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CONCEPTION DES DERIVES DE LA 1,10-PHENANTROLINONE

CHAPITRE II: CONCEPTION ET SYNTHESE DES DERIVES DE LA 1,10-

I- CONCEPTION DES DERIVES DE LA 1,10-PHENANTROLINONE

Le choix de mettre au point de nouvelles molécules à structure de type

1,10-phénanthrolinone est le fruit d'une démarche rationnelle de type « drug design »

basée sur la place qu'occupent les quinolones dans la prise en charge de la

tuberculose et l'analogie structurale existant entre ces deux profils chimiques à

savoir les quinolones et les 1,10-phénanthrolinones.

I.1- Place des quinolones dans le traitement de la tuberculose

Les quinolones occupent une importante place dans la prise en charge de la

tuberculose, en particulier la tuberculose multirésistante.88 Cette classe

d'antibactériens de synthèse agissant par inhibition de l'ADN gyrase est douée

d'une activité antituberculeuse vis-à-vis des souches sensibles et résistantes de

Mycobacterium tuberculosis.89,90 De plus ces molécules présentent des

paramètres pharmacocinétiques favorables à une administration uniquotidienne

et une bonne tolérance sur le long terme, qui est propice à une bonne observance

thérapeutique.91,92 Selon l'OMS, la prise en charge thérapeutique de la

tuberculose multirésistante doit associer le Pyrazinamide et quatre antiberculeux

de seconde ligne actifs sur la souche de Mycobacterium tuberculosis considérée.

De plus, cette polythérapie dont la durée ne peut être inférieure à vingt mois doit

inclure en plus du Pyrazinamide, l'Ethionamide, la Cyclosérine, un

antituberculeux de seconde ligne par voie intraveineuse et une quinolones

(Ofloxacine, Levofloxacine). En effet, certaines études ont montré que la

présence d'une quinolone dans les schémas thérapeutiques constituent un facteur

de bon pronostic de la tuberculose multirésistante.93,94

80

Les quinolones sont également recommandées pour le traitement de la

tuberculose à bacilles sensibles en cas d'intolérance avérée aux antituberculeux

de première ligne en raison de leur bonne tolérance. En cas de tuberculose ultra

résistante les choix thérapeutiques sont très limités. L'OMS recommande un

régime thérapeutique comportant une nouvelle quinolone (Moxifloxacine,

Levofloxacine).93,94 Une méta-analyse a même révélé que l'utilisation d'une

nouvelle quinolone était le facteur le plus significatif en faveur d'une guérison

chez les patients porteurs d'une tuberculose ultra résistante. Par ailleurs, les

quinolones possèdent une activité stérilisante supérieure à celle des autres

antituberculeux (Isoniazide, Ethambutol), exceptée le Pyrazinamide et la

Rifampicine.93,94 Cependant, bien qu'efficaces, les quinolones antituberculeuses

sont incapables de réduire la durée du traitement conventionnel et sont sujettes à

des phénomènes de pharmacorésistances (critère pour définir la tuberculose ultra

résistante).95

Pour pallier toutes ces limites et disposer de nouvelles molécules

antituberculeuses, différentes équipes de recherche ont entrepris des travaux

d'investigations autour des quinolones et particulièrement des molécules

possédant le motif acide 4-pyridone-3-carboxylique des quinolones.96,97,98

I.2- Analogie structurale entre quinolones et 1,10-phénanthrolinones

Les dérivés des 1,10-phénanthrolinones ont été conçus par extension du nombre

de cycles des quinolones tout en gardant le motif acide 4-pyridone

3-carboxylique (Figure 39) indispensable à l'activité antibactérienne de ces

molécules.

81

1 2

3

4

N

H

O

COOH

5

6

Figure 39: Motif acide 4-pyridone 3-carboxylique

Ce motif, qui constitue le squelette de base de toutes les quinolones, est aussi le

vecteur pharmacophore responsable de l’induction et du maintien de l’activité

antibactérienne. Les fonctions cétone et acide carboxylique respectivement en

positions 4 et 3 sont également indispensables à l’établissement de la liaison

avec l’ADN gyrase.99,100,101

C'est pourquoi, nous avons mis au point des dérivés

1,10-phénanthrolinones, analogues structuraux des quinolones par accolement

non linéaire d'un troisième cycle de type pyridinque à une quinolones (Figure

40). Le choix de disposer les atomes azotes dans sa configuration angulaire

"1,10" s'explique par le fait que le noyau 1,10-phénanthroline avait déjà

démontré son intérêt dans l'induction d'activités anti-infectieuses.102,103,104 De

plus, le profil chimique des 1,10-phénanthrolinones se rapproche de celui de la

Rosoxacine105 qui est seule quinolone substituée en position 7 par un hétérocycle

aromatique en l'occurence une pyridine (Figure 40).

7

X N

O

R1

COOH

F

N

N

O

R1

COOH

X = CH ou N

Structure générale

des quinolones

Structure générale

des phénanthrolinones

N

O

COOH

N

Structure de la rosoxacine

Figure 40: Structures générales des quinolones , de la Rosoxacine et

des 1,10-phénanthrolinones

82

Les dérivés de la 1,10-phénanthrolinone peuvent être considérés comme des

analogues structuraux tricycliques des quinolones résultant de l'extension du

nombre de cycles des quinolones. De sorte que le profil chimique des

1,10-phénanthrolinones peut être vu comme celui d'une quinolone résultant de

l’accolement ou de l’insertion d’un troisième cycle pyridinique (Figure 42).

Une telle approche pourrait conduire à de nouvelles molécules aussi, voire plus

actives, échappant aux phénomènes de résistance par l'établissement

d'interactions différentes au niveau des sites d'actions.106 Par ailleurs, le choix

d'introduire un groupement nitro en position 6 en lieu et place de l'atome de

fluor des quinolones s'explique par le regain d'intérêt que suscitent les composés

nitrés en l'occurrence les dérivés 6-nitroimidazoxazoles (Figure 41) en tant

qu'antituberculeux actifs sur les souches résistantes. Ces 6-nitroimidazoxazoles

dérivés cycliques du Métronidazole agiraient comme des prodrogues nécessitant

une activation in vivo par les nitroréductases. Ainsi, toute suppression du

groupement nitro conduirait à une réduction drastique voire, à une suppression

de l'activité antimycobactérienne.107,108

N

N

O

R

O2N

Structure générale des

6-nitroimidazoxazoles

Structure générale des

6-nitro-1,10-phénanthrolinones

Structure générale des

6-nitro-quinolones

6

N

O

R1

COOH

O2N 6

N

N

O

R1

COOR3

O2N 6

Métronidazole

N

N

OH

O2N

Figure 41: Structure chimique des 6-nitroimidazoxazoles; 6-nitro-quinolones

et des 6-nitro-1,10-phénanthrolinones.

83

De plus la présence d’un groupement nitro, en position 6 de la

1,10-phénanthrolinone (Figure 42), pourrait induire des activités antibacillaires

orientées vis-à-vis de Mycobacterium tuberculosis si l’on tient compte de

l’analogie de structure avec les récentes 6-nitroquinolones décrites dans la

littérature et douées de propriétés antimycobactériennes non

négligeables.109,110,111

En outre, le remplacement de ce groupement nitro par d'autres types de

modulateurs tels que les halogènes a été exploré au cours de nos travaux. En,

effet la présence d'halogènes comme le brome en position 6 pourrait optimiser

les activités antibacillaires, à l’instar de la bedaquiline (Figure 42).

Structure chimique

de la Bédaquiline

N OCH

3

Br

HO

N

6

Structure chimique des

6-bromo-1,10-phénanthrolinones

6

N

O

OH

O

R1

N

Br

Figure 42: Structure chimique de la Bédaquiline et des

6-bromo-1,10-phénantholinone

Il en va de même, du remplacement de la fonction acide carboxylique des

quinolones par une fonction isostère de type amide et hydrazide. Ces fonctions

sont présentes dans le profil chimique de certains antituberculeux comme le

Pyrazinamide et l'Isoniazide (Figure 10).

Au final, notre approche pharmacochimique a permis de concevoir un nouveau

profil chimique de type 1,10-phénanthrolinone analogue structural des

quinolones. Ce profil qui possède à la fois les éléments structuraux des

quinolones, des 6-nitroimidazoxazoles, de l'Isoniazide et du Pyrazinamide

pourrait lui aussi induire d'excellentes activités antimycobactériennes à l'instar

de ceux-ci.

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