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COMPRENDRE LA MONTAGNE : LE ROLE DE L’HISTOIRE

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Comprendre la montagne : le rôle de l’histoire naturelle

dans la découverte des montagnes du Dauphiné

Lors de la première partie nous avons pu entre autre comprendre, dans quel contexte scientifique s’inscrivit l’exploration de massifs comme celui du Mont-Blanc par H-B de Saussure. Cette seconde partie se focalisera sur le Dauphiné en étant consacrée principalement aux travaux de naturalistes sur les montagnes de cette province.

Le Dauphiné jouit d’une particularité originale à la fin du XVIIIe siècle : il est le siège d’institutions savantes spécialisées dans l’étude des Alpes, fonctionnant grâce à des naturalistes dauphinois experts dans leurs domaines et reconnus internationalement, parmi lesquels se démarque le médecin et botaniste Dominique Villars. Il est nécessaire d’étudier ce « milieu savant dauphinois » qui fut la tête de proue de l’exploration des montagnes du Dauphiné, à travers son élaboration et ses actions, pour comprendre le contexte de la découverte scientifique des Alpes du Dauphiné. De façon plus concrète, l’approfondissement d’un exemple de construction de savoirs scientifiques basé sur l’étude des montagnes, comme celui de la « controverse du volcan éteint en Champsaur » entre les années 1783 et 1785, permet de déceler le cheminement suivi par les naturalistes lors de l’exploration des montagnes.

Nous étudierons également des mémoires et textes de naturalistes traitant de l’histoire naturelle en montagne, car le naturaliste se rendant dans les Alpes pour étudier l’histoire naturelle, est aussi un voyageur confronté aux paysages alpins. Par la diffusion de leurs mémoires ou observations scientifiques, les naturalistes ont diffusé des descriptions de paysages à un large public qui s’est par la suite construit une image des montagnes, l’amenant à aller les visiter.

Chapitre 4 – La place centrale du cabinet d’histoire naturelle de

Grenoble et de Dominique Villars

Le but de ce chapitre est de faire ressortir et d’étudier le rôle du cabinet d’histoire naturelle de Grenoble, qui deviendra par la suite le Muséum d’histoire naturelle, dans la découverte des montagnes du Dauphiné. Nous nous attacherons également à définir l’action de Dominique Villars, qui fut l’un des artisans majeurs de la découverte des montagnes du Dauphiné aux côtés de ses amis et collègues naturalistes que nous aborderons également.

Le cabinet d’histoire naturelle de Grenoble

Un cabinet tourné vers l’histoire naturelle des Alpes

Les origines du cabinet d’histoire naturelle de Grenoble

A la mort de Monseigneur Jean de Caulet, évêque de Grenoble, survenue en 1771, une souscription publique fut lancée pour acheter sa bibliothèque, riche alors d’environ 45.000103 volumes ou 34.000 ouvrages. La bibliothèque fut ainsi rachetée grâce aux dons des nombreux souscripteurs, et la bibliothèque publique fut constituée en 1772 dans l’ancien collège jésuite104 ; très vite la volonté de constituer un cabinet d’histoire naturelle émana des notables et savants grenoblois. En effet Grenoble était dénué de toutes institutions savantes ou d’enseignement depuis la suppression du collège jésuite à la suite de leur bannissement du Royaume de France en 1763, d’autant que la seule université du Dauphiné était située à Valence. Le docteur Gagnon105 écrivit ainsi en 1773 :

103

Selon le Père Ducros dans son Historique de l’établissement de la bibliothèque publique de Grenoble, en 1791, cité par J. Rajat Rochas, Du cabinet de curiosités au Muséum : les origines scientifiques du Muséum

d’histoire naturelle de Grenoble (1773-1855), Thèse d’histoire (dir. Gilles Bertrand), Université Pierre

Mendès-France (Grenoble II), 2006. P. 53.

104 Qui est aujourd’hui le lycée Stendhal.

105 (1728-1813), médecin et savant, grand-père maternel de Stendhal et ami de Voltaire. Il fut l’un des

principaux acteurs de la création de la bibliothèque publique de Grenoble ainsi que du Cabinet d’histoire naturelle et fut secrétaire perpétuel de l’Académie delphinale.

A peine avait-on réalisé le projet d’une bibliothèque publique que l’on commence à éprouver les bons effets que doit produire cet établissement : le vœu unanime de tous les citoyens [est de former] un cabinet de physique [et] d’histoire naturelle. Déjà, des personnes en place et des gens de lettres ont voulu concourir à en rassembler les matériaux : une ample collection de minéraux par eux rassemblés avec autant de zèle que d’intelligence des parties isolées des trois règnes, des instruments de physique, comme des cabinets particuliers, n’attendent qu’un dépôt public pour former un établissement qui, avec la bibliothèque, coopérera à la révolution si nécessaire au progrès des sciences106.

Lors de sa formation en 1773, le cabinet d’histoire naturelle regroupait déjà des cabinets de curiosité de particuliers, légués par des notables ou savants grenoblois. Les principaux donateurs furent l’Abbaye de Saint Antoine, qui, à la suite de son rattachement à l’ordre de Malte, légua ses collections, ainsi que Raby l’américain107 ou le père Etienne Ducros108. Ces collections étaient majoritairement composées d’objets exotiques, mais comprenaient également des productions alpines. Elles furent complétées par de nombreux dons de particuliers, comme l’écrivit Ducros quelques années après la création du cabinet d’histoire naturelle :

On décida d’y joindre un cabinet de physique et d’histoire naturelle, pour y placer des collections en tout genre qui avaient été ramassées par des personnes en place et des gens de lettres et qu’on destinait à former la base de ce cabinet […] L’objet qui occupa les Directeurs après l’ouverture de la bibliothèque fut l’arrangement du cabinet de physique et d’histoire naturelle. Ils se procurèrent une collection presque complète d’oiseaux de la province préparée par des citoyens zélés, une suite de minéraux ramassés avec soin par l’intendant y fut déposée, on vit chacun s’empresser à concourir à l’embellissement de ce cabinet par des dons multipliés109.

En plus de l’aspect communautaire et coopératif de la création du cabinet d’histoire naturelle, Ducros indique la provenance dauphinoise d’objets tels que des minéraux ou des oiseaux empaillés. Mais c’est en se développant que le cabinet d’histoire naturelle va suivre une double direction, qui prévalut durant les XIXe et XXe siècles : l’étude de l’histoire naturelle des Alpes parallèlement à des études exotiques, en particulier l’égyptologie.

106

H. Gagnon, « Mémoire pour la création du Cabinet de physique et d’histoire naturelle », in Délibération

du 12 juillet 1773. Cité par J. Rajat Rochas, op. cit. P.71.

107 (1719-1779), riche négociant grenoblois qui fit fortune à Saint Domingue. 108

(1735-1814), Conservateur de la bibliothèque publique de Grenoble ainsi que premier garde du cabinet d’histoire naturelle. Une biographie bien plus détaillé sera proposée infra.

109 E. Ducros, « historique de l’établissement de la bibliothèque publique de Grenoble, [1791] », texte

original, in Bibliothèque de Grenoble, correspondance administrative 1791-1822. Cité par J. Rajat Rochas,

La création d’autres institutions savantes à la fin du XVIIIe siècle

Bernard Bligny dans son ouvrage l’Histoire du Dauphiné, fixe aux années 1760 la période de réveil de la vie culturelle grenobloise, où elle « sortit de sa torpeur »110. Le Dauphiné devint la patrie de naturalistes célèbres comme Villars, Dolomieu, ou Faujas de Saint-Fond, et un réel engouement pour les sciences émergea, chez de riches particuliers, des hommes d’Eglise, des nobles ou des bourgeois. La création de la bibliothèque publique de Grenoble ainsi que celle du cabinet d’histoire naturelle, est à la fois la cause et la conséquence de cet éveil scientifique, mais ces institutions ne furent pas les seules créées. L’intendant du Dauphiné Pajot de Marcheval111, fonda en 1771 une école de chirurgie où l’enseignement était « fondé sur un système novateur et éclairé »112. Le docteur Gagnon y enseignait, ainsi que Dominique Villars, ce dernier ayant d’abord été élève avant d’y être professeur. La botanique était encore au XVIIIe siècle indissociable de la médecine113, car la très grande majorité des remèdes étaient élaborée à base de plantes médicinales. C’est ainsi qu’en complément de l’école de chirurgie, l’intendant Pajot de Marcheval créa le premier jardin botanique de Grenoble en 1782. La direction du jardin fut confiée à Dominique Villars et le travail du jardin à l’herboriste Pierre Liotard114. Le jardin botanique suivit une double direction analogue à celle du cabinet d’histoire naturelle, c’est- à-dire l’étude des plantes alpines ainsi que l’étude des plantes exotiques, comme nous le décrit Villars :

[…] nos beaux tulipiers, nos érables de Virginie et du Canada, nos cyprès, nos cèdres du Liban, le gincho du Japon à côté des mélèzes de nos Alpes […] nos belles plantes apportées par nous des Alpes, envoyées d’Orient par Toscan, bibliothécaire du muséum à Paris […]115.

110 Bernard Bligny (dir.), Histoire du Dauphiné, Toulouse, Privat, 1973. P. 320. 111

(1722-1783), avocat général au Parlement de Grenoble en 1773, intendant du Dauphiné de 1761 à 1783, il fut selon J. Rajat Rochas un « remarquable administrateur ». Comme nous l’avons vu, il céda ses collections de minéraux au cabinet d’histoire naturelle dès sa création.

112 J. Rajat Rochas, op. cit. P. 58. 113

Nous avons pu remarquer la très grande proportion de médecins parmi les naturalistes du XVIIIe siècle et des siècles antérieurs.

114 (1729-1796), botaniste et herboriste grenoblois issu d’une famille de botanistes de d’herboristes depuis

plusieurs générations, qui entretenaient des jardins botaniques privés à Grenoble. Il servit de guide à Jean- Jacques Rousseau avec qui il herborisa dans les environs de Grenoble en 1768, puis devint par la suite un de ses amis et correspondants réguliers. De plus il servit de guide en montagne à plusieurs savants français et étrangers.

115 D. Villars, Jardin botanique de Grenoble, texte original, [Grenoble], an III-An VIII [1794-1799]. Cité par

Pour Joëlle Rajat Rochas, « les richesses naturelles dont la ville était entourée donnèrent une direction aux recherches scientifiques, déterminèrent leur spécificité et firent de l’institution qui les conduisit ou qui y participa, une pionnière et une spécialiste avec laquelle il fallait compter »116.Toutes ces institutions savantes, la bibliothèque publique, le cabinet d’histoire naturelle, le jardin botanique et dans une moindre mesure l’école de chirurgie à laquelle était lié ce dernier, étaient consacrés aux études savantes dans l’esprit encyclopédiste du XVIIIe siècle. Mais ces institutions vouées à l’histoire naturelle étaient la réponse à la demande des élites savantes et éclairées dauphinoises d’institutionnaliser la recherche en histoire naturelle, ce qui prend tout son sens dans une province présentant une nature alpine si diversifiée, comme nous le verrons. Un décret du Roi en 1780 légalisera l’existence de la bibliothèque publique et du cabinet d’histoire naturelle. Puis ces deux institutions seront officialisées par lettres patentes en Académie Delphinale en 1789.

Le milieu savant grenoblois

Le rôle des élites éclairées : la haute noblesse et les hauts dignitaires dauphinois

La bibliothèque publique, le cabinet d’histoire naturelle et les autres institutions savantes grenobloises sont nés et se sont développés sous l’impulsion des élites grenobloises, que l’on peut, avec toutes les nuances possibles, catégoriser en deux « groupes ». Le premier serait composé des élites éclairées, des parlementaires, de la haute noblesse dauphinoise et des administrateurs de la province, qui n’étaient pas des savants, mais qui néanmoins s’intéressaient fortement au développement des sciences et qui possédaient généralement un cabinet de curiosité. Le second groupe serait constitué en majorité des naturalistes, du moins en ce qui concerne les dauphinois, d’origine plus modeste. Cependant, toutes ces personnes avaient un but identique et possédaient le même désir de faire avancer l’histoire naturelle ainsi que d’y contribuer.

La haute noblesse et les parlementaires dauphinois furent les principaux donateurs pour la constitution de la bibliothèque publique. Le marquis de Monteynard117souscrivit

116 J. Rajat Rochas, op. cit. P. 54. 117

pour 3.600 livres, de même que le duc de Clermont-Tonnerre118 et que le marquis de Marcieu pour 3.000 livres. Les parlementaires dauphinois figurent également parmi les principaux souscripteurs. Toutefois leur rôle ne se limita pas à fournir des moyens financiers, ils intervinrent également pour promouvoir les institutions grenobloises, comme en atteste la correspondance du marquis de Monteynard tenue dans le but d’obtenir des lettres patentes :

Cet établissement me paraît si utile que je me fais un plaisir d’y contribuer pour la somme de trois mille six cents livres que je donnerai incessamment ordre qu’on vous remette. M[essieur]es ? les Directeurs peuvent au surplus compter sur mes soins, auprès de Sa Majesté, lorsqu’ils seront nécessaires pour l’entière exécution de ce projet119.

Certains autres haut dignitaires de la province eurent un rôle de protecteur, comme l’intendant Pajot de Marcheval qui offrit à Dominique Villars la possibilité de suivre des études à l’école de chirurgie de Grenoble qu’il venait de créer. De plus, les relations que ces personnes entretenaient avec les élites françaises et européennes, furent extrêmement bénéfiques pour étendre la connaissance du travail des naturalistes grenoblois et furent à la base de nombreux échanges et de l’insertion du cabinet d’histoire naturelle de Grenoble dans un réseau savant de niveau national et européen.

Les savants dauphinois

Le Dauphiné fut la terre d’origine de nombreux naturalistes, parmi lesquels figurent des savants de renommée internationale comme Déodat Gratet de Dolomieu120 ou Barthelemy de Faujas Saint-Fond. Ces deux érudits ont parcouru le Dauphiné et étudié son histoire naturelle, mais ils ne s’intéressaient pas spécialement à la montagne. Faujas Saint- Fond fut chargé d’explorer le Dauphiné avec Guettard et Villars en 1775 et 1776 par ordre du gouvernement, puis par la suite, il publia, son Histoire naturelle du Dauphiné en 1781, dans laquelle les montagnes dauphinoises ne sont presque pas mentionnées, pas étudiées et pas perçues en tant que telle.

118 (1720-1794), issu de la haute noblesse française, commandant de la province de Dauphiné 119

L. F. de Monteynard, lettre signée du marquis de Monteynard à M. Raby d’Amérique, Compiègne, 21 juillet 1773. Cité par J. Rajat Rochas, op. cit. P. 98.

120 (1750-1801), minéralogiste et géologue, membre de l’Académie des sciences en 1795. Il fut nommé

comme professeur au Muséum national en 1800 et il succéda à Daubenton à la chaire de Minéralogie. Ami proche et correspondant du père Ducros, il fut membre associé à l’Académie delphinale.

Le milieu savant dauphinois, que nous définirons comme étant l’ensemble des savants et naturalistes ayant résidé à Grenoble et ayant consacré leurs travaux à l’étude de l’histoire naturelle du Dauphiné, est représenté dans une grande partie de notre corpus de source. Parmi ces naturalistes, l’un des plus influents fut surement le père Etienne Ducros que nous avons déjà mentionné à plusieurs reprises. Le Père Ducros, est né à Grenoble en 1735, où il décèdera en 1814. Issu d’une famille de petits commerçants grenoblois, il suit des études religieuses et devient moine franciscain. Bibliophile et ornithologue, il fut l’un des pionniers de la création de la bibliothèque publique et du cabinet d’histoire naturelle, qu’il dirigea par la suite, en tant que bibliothécaire et garde du cabinet d’histoire naturelle (il fut le premier garde, mais le second bibliothécaire) entre 1775 et 1808. Bien qu’il ait participé à plusieurs voyages scientifiques, notamment avec Villars en Oisans en 1786 ou avec Villars et Prunelle de Lière en Champsaur en 1784, le Père Ducros a publié peu d’études. Néanmoins sa très riche correspondance révèle qu’il fut en relation avec de nombreux érudits de son époque et que son avis était « sollicité et apprécié par la communauté scientifique de l’époque »121. Leonard-Joseph Prunelle de Lière, né à Grenoble en 1741 et décédé à Paris en 1828, fit également parti de ce milieu savant grenoblois, outre sa charge d’avocat au parlement, il fut administrateur de l’Académie delphinale en 1782, mais également naturaliste. Il participa au voyage scientifique dans le Champsaur de 1784, puis rédigea un mémoire qui fut publié dans le Journal de

physique122. Malgré sa carrière politique (député de l’Isère à la Convention, maire de Grenoble en 1791 et 1792) et son implication dans la franc-maçonnerie ésotérique, il fut en relation avec de nombreux éminents naturalistes dont Romé de l’Isle123. Dominique Villars occupa une place prépondérante parmi les naturalistes dauphinois, nous lui consacrons donc la partie suivante.

Le milieu savant grenoblois fut aussi composé de nombreux naturalistes amateurs, qui étudiaient l’histoire naturelle pendant leur temps libre, à côté de leurs activités professionnelles. Des membres du clergé, des avocats, des parlementaires, des militaires, des riches bourgeois ou négociants s’adonnèrent à l’étude des sciences et constituèrent ce milieu grenoblois par leurs implications dans les institutions comme la bibliothèque publique ou le cabinet d’histoire naturelle. Grenoble comptait environ 20.000 habitants en

121 J. Rajat Rochas, op. cit. P. 551. 122 Voir Chapitre 5.

123 (1736-1790), minéralogiste français, qui posa les bases scientifiques de l’étude des minéraux. La

1773, l’on peut imaginer que toutes les personnes ayant le même intérêt pour l’étude des sciences se connaissaient, surtout qu’elles se regroupaient autour de la bibliothèque publique et du cabinet d’histoire naturelle. L’étude des correspondances passant par ces institutions nous en apprend davantage sur le rôle primordial des échanges et de l’implication des naturalistes grenoblois dans des réseaux savants, hérités de la république des lettres.

Un cabinet inséré dans les réseaux savants Les échanges et relations entre naturalistes

Nous avons pu remarquer que les naturalistes mentionnés jusqu’à présent, étaient en relation avec d’autres naturalistes de leur époque, avec qui ils entretenaient généralement des liens cordiaux. Ces partages d’idées ou de découvertes, se retrouvent dans les correspondances et les échanges épistolaires entre savants, qui peuvent représenter un volume très important d’information, comme la correspondance d’Albrecht Von Haller composé de 16 981 lettres124. La correspondance du père Ducros et de Dominique Villars, étudiée par Joëlle Rajat Rochas125 est révélatrice de la place qu’occupait le cabinet d’histoire naturelle de Grenoble au sein d’un réseau savant national et européen. Villars et Ducros correspondaient avec une grande partie des naturalistes européens de leur époque, avec lesquels ils ont pu partager leurs découvertes aussi bien minéralogique que botanique, effectuées dans les montagnes du Dauphiné. La concentration d’érudits présents à Grenoble, l’intérêt des naturalistes pour cette province presque vierge d’études savantes, où beaucoup de nouvelles espèces de plantes ainsi que de types de minéraux restaient à découvrir, firent tout de suite rentrer les institutions savantes grenobloises dans un réseau qualifié de « République des sciences »126 par certains historiens.

Ce réseau se retrouve également autour de l’Académie delphinale lors de sa création en 1789 : en plus des 36 membres titulaires ayant obligation de résider à Grenoble, l’Académie delphinale comptait 47 membres associés libres, dont près des deux tiers

124

Selon Simone Mazauric, Histoire des sciences à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2009. P. 253.

125 Dans sa thèse : J. Rajat Rochas, Du Cabinet de curiosités au Muséum : les origines scientifiques du

Muséum d’histoire naturelle de Grenoble. Université de Grenoble II, 2006.

126 Car c’est à la fin du XVIIIe siècle que les sciences commencèrent à se spécialiser et à se distinguer des

étaient des savants. Les membres associés dauphinois résident dans toutes les villes de la province, et les membres français se retrouvent majoritairement dans l’Est et le Sud Est de la France. Les savants parisiens sont bien représentés puisqu’il y a dix membres associés parisiens, parmi lesquels cinq membres de l’Académie des Sciences ; ainsi y figurent Dolomieu, Sage, Condorcet, Jussieu et Thouin. Les associés libres résidant à l’étranger sont également représentés : à Londres, Genève, en Egypte (par Mure, consul général de France à Alexandrie, originaire du Dauphiné) ou encore à Saint Domingue (par le minéralogiste et militaire Genton, également originaire du Dauphiné). Les associés libres ont contribué à compléter les collections du cabinet d’histoire naturelle, mais ont surtout permis de diffuser encore plus largement les travaux des savants grenoblois dans les réseaux savants, grâce à leurs propres relations.

Pour Joëlle Rajat Rochas, « Villars était en relation avec les plus éminents botanistes, médecins, propriétaires de cabinets de France, hommes de lettres et hommes

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