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Le comportement mécanique quasi-statique de l’os spon- spon-gieuxspon-gieux

0.5.1 Introduction

Les propriétés de l’os spongieux, comme celles de tout matériau cellulaire (e.g., mousses) sont liées à sa structure et aux propriétés du matériel dont sont composées les parois des cellules (le squelette, non du corps, mais du matériau). Les descripteurs d’une telle struc-ture cellulaire sont sadensité relative, ρs (’s’ se rapportant au solide et ’*’ au matériau cellulaire), le degré d’ouverture (ou fermeture) des pores, la dispersion de taille des pores, et des paramètres d’anisotropie de forme (dont nous ferons abstraction à présent) [149]. Les paramètres cruciaux des parois des cellules (i.e., trabécules) sont leur densitéρs, module de Young Es, la résistance au flambement σys (’y’ pour yield (en anglais)), la résistance à la fractureσf s et des paramètres de viscoélasticité (que nous ne détaillons pas ici).

Le comportement du matériau (solide ou composite) est décrit sur les graphes (GCD) contrainte induite ou appliquée (i.e., effort) (σ)–déformation (ε) dont un exemple est donné dans la fig. 8. Des facteurs tels que la vitesse de chargement, la température, l’anisotropie et le chargement multiaxial ont aussi une influence sur le comportement du matériau, mais ne font pas l’objet de la présente discussion.

Les GCD se divisent typiquement en trois régions : élastique, plastique, et fracture (ou région de densification). L’abscisse marquant le point de transition entre la région élastique

Fig. 8 – Courbes de contrainte-déformation en compression de l’os spongieux mouillé pour trois densités relatives [67]

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et la région plastique est le point de flambementεyset l’ordonnée correspondant est σys(ce point n’est pas toujours facile à définir).

Dans la région élastique, σ varie linéairement avec ε (la pente de cette droite est un module, e.g., de Young), ce qui veut dire que les parois des cellules fléchissent, se tordent, ou se compriment axialement. Lorsque l’on relache le chargement, le matériau revient à son état d’origine ; il y a donc réversibilité tant que l’on n’a pas atteint la contrainte de flambement lors du chargement. Au delà d’une certaine contrainte critique, les cellules d’un matériau cellulaire commencent à s’écraser, et si le matériau des parois est élastoplastique (ce qui n’est que partiellement le cas pour l’os), l’écrasement se fait par flambement élastique des parois et est réversible. Sinon, lorsque les parois sont composés d’un matériau fragile (ce qui est aussi partiellement le cas pour l’os), les parois se fracturent fragilement, processus qui est irréversible, et le comportement est celui de la région centrale (dite de flambement plastique) relativement plate de la fig. 8. Eventuellement, pour des déformations suffisamment grandes, la majorité des parois des cellules s’écrase au point que les parois opposées se touchent et une déformation supplémentaire comprime même le matériau des parois, ce qui donne la partie finale ascendante (dite de densification) des courbes dans la fig. 8.

Au niveau de l’os-objet, on peut dire, que dans la région plastique, l’os est déjà endom-magé, mais peut encore subir des chargements substantiels avant de casser. La quantité de déformation post-flambement que peut subir un matériau avant cassure est une mesure de saductilité. Un matériau exhibant peu de déformation post-affaissement est appeléfragile; le matériau des trabécules est de cette sorte, mais le comportement d’ensemble de l’os spon-gieux n’est pas fragile sauf pour de grandes valeurs de ρs (voir la fig. 8). La fracture fragile est le résultat de la propagation et de la fusion des microfissures. La résistance à la fracture σf s est le σ maximal que peut subir un matériau avant la ruine (point culminant sur la courbe la plus haute dans la fig. 8). Souvent, on parle de résistance à la fracture en se référant àσf s/Es.

Le point important à retenir est que ni la résistance au flambement, ni la résistance à la fracture (qui sont de bons indicateurs de la santé mécanique d’un matériau tel que l’os) ne sont en relation naturelle avec un module constitutif comme le module de Young, et ceci pour la raison que les modules ont trait au comportement linéaire alors que le flambement

et la fracture sont des comportements essentiellement non-linéaires.

Toutefois, les modules de YoungE et/ouEs(comme d’autres paramètres d’ingénieur tel que le coefficient de Poisson ν) sont des descripteurs mécaniques toujours bons à mesurer/

déterminer, faute de mieux (en tous cas, ils sont des descripteurs valables pour des petites déformations et petites contraines). Nous disons ’faute de mieux’, car il n’est évidemment pas question de charger des os dans un corps humain vivant jusqu’à l’endommagement et la ruine afin de déterminer la résistance au flambement, ni la résistance à la fracture, comme on peut le faire in vitro avec des os morts humains, ou comme on pourrait le faire in vivo sur des petits animaux. Donc, le plus souvent, nous associerons le terme ’état de santé mécanique’, d’un matériau tel que l’os, à la grandeur de descripteurs tels que le module de Young, le coefficient de Poisson, etc. Notons, au passage, que ces descripteurs peuvent être complexes pour tenir compte de la viscoélasticité du matériau.

Il est probable que le comportement mécanique d’un matériau cellulaire tel que l’os spon-gieux vivant ne puisse pas être décrit correctement en ne tenant compte que du comporte-ment mécanique de la partie solide et des paramètres structurels évoqués précédemcomporte-ment ; il faut aussi se pencher sur les propriétés du fluide/solide (i.e., un genre de gel) visqueux (moelle) qui se trouve dans les pores. Le caractère cellules ouverts ou cellules fermées joue un grand rôle dans l’analyse de l’influence des fluides sur le comportement de l’ensemble.

0.5.2 La relation entre les modules relatives et la densité relative pour des matériaux cellulaires génériques chargés en compression

On peut montrer [149] que pour un matériau composé de cellules équiaxiales (e.g., en-semble de tiges solides élastiques formant des cellules cubiques) identiques et ouvertes, bai-gnant dans un gaz tel que l’air, et soumis à de faibles chargements statiques en compression (mode dominant de chargement des os spongieux), le module de Young relatif est

E

alors que module de cisaillement et le coefficient de Poisson sont G

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ν 1

3 , (0.5.3)

respectivement. Nous verrons plus loin que dans des matériaux réels tel que l’os spongieux, ces lois ne sont qu’approximativement vraies.

Si le matériau est composé de cellules équiaxiales identiques et fermées, baignant dans un gaz tel que l’air, et soumis à de faibles chargements, le coefficient de Poisson est comme avant et les modules de Young et de cisallement relatifs deviennent

E

formules dans lesquelles Φest la fraction volumique du solide contenue dans les armatures (tiges) d’une cellule et (1Φ) la fraction du solide (supposée le même que celui des tiges) contenue dans les parois de la cellule fermée, alors que p0 est la pression initiale (avant chargement) du gaz (e.g., la pression de l’air). Ces formules sont, à peu de choses près, les mêmes lorsque un liquide remplace le gaz.

On voit à travers ces formules que la densité relative joue un grand rôle dans les modules élastiques des matériaux cellulaires génériques. On verra plus loin si cette loi se confirme pour l’os spongieux.

0.5.3 La relation entre les contraintes critiques et la densité relative pour des matériaux cellulaires élastoplastiques chargés en compression Nous avons évoqué la possibilité qu’un matériau cellulaire, tel que l’os spongieux, puisse avoir un comportement, au delà du régime strictement linéaire, soit de type élastoplastique (i.e., "réversible"), soit de type plastique (irréversible). En fait, le type de comportement dépend sensiblement du ratio de minceur (l/d, où d est le diamétre et l la longueur) des tiges formant la partie solide du matériau (ρs est proportionnel à(d/l)−2).

Supposons que ces tiges soient telles que pour des grandes déformations on ait un com-portement élasto-plastique. La contrainte correspondant au plateau dans la fig. 8 s’appelle alors la contrainte d’effondrement élastiqueσel et est donnée, pour des cellules ouvertes, par

la formule [149]

et, pour des cellules fermées, par σel

pat est la pression atmosphérique.

Une fois de plus, on voit qu’un indicateur de comportement, ici relatif au régime post-linéaire élastique (i.e., de flambement élastique), dépend de manière évidente de la densité relative.

0.5.4 La relation entre les contraintes critiques et la densité relative pour des matériaux cellulaires plastiques chargés en compression

Les matériaux cellulaires qui manifestent un point de flambement plastique (σys) s’ef-fondrent plastiquement lorsqu’ils sont chargés au delà du régime linéaire-élastique. L’effon-drement plastique, tout comme le flambement élastique, donne lieu au plateau caractéris-tique sur le GCD, bien que le processus soit irréversible. L’équivalent de σel du régime de flambement élastique est σpl dans le régime de de flambement plastique. On montre [149]

que lorsque les cellules sont ouvertes, σpl

et, lorsque les cellules sont fermées, σpl

Une fois de plus, on voit qu’un indicateur de comportement, ici relatif au régime plastique, dépend de manière évidente de la densité relative.

0.5.5 La relation entre les contraintes critiques et la densité relative pour des matériaux cellulaires fragiles chargés en compression

Les matériaux cellulaires fragiles s’écrasent par le mécanisme d’écrasement fragile. La contrainte critique pour ce type de comportement s’appelle ’contrainte d’écrasement’σcr (le

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’cr’ désignant ’crushing’ en anglais). On montre [149] que lorsque les cellules sont ouvertes, σcr

et, lorsque les cellules sont fermées, σcr

Une fois de plus, on voit qu’un indicateur de comportement, ici de type fragile, dépend de manière évidente de la densité relative.

0.5.6 Conclusions provisoires

De manière générale, plus grande est la densité relative, plus grandes sont les modules élastiques du régime linéaire élastique, et plus grandes sont les contraintes critiques des régimes post-élastique linéaire. Etant donnée que celles-ci sont des indicateurs de la résis-tance des matériaux cellulaires génériques, on peut affirmer qu’il est d’un grand intérêt de caractériser (mesurer directement si possible, ou de reconstruire à partir d’autres grandeurs) la densité relative d’un tel matériau. Il reste à déterminer si l’os spongieux se comporte effectivement comme un matériau cellulaire générique.

0.5.7 Particularités du comportement mécanique de l’os spongieux Nous avons déjà montré les GCD des os spongieux dans la fig. 8. La réponse linéaireaire-ment élastique de l’os spongieux (presque) isotrope et à faible densité résulte du fléchisselinéaireaire-ment des parois de ses cellules. Des contraintes axiales et de type membrane se manifestent aussi, mais sont petites devant celles du fléchissement. La situation est différente dans l’os spon-gieux qui s’est adapté à la contrainte (voir la fig. 9). Dans ce type d’os, certaines parois des cellules ayant la forme de tubes ou de plaques, sont alignées dans la direction de la plus grande contrainte principale, et les efforts appliquées dans cette direction distendent ou compriment ces parois, alors que des efforts transversaux donnent lieu à des fléchissements des tiges qui relient les plaques entre elles.

Le régime élastique linéaire cesse lorsque les cellules commencent à s’effondrer. Les plaques et les tiges de l’os spongieux faiblement dense ont un ratio de minceur (rapport

Fig.9 – Os spongieux dont la structure est adaptée à la direction de la contrainte principale (ici verticale). Les structures verticales en plaques presque parallèles sont reliées par des tiges. En fait, il s’agit d’un os atteint d’ostéoporose comme témoigne le fait que les plaques sont passablement érodées et certaines tiges sont cassées (e.g., à l’endroit des deux flèches).

de leur longueur sur leur épaisseur) important et s’effondrent par flambement élastique, que ces os soient mouillés ou secs. Pour des densités plus importantes, le ratio de minceur est moindre, rendant ainsi le flambement plus difficile, de sorte que les spécimens mouillés cèdent plastiquement et les spécimens secs cèdent fragilement. L’écrasement compressif progressif donne lieu au long plateau horizontal dans la fig. 8 qui continue jusqu’à ce que les parois en vis-à-vis se touchent, ce qui produit le tournant brusque et pentu vers le haut dans la fig.

8. Tout ceci est relativement typique de ce qui se passe dans d’autres matériaux cellulaires (e.g., mousses dont le constituant solide est relativement rigide).

0.5.8 La relation entre les modules élastiques et la densité relative pour les os spongieux chargés en compression

Des résultats d’essais, sur des os mortes spongieux provenant d’ humains et de boeufs [67], [149], montrent que le module de Young relatifE/Esvarie comme(ρs)p, avecpprenant une valeur située entre 1,5 et 3, alors que la théorie pour les matériaux cellulaires génériques prévoit que p = 2. Cette indétermination concernant p provient probablement du fait que

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les spécimens faisant l’objet des essais avaient des proportions variées de cellules ouvertes et fermées, des plaques et tiges d’orientations variées, et du fait que la théorie suppose l’identité de forme (quasi cubique) et de taille des cellules alors que la réalité est souvent autre. De plus, l’os spongieux réel est macroscopiquement hétérogéne (i.e., sa structure varie spatialement sur une distance de l’ordre dumm), de sorte que si l’on ne fait pas les essais chaque fois sur la même région d’observation on risque de mesurer la réponse de ce qui équivaut à un autre os.

Un résultat curieux de ces essais (voir la fig. 11.7 dans [149]) est que p est plus proche de 3 pour les faibles valeurs de ρs et plus proche de 1,5 pour les (relativement) grandes valeurs deρs. Ce fait suggère que si l’on avait un moyen de mesurerE/Es directement ou indirectement, de sa valeur plus ou moins grande pourrait se déduire la valeur plus ou moins grande depet donc la plus ou moins grande densité relative (mais pas sa valeur abso-lue).Ceci pourrait constituer un moyen d’effectuer un diagnostic différentiel de l’ostéoporose puisque cette maladie se caractérise par une décroissance de la densité relativeρs de l’os spongieux. Nous verrons plus loin qu’un moyen (vibrationnel) non-invasif et non-destructif existe, du moins in vitro, pour déterminer le module de Young de l’os ; on dispose ainsi d’une piste qu’il serait certainement intéressante de suivre.

0.5.9 La relation entre les contraintes critiques et la densité relative pour les os spongieux chargés en compression

A notre connaissance, les seules essais relatifs aux contraintes critiques des os spongieux portent sur la résistance relative en compression σys [149]. En fait, il s’agit d’un grand nombre d’essais sur différents types d’objets-os (spongieux) humains morts et qui montrent tous que σys varie comme(ρs)p, avec p≈2, ce qui semble en accord avec la théorie.

Ce bon accord, et surtout la constatation que p ne varie pas avec ρs, fait que si l’on disposait d’une façon de mesurer ρs, on pourrait suivre l’evolution de la résistance en compression de l’os. On verra plus loin qu’il est effectivement possible de mesurer (par rayons-X) la densité relative de l’os spongieux et donc d’obtenir, par ce moyen, une indication de sa résistance en compression.

Chapitre 1

Problèmes inverses en général et ceux