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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.5 Matériaux organiques testés dans le contexte de l’étude

2.5.1 Compost et tourbe

La tourbe et le compost sont groupés dans une même sous-section car ils sont tous deux composés en grande partie de matières humifiées. Ce qui distingue le compost de la tourbe, mis à part les différents types de matières organiques source dont ils sont composés, sont les conditions dans lesquelles s’est déroulée leur humification. Le compostage est un processus de dégradation aérobie durant lequel les microorganismes transforment des matériaux biodégradables en un matériau organique stable et fin (Zhou and Haynes 2010), tandis que la tourbe se forme suite à une lente dégradation anaerobique en milieu saturé. Selon Zhou and Haynes (2010), la tourbe, un matériau particulièrement humifié, est depuis longtemps reconnu comme un sorbant efficace pour

les métaux divalents. Le compost, moins humifié, est lui aussi un sorbant efficace pour les métaux (Grimes et al. 1999; Seelsaen et al. 2007).

Selon Tan (2014), l’humus est un mélange de substances humiques et d’autres molécules telles que des protéines, de la lignine, des hydrates de carbone, etc., qu’il désigne par le terme de substances non-humiques. Selon lui, les substances non-humiques sont majoritairement des substances chimiques identifiables qui résultent de la décomposition ou de la dégradation de la matière organique. En condition aérobie, ces molécules continuent de se dégrader et deviennent la source principale pour la formation des substances humiques lors du processus d’humification. Les substances humiques sont des substances foncées réfractaires et hétérogènes, et elles sont classifiées en trois types: 1) le acides fulviques, solubles en toutes conditions de pH, 2) les acides humiques, solubles en conditions alcalines mais insoluble à un pH < 2, et 3) l’humine, insoluble en toute condition. Du à la difficulté d’extraction et d’isolation de l’humine, les acides humiques et fulviques sont les deux types de substances les mieux connues (Tan 2014).

Selon Perminova and Hatfield (2005), une macromolécule humique moyenne se compose d’un noyau aromatique substitué de groupements fonctionnels (surtout carboxyle et hydroxyle), avec des chaines latérales aliphatiques. Ce noyau est logé dans un pourtour de fragments hydrolysables (protéines et hydrates de carbones), et la fraction massique de ces fragments périphériques diminue avec le degré d’humification, ce qui implique une contribution plus importante de ces composés labiles pour les substances humiques dérivées du compost que pour celles dérivées de la tourbe (Perminova and Hatfield 2005). Selon Stevenson (1994), les substances humiques sont un système complexe de molécules organiques à poids moléculaire élevé composé d’un noyau de polymères phénoliques. Selon Stumm and Morgan (1996), les substances humiques sont des poly-électrolytes anioniques constitués d’un mélange de composés à poids moléculaire variables et contenant divers types de groupements fonctionnels phénoliques et carboxyliques (hydrophiles) de même que des fragments aromatiques et aliphatiques, lui conférant des propriétés hydrophobes. Selon Sposito (2008), les acides humiques et fulviques sont des associations supramoléculaires de composés divers à poids moléculaires relativement faibles, maintenus ensemble par des liaisons hydrogènes et des interactions hydrophobes. La forme des molécules humiques est dépendante à la fois du pH et de la force ionique. Elles ont une configuration compacte à faible pH ou à force ionique élevée, et une configuration étirée à pH neutre et alcalin ou à force ionique faible (Stumm and Morgan 1996).

Les groupements fonctionnels majeurs des substances humiques sont les groupements carboxyles-COOH, phénoliques-OH, alcooliques-OH, carbonyle et amine (Tan 2014). Selon Sposito (2008), l’humus comporte plus de groupements fonctionnels par unité de poids que les minéraux et ceux-ci sont disposés de manière plus complexe. De plus, les substances humiques possèdent des charges électriques et des capacités d’échange qui excèdent celles des minéraux argileux (Tan 2014). Ce sont aux groupements fonctionnels, et plus spécifiquement aux groupements carboxyle et phénolique, que l’on attribue l’essentiel de la charge négative des substances humiques, et donc leur capacité à séquestrer les métaux par des mécanismes possiblement simultanés de chélation, de formation de complexes, d’adsorption et de coprécipitation. Due à la nature hétérogène des substances humiques, il n’est pas possible d’identifier précisément les mécanismes qui prennent place et on dit simplement que les métaux sont liés ou fixés par la matière organique (Stevenson and Vance 1989). Plusieurs opinions contradictoires demeurent concernant les mécanismes de capture des métaux et l’influence des propriétés des matières humiques sur ces mécanismes (Boguta et al. 2016). Selon Boguta et al. (2016), la fixation des métaux est généralement attribuée aux groupements carboxyles des substances humiques. Cependant, selon Stumm and Morgan (1996), la chélation par des groupements voisins carboxyle et phénoliques correspond au mode majeur de complexation des métaux par ces substances. Les constantes de stabilité entre la matière humique et les métaux peuvent être mesurées et fournissent des indices quant aux types de liaisons formées. Par exemple, selon Boguta et al. (2016), les constantes de stabilité plus élevées entre le cuivre et les acides humiques à pH 7, par rapport à celles mesurées à pH 5, peuvent être attribuées à la formation d’un plus grand nombre de structures multi-chélatées. Selon McBride (2000), il est possible que les métaux se lient d’abord aux sites de complexation faibles des substances humiques (ex. carboxylates), et se déplacent ensuite vers d’autres ligands pour former des complexes plus forts. Toutefois, selon Stumm and Morgan (1996), lors du titrage des acides humiques ou fulviques avec des ions métalliques à pH constant, les métaux se fixent d’abord aux sites de plus grande affinité.

Selon Perminova and Hatfield (2005), les substances humiques sont biologiquement récalcitrantes, ce qui présente un avantage en contexte de réhabilitation environnementale, comme cette matrice ne sera pas consommée par les microorganismes au cours du traitement. Selon Sposito (2008), si l’humus comme tel n’est pas biologiquement récalcitrant, la présence de

conditions anaérobies ou encore l’interaction avec d’autres particules solides le protège des attaques microbiennes et de sa conversion en CO2. Les acides humiques et fulviques ont tendance à s’accumuler aux surfaces solides-liquides à cause d’interactions hydrophobes (Stumm and Morgan 1996). Sous forme de colloïdes ou encore comme revêtement à la surface de particules minérales, les substances humiques peuvent immobiliser les métaux. Cependant, sous forme solubles, les substances humiques (typiquement les acides fulviques) peuvent former des complexes organométalliques solubles, et transporter les métaux. Selon (Zhou and Haynes 2010), les quantités de métaux pouvant être mobilisées sous forme de complexes organométalliques solubles sont très petites comparativement aux quantités massives pouvant être immobilisées par sorption sur l’humus en phase solide. Néanmoins, l’utilisation d’une matière humifiée avec une proportion moindre de composés solubles est désirable en contexte de réhabilitation environnementale (Zhou and Haynes 2010). De plus, il est préférable d’éviter les pH élevés, comme la solubilité des matières humiques augmente avec le pH (Zhou and Haynes 2010).