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Comprendre le cycle solaire

Dans le document Sismologie solaire et stellaire (Page 156-163)

6.4 Contribution O           E

  . . . 144 6.5 Modélisation du champ magnétique . . . 158

6.5.1 Pourquoi ? . . . 158

6.5.2 Comment ? . . . 160

C

e dernier chapitre a pour but de présenter la problèmatique liée à l’activité du Soleil et des étoiles : comment cela se manifeste ? quelles en sont les origines ? (et surtout) quelle influence sur la Terre ?

6.1

Le Soleil : activité et influence

6.1.1 Manifestations et variabilité

Les taches solaires

Elles sont les manifestations les plus visibles de l’activité magnétique du Soleil. On peut trouver le premier rapport de leur observation il y a près de 2400 ans par des élèves d’Aristote. Les taches ont aussi été observées régulièrement par les astronomes chinois jusqu’au Moyen-Age. Il faut attendre le XVIème siècle, et l’invention des premiers télescopes pour que l’Europe découvre ces taches et s’intéresse à elles, notamment par Galilée (cf. figure6.1), Scheiner ou Fabricius. Les relevés réguliers effectués au cours du XIXème siècle permirent à Schwabe (1843) de mettre en évidence les variations périodiques de∼ 11 ans (cycle de Schwabe) du nombre de taches (nombre de Wolf à partir de 1849). En 1858, Carrington et Sporer montrèrent indépendamment le lien entre la latitude à laquelle apparaissent les taches et la phase du cycle. La figure6.2illustre l’évolution temporelle et spatiale du nombre de tache à la surface solaire. Elles apparaissent à des latitudes moyennes de 30˚ au début du cycle et migrent vers l’équateur. Carrigton observa aussi que les taches tournent plus vite à l’équateur qu’à plus hautes latitudes : le Soleil ne

F. 6.1 – Taches solaires dessinées par Galilée du 23 au 26 juin 1603.

toutne pas comme un corps solide mais présente une rotation différentielle de surface. De nombreuses théories furent émises sur l’origine des taches (par exemple que le Soleil pouvait aussi être couvert de nuages) avant qu’au début du XXème siècle le lien avec le champ magnétique soit mis en évidence par Hale (1908). C’est d’ailleurs le fort champ magnétqiue y régnant (0.3 T) qui explique qu’elles nous apparaissent sombres. En effet le champ est suffisamment fort pour inhiber la convection et donc le transfert de chaleur. Le contraste avec le reste de la surface explique leur "noirceur". Hale montra aussi que les taches se regroupent par paire de polarité opposée et que les hémipshères nord et sud sont aussi de polarité opposée, s’inversant tous les 22 ans en moyenne (cycle de Hale). Les taches et le cycle associé sont une signature de l’activité magnétique du Soleil, la manifestation de surface d’un effet dynamo (et des processus liés) (cf. §6.2). Ce cycle affecte aussi les autres couches de l’atmosphère solaire, de la photosphère à la couronne puisque des variations se retrouvent aussi bien dans le flux radio émis par la couronne que dans l’activité énergétique en X et UV.

Les variations de l’irradiance solaire

L’irradiance solaire totale (TSI en anglais pour total solar irradiance) est définie comme le flux d’énergie solaire intégrée sur tout le spectre arrivant à la surface de l’atmopshère terrestre, à la distance moyenne entre le Soleil et la Terre (1 U.A. donc). Elle vaut 1367 W/m2. Cette quantité est aussi appelée la "constante solaire", qui n’est pas si constante. En effet avant l’avénement des satellites, il était très difficile de détecter et mesurer depuis le sol les variations de la TSI. C’est grâce aux premières mesures spatiales, en 1978, que les variations de la TSI furent observées et suivies. Le lecteur pourra se reporter à la revue très complète de Fröhlich and Lean (2004) sur la variabilité solaire, ses manifestations et sources. La figure6.3illustre ces variations. Depuis 1978, plusieurs fluctuations et leurs sources ont été identifiées :

– changement de l’ordre de quelques minutes à quelques heures : reliées à la granulation, à la méso- et à la super-granulation. En particulier des fluctuations de 5 minutes dûes aux oscillations solaires (par exemple Fröhlich et al.,1997;Wolff and Hickey,1987) ;

– des variations à court-terme de plusieurs jours à quelques semaines : dominées par les taches solaires (Chapman,1987).

– des variations de 0.1% suivant le cycle solaire en phase avec l’activité magnétique (Willson and Hudson, 1991; Lee et al., 1995). Cette composante est la plus visible dans la figure 6.3 et est expliquée principalement par la présence de facules près des taches.

Etant donné que ces variations et leur faible amplitude n’ont été mises en évidence qu’il y a une trentaine d’années, on ne peut encore se prononcer sur leur modulation à plus long-terme que le cycle de 11 ans. Pour palier ceci, on a recours à l’étude des anneaux de croissance des arbres ou à la mesure de composés isotopiques comme le carbone 14 ou le beryllium 10 pour reconstruire l’évolution temorelle du nombre de taches ou de la température (cf.6.1.2).

F. 6.2 – Evolution temporelle et spatiale des taches solaires. Haut : migration des latitudes moyennes de 30˚ et comptage du nombre de taches depuis 1874. C’est Maunder en 1913 qui mit en évidence ce motif papillon. Bas : diagramme papillon magnétique obtenu à partir de magnétogramme moyenné en longitude. La polarité des taches apparaît et on voit leur inversion au cours du temps. (Dr. Hattaway, NASA/MSFC)

F. 6.3 – Variations de la TSI depuis 1978. Cette courbe est obtenue à partir des différentes observations d’instruments spatiaux (HF/NIMBUS 7, ACRIM I/Solar Maximum Mission, ERBE/Radiation Budget Satellite (ERBS), ACRIM II/Upper Atmosphere Research Satellite, SOVA2/European Retrievable Car- rier et VIRGO/SOHO). Les fluctuations à différentes échelles de temps apparaissent et surtout la variation de 0.1% avec le cycle d’activité (d’aprèsFröhlich,2000).

Les variations héliosismiques

Les variations de l’activité magnétique affectent aussi la structure du Soleil. Ceci se manifeste par l’évolution des paramètres des modes acoustiques du Soleil avec le cycle.Woodard and Noyes (1985) rapportent pour la premère fois un décalage des fréquences des modes de bas degrés. Ces résultats ont été confirmés parFossat et al.(1987) avec des observations depuis le pôle Sud puisPallé et al.(1989) grâce à 11 ans de données obtenues par Mark-I à l’observatoire del Teide (donc couvrant un cycle entier).Regulo et al.(1994) ont montré que pour tous les modes de bas degrés, le décalage en fréquence (0.52±0.02 µHz) est corrélé avec l’activité magnétique (cf. figure6.4). Ces variations des modes de bas degrés présentent une caractéristique importante. En effet une dépendence du décalageh∆νnℓiνen fonction de la fréquence a été mise en évidence parAnguera Gubau et al.(1992), confirmée parChaplin et al.(1998). Celle-ci est illustrée par la figure6.5.

Qu’est-ce que ces observations nous apprennent ? Déjà que le cycle d’activité magnétique est accom- pagné de modification de la structure solaire. Sur la figure6.5, on constate que les fréquences inférieures à 2.5 mHz ne sont quasiment pas modifiées pendant le cycle. Alors que pour les fréquences supérieures, plus les modes sont de hautes fréquences, plus ils sont affectés. En effet dans ce cas, la cavité du mode est de plus en plus grande. Le décalage atteint ainsi∼ 0.5 µHz entre le maximum et le minimum autour de 3.5 mHz. On a vu au chapitre2.2que les modes de hautes fréquences ont leur point de retournement externe plus proche de la surface. Les modes se propageant dans les couches externes ont une plus faible inertie et sont ainsi plus sensible aux variations dans ces couhes. On peut donc dire que les variations ob- servées sont dûes à des phénomènes prenant place dans les couches les plus externes. Cependant on peut quand même s’interroger sur la sensibilité des modes g aux variations du cycle magnétique du Soleil.

F. 6.4 – Evolution temporelle des fréquences moyennes des modes de bas degrés pendant le cycle 23 : on considére la moyenne sur l’ensemble des modes observés des écarts de la fréquence des modes à leur valeur moyenne suivant le cycle. La ligne continue montre la variation du flux radio, indicateur de l’activité magnétique. On note un coefficient de corrélation de 0.93 entre les 2 quantités (d’aprèsGarcía et al.,2004b).

F. 6.5 – Sensibilité des modes à l’activité magnétique en fonction de leur fréquence : cette figure illustre pour chaque mode sa variation observée en fréquence normalisée par le flux radio (d’aprèsGarcía et al., 2004b).

F. 6.6 – Irradiances spectrales : observée au dessus de l’atmosphère et sa variabilité estimée en suivant le cycle de 11 ans. Les principaux gaz absorbant du rayonnement solaire sont indiqués. La ligne en tirets correspond à la variation de la TSI pendant un cycle (d’après Lean,2000).

6.1.2 Quelle influence sur la Terre ?

Comme on vient de le voir l’énergie émise par le Soleil n’est pas constante, on peut alors se demander quelle est l’impact sur la Terre. La figure6.6montre le spectre du rayonnement arrivant au sommet de l’atmosphère terrestre. Celui-ci est proche du spectre d’un corps noir à 5770 K surtout dans le visible et aux grandes longueurs d’ondes. Environ 50% de la TSI se situe dans le visible et dans le proche IR (400-800 nm) alors que 99% de l’énergie solaire est émise entre 300 et 10000 nm (Fligge et al.,2001). L’amplitude des variations du rayonnement solaire dépend de la longueur d’onde : aux courtes longueurs d’onde, la variation devient plus grande (Lean et al. 1997, Rootman 2000). Comme on le voit sur la figure6.6, les variations du spectre interviennent surtout en dessous de 500 nm et les variations dans le visible et en IR restent mal connues à cause du manque de données de longue durée. Sur cette figure, on voit aussi la quantité de TSI atteignant le niveau de la mer, absorbée dans l’UV et le proche IR par les molécules O2, O3, H2O et CO2.

Les variations du rayonnement solaire entraînent une variation de l’énergie reçue au niveau de l’at- mosphère terrestre, qui est une région fondamentale des mécanismes météorologiques et climatiques. Depuis le XVIIIème siècle, il a été suggéré que le Soleil joue un rôle dans le climat terrestre et de nom- breuses corrélations ont été observées entre des indices climatiques et des phénomènes solaires (e.g.

∆T (t)) sans pour autant que leur relation soit clairement établie (cf. Hoyt and Schatten, 1997). Grâce aux relevés du nombre de taches depuis le XVIIème siècle, il a d’ailleurs été remarqué la corrélation entre des périodes de fiable activité, voire d’activité nulle (comme les minima de Maunder ou de Spörer) coïncidant avec des périodes très froides. Le lecteur pourra aussi se reporter àMendoza(2005) pour une discussion des origines des variations de la TSI et de son influence sur la climat terrestre.

Depuis le début du XXème siècle, un réchauffement global moyen de 0.6± 0.2˚C a été mesuré (e.g. IPCC TAR 2001), attribué principalement voir uniquement à l’influence de l’homme sur le climat. De nombreux travaux portent actuellement sur la contribution de la variabilité solaire au changement climatique terrestre et de nombreuses tentatives sont effectuées pour estimer au mieux l’impact de la TSI. AinsiLean et al.(1995) a montré qu’entre 1610 et 1860 la moitié du réchauffement global provient du Soleil et que 65% de ce réchauffement s’est produit depuis 1970. Ces conclusions sont soutenus parSolanki and Krivova (2003) qui ont montré que 30% de ce phénomène aurait une origine solaire.

F. 6.7 – Nombre moyen de taches solaires reconstruit à partir des relevés de14C (en bleu), à partir de

10Be (vert et magenta) et évolution du nombre moyen de taches observées depuis 1610 (d’après Solanki

et al.,2004).

Solanki et al.(2004) ont montré que le niveau actuel d’activité de ces 70 dernières années et sa durée sont exceptionnelles. Sur les 11000 dernières années, le Soleil n’aurait présenté une activité si élevée que pendant 950 ans avec des durées moyennes de ces périodes de seulement 30 ans. La figure 6.7

représente le nombre de taches solaires reconstruit à partir des relevés des concentrations des isotopes cosmogéniques de14C dans les anneaux de croissance de arbres et de10Be emprisonné dans les glaces antartiques.

6.2

Comprendre le cycle solaire

L’activité magnétique du Soleil est la manifestation à sa surface des mécanismes de la dynamo. Ceux-ci assurent l’amplification et le maintien du champ magnétique grâce à la conversion de l’énergie mécanique d’un fluide conducteur en énergie magnétique. L’idée d’un tel phénomène n’est pas neuve puisque Larmor discuta en 1919 la possibilité d’un tel mécanisme pour maintenir un champ magnétique dans la Terre. On peut se reporter àMoffatt(1978),Ossendrijver(2003) ouSolanki et al.(2006) pour des revues sur le sujet. Il existe différents modèles de dynamo dont l’objectif est de permettre de reproduire les signatures observées, comme l’apparition et la migration des régions où émergent les taches et leur changement de polarité.

Plusieurs processus sont susceptibles de jouer un rôle important dans la dynamo solaire et qui ont été observés : la rotation différentielle (effet ω) et la turbulence présente dans la zone convective (effet

α). Parker (1955) proposa un premier modèle de dynamo solaire impliquant ces 2 processus. C’est la dynamo α-ω (cf. figure 6.8) : un champ magnétique poloïdal est transformé en champ toroïdal par la rotation différentielle puis grâce à l’effet α le champ poloïdal est regéneré1. L’héliosismologie a mis en évidence la dynamique interne du Soleil avec notamment l’existence de la tachocline ou encore la présence d’une circulation méridienne dans la zone convective. Ces deux zones sont considérées comme des lieux actifs de la dynamo et sont inclus dans les modèles les plus récents pour tenter de reproduire

1Rappelons que les conditions dans le Soleil sont telles que le théo`rème du gel s’applique stipulant le gel des lignes de

F. 6.8 – Illustration des effets ω (à gauche) et α (à droite). ω : un champ magnétique azimutal est généré par l’enroulement des lignes de champ méridonales par la rotation différentielle. α : une cellule convective s’éléve et s’enroule sous l’action de la force de Coriolis. Une ligne de champ magnétique piégée suit ce mouvement et s’enroule dans une boucle la transportant dans la direction perpendiculaire.

les caractéristiques de la dynamo solaire (durée du cycle, migration des taches . . . ).

En plus de la dynamo α-ω, on peut distinguer différents modèles selon les régions où sont supposés prendre place les différents mécanismes (α, ω, circulation . . . ). On trouvera une revue des différents mé- canismes MHD intervenant dans la description du magnétisme solaire dansSchüssler(2004) etSolanki et al.(2006) :

i) overshoot dynamo : les effets α et ω se situent dans la zone de pénétration convective ;

ii) interface dynamos : l’effet ω intervient dans la zone d’overshoot et l’effet α à la base de la zone convective (Parker,1993;Charbonneau and MacGregor,1997), les 2 régions étant connectées par un processus de diffusion ;

iii) Babcock - Leighton : l’effet α prend place à la surface et l’effet ω dans la tachocline (Babcock, 1961;Leighton,1969) ;

iv) flux transport dynamos : l’effet α intervient près de la surface, l’effet ω à la base de la zone convective et ces 2 régions sont reliées par une circulation méridienne qui transporte le flux ma- gnétique (Choudhuri et al., 1995; Wang and Sheeley, 1991; Dikpati and Charbonneau, 1999). Ainsi un tube de flux magnétique alimenté et amplifié près de la tachocline (donc toroïdal) par la rotation différentielle s’éleve, sous l’action de la force de Coriolis s’enroule donnant naissance à une composante poloïdale avant d’atteindre la surface.

De nombreux travaux sont en cours pour modéliser et simuler la dynamique MHD de l’intérieur solaire (Jouve and Brun,2006;Brun et al.,2005;Moreno-Insertis and Murdin, 2000;Ferriz-Mas et al.,1994; Dikpati and Gilman, 2006) et comprendre les processus d’amplification et de transport du champ ma- gnétique. La figure6.9 représente la dynamique interne du Soleil et les processus supposés intervenir dans le mécanisme dynamo : rotation différentielle, flottaison des tubes de flux, diffusion magnétique, circulation méridienne, turbulence . . . Elle révèle toute la complexité du problème et les difficultés que l’on rencontre pour reproduire les observations de l’activité magnétique.

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