toujours comporté des difficultés ontologiques bien connues des philosophes du 19ème siècle et pour lesquelles les sciences modernes n’a toujours pas de solution universelle. Toujours associé à l’espace, le concept de temps était tantôt perçu comme un simple "conteneur " des événements du monde réel (vue absolue) tantôt comme une abstraction permettant de représenter les relations entre les objets et les processus (vue relative) [24]. De nos jours, la coexistence de plusieurs conceptions com-plémentaires ou concurrentes du temps complique son informatisation. En effet, cette dernière requiert une formalisation mathématique des composantes temporelles afin de leur appliquer les opérations numériques, logiques, combinatoires et ensemblistes. Face à cette difficulté de représentation, il est primordial de comprendre les différents aspects du temps, particulière-ment si on essaie de modéliser les changeparticulière-ments spatio-temporels et plus particulièreparticulière-ment les trajectoires spatio-temporelles.

Propriétés du temps

– Nature du temps : Il existe deux conceptions majeures de la nature du temps. La concep-tion newtonienne ou approche absolue considère le temps comme un flux mesurable et quantifiable (heures et dates) sur une échelle d’intervalles. Elle privilégie une vue chro-nologique basée sur la mesure du temps, avec une granularité adaptée aux domaines (heures, jours, année, etc.). D’autre part, la conception Leibnizienne ou approche relative appréhende le temps par la succession des événements, afin de déterminer des séquences exprimées sur une échelle ordinale (avant, simultanément, après). Cette approche favo-rise une vue historique basée sur la temporalité perçue à travers l’ordre des événements. Chacune de ces formes offrent un puissant pouvoir sémantique.

– Entités primitives temporelles : La définition d’entités primitives est l’un des aspects les plus fondamentaux et les plus discutés de l’ontologie du temps [24]. Selon la nature perçue du temps, la littérature distingue les primitives suivantes :

– des intervalles de temps (périodes) ;

– des occurrences dans le temps (événements).

En effet, dans la conception absolue du temps, qui est une approche quantitative, le temps peut être divisé en instants ou en périodes. Les instants sont une représentation discrète et servent à identifier un moment ou une date particulière. Les périodes correspondent à une perception continue et servent à exprimer des durées. Par ailleurs, la conception relative, qui est une approche ordinale, représente le temps comme un ensemble d’événements ordonnés.

– La topologie du temps : Étant donné le caractère dynamique du temps, il est naturel de définir des trajectoires dans le temps pour lesquelles deux entités temporelles sont reliées par une relation d’ordre. Cet ordre peut être total ou partiel. Dans le premier cas, chaque entité temporelle possède au plus un prédécesseur et un successeur ; cette propriété peut être vérifiée par une représentation linéaire soit par une représentation circulaire, dite aussi

périodique, du temps. La linéarité du temps sert à représenter le progrès et l’évolution

dans le temps, tandis que la périodicité exprime la constance et la continuité. Dans le cas où la relation d’ordre utilisée est partielle, chaque entité temporelle peut posséder plusieurs prédécesseurs et successeurs. On parle de temps ramifié (branching time). – Relations/opérations temporelles : Avec une description du temps sous forme de points,

une simple relation de précédence est requise. La description sous forme d’intervalles nécessite un ensemble d’opérations, décrites par Allen [23] (voir Figure I.7).

– Structure ou densité du temps : Cette caractéristique distingue entre le temps discret et le temps continu. Dans la structure discrète, le temps est mesuré en certains points temporels ou intervalles et la variation est discontinue entre ces points ; par conséquent les points dans ce temps sont isomorphes aux nombres naturels. Dans le cas du temps continu, la structure du temps est isomorphe aux nombres réels et ne contient donc pas d’interruptions.

– Granularité temporelle : Nous pouvons définir la granularité temporelle comme le degré de résolution temporelle. Dans [30], la granularité est spécifiée par un point ancré sur l’axe de temps et une longueur de division. Le point ancré dénote où la division commence tandis que la longueur de division dénote la taille de chaque granule. Des applications différentes exigent des niveaux différents de granularité.

– Temps Valide ou Temps de transaction : Le temps valide correspond au temps d’occur-rence d’un fait dans la réalité. Le temps de transaction est le temps auquel les données concernant le fait ont été conservées dans la base de données [70].

Figure I.7Relations de topologies temporelles entre intervalles

Les caractéristiques temporelles des trajectoires Étant donné un temps d’étude, la trajectoire d’un objet en mouvement peut posséder un nombre de caractéristiques liées au temps. Nous en recensons quelques-unes :

– le temps du mouvement, qui est par exemple la position de ce moment sur l’échelle tem-porelle ;

– la durée temporelle totale ou partielle du mouvement ;

– la représentation du temps : la question qui se pose ici est comment et à quel niveau les caractéristiques temporelles des trajectoires sont-elles intégrées dans les modèles de trajec-toire spatio-temporelle. Différentes approches peuvent être adoptée comme l’horodatage (time-stamping) temporels des objets géographiques ou la fusion de l’espace et du temps dans des objets spatio-temporels unifiés [85]. La première solution est moins coûteuse en terme de stockage mémoire mais plus limitée par rapport au pouvoir d’expression des propriétés temporelles de l’objet.

3.3.3 La sémantique

Une trajectoire peut exprimer explicitement différents types de sémantique. Cette séman-tique peut être dérivée des informations spatiales d’une trajectoire, comme la direction ou la vitesse. Elle peut aussi concerner des localisations ayant une signification particulière, concer-ner des motifs ou modes de déplacements ou concerconcer-ner des informations liées aux besoins des applications (e.g., activités). Prendre en considération ces différents aspects sémantiques lors de la représentation des trajectoires permettrait d’enrichir les modèles de trajectoires spatio-temporelles et d’améliorer le potentiel d’analyse de cette donnée.