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Comportement asymptotique

1.4 Comportement asymptotique

Avant de développer cette section, reconsidérons le système de l’exemple précé-dent. Peut-on généraliser la définition de la notion de degré de parallélisme pour les mots infinis ? Considérons la suite {wn} de mots définis par la table suivante :

n 1 2 3 4 5 · · ·

wn ab aba2 aba2b2 aba2b2a6 aba2b2a6b6 · · ·

d(wn) 2 4/3 2 4/3 2 · · ·

Si n est impair, alors d(wn) = 2 et l’on pose wn+1 = wnak, où k est tel que |wnak|a= 3|wn|b. Alors d(wn+1) = 4

3. Si n est pair, alors d(wn) = 4

3 et l’on pose wn+1= wnbk′ , où k est tel que |wnbk|b = 3|wn|n. Ainsi d(wn+1) = 2.

Cet exemple simple montre la difficulté de définir une notion de degré de paral-lélisme pour les mots infinis en général, vue que si {wn} est la suite définie ci-dessus, d(wn) prend les valeurs 2 et 43, donc ne peut converger quand n tend vers l’infini.

Cependant, si l’on suppose que a et b ont la même probabilité d’apparaître dans un mot infini w , utilisant la loi faible des grands nombres ([17],chap. X), on a, avec probabilité 1, :

|w|a/|w| → 1

2 et |w|b/|w| → 1

2 quand |w| → ∞, (1.11)

et donc avec probabilité 1 :

d(w) = |w|/dep(w)

= 1/ max{|w|a/|w|, |w|b/|w|} → 2.

(1.12)

Remarque. Notons que nous avons supposé que a et b ont la même probabilité d’apparaître dans le mot. Cependant, si on suppose que a et b apparaissent respec-tivement avec probabilités α et β, alors avec probabilité 1, :

max{|w|a/|w|, |w|b/|w|} → max{α, β}, (1.13)

ainsi

d(w)→ 1/ max{α, β}. (1.14)

Le parallélisme est alors maximal si α = β = 1/2.

Cette convergence est intéressante. Dans la suite, on verra que, avec probabilité 1, le degré de parallélisme existe et tend vers une limite qui ne dépend que du monoïde de commutation avec probabilité 1, [65].

1.4.1 Modélisation stochastique

Le processus de factorisation de la section 1.3 peut être vu comme un processus aléatoire : à la nieme étape, l’état de la forme normale du mot est u1u2· · · uk. Une lettre a est insérée avec la probabilité 1/N, l’état deviendra :

(i) u1u2· · · uka si a ne commute pas avec uk, ou bien (ii) u1u2· · · u

i· · · uk si a ne commute pas avec u i.

C’est une chaîne de Markov dont l’ensemble des états est l’ensemble infini, mais dénombrable, de toutes les factorisations possibles. Nous nous intéressons alors au nombre de facteurs, sa valeur est k à la nième étape et il passe à k + 1 (cas (i)) ou bien reste k, (cas (ii)).

Désignons par νn la probabilité que la nième insertion incrémente la profondeur du mot. Alors, on peut démontrer que si le graphe de conflit est connexe, la chaîne de Markov est érgodique et νn converge vers une limite ν, (voir [65]).

Proposition 3 Si le monoïde de commutation a un graphe de conflit connexe, alors le processus de factorisation admet une distribution de probabilité stationnaire ν pour l’incrémentation de la profondeur. Le degré de parallélisme est alors 1/ν.

Exemple 1.4 Soit S = ({a, b, c, d}, {ab ≃ ba}). Sachant que le graphe de conflit est connexe, on peut utiliser la proposition 3 pour obtenir le degré de parallélisme. Il suffit de calculer la limite de νn quand n tend vers l’infini. Il faut donc calculer la probabilité d’incrémentation de la profondeur à la nième insertion. On obtient facilement νn= 1/3 + 1/3 + (1/3) X 16i6(n−1)/2 (2/3)2i2i i  (1/2)2i. (1.15) Ainsi, ν = lim n→∞νn = 2/3 + (1/9)P i>0 2i i(1/9)i = 2/3 + (1/9)(1− 4/9)−1/2 = 2/3 + 1/(3√ 5), (1.16)

Il en résulte que le degré de parallélisme du système est égal à 3/(2 + (1/√ 5)).

Remarque. La méthode ci-dessus peut être appliquée pour tout monoïde de com-mutation ; l’expression (1/n) P16i6nνi (ou bien νn si limn→∞νn existe) donne une bonne approximation pour l’inverse du degré de parallélisme. Cependant, il n’est pas

1.4. COMPORTEMENT ASYMPTOTIQUE 23

toujours facile de l’appliquer pour des cas plus compliqué que l’exemple ci-dessus. On reviendra sur ce calcul dans la section 2.4 du chapitre suivant en donnant plus d’outils en termes de chaînes de Markov.

1.4.2 Facteurs saturés et théorie de renouvellement

Revenons sur la modélisation par un processus stochastique présentée dans la section 1.3. On peut voir que quand la factorisation se termine avec un facteur uk, son évolution future ne dépend pas seulement de uk mais des facteurs précédents en général. Cependant, il y a des cas qui font exception. Il y a des facteurs qui renouvellent le processus de factorisation.

Définition 5 Un facteur u est dit saturé s’il est maximal pour l’inclusion. Ainsi, u est saturé si et seulement si

(i) x, y ∈ u, x 6= y ⇒ xy ≃ yx, (ii) x ∈ A, y 6∈ u ⇒ xy 6≃ yx.

On dit que le processus de factorisation arrive à une saturation si son dernier facteur est saturé.

Remarque.

(i) Si A est commutatif, alors le seul facteur saturé est A lui même. Si θ = Ø, alors les facteurs saturés sont les singletons.

(ii) Un facteur saturé est une clique maximale dans le graphe de commutation. (iii) Quand le processus rencontre une saturation, il est regénéré, c’est-à-dire que

son futur ne dépend alors pas de ce qui s’est passé dans le passé.

Rappelons quelques résultats de [65] qui nous seront utiles dans le chapitre sui-vant.

Lemme 1 Si le graphe de conflit G du système de commutation S est connexe, alors l’événement récurrent est apériodique et persistant et admet un temps d’attente à es-pérance mathématique finie.

La proposition suivante montre comment ce lemme peut être utilisé pour étudier le degré de parallélisme d’un système de commutation quelconque.

Proposition 4 Soit R un événement récurrent et persistant avec une espérance mathématique du temps d’attente finie µ. Soit h l’espérance mathématique de la

profondeur dans une intervalle. Si le mot wn est choisi au hasard de An, alors quand n → ∞,

d(wn)→ µ/h (1.17)

avec probabilité 1.

On finit cette partie par un théorème central.

Théorème 1 On suppose que le graphe de conflit G du système de commutation S = (A, θ) a k composantes connexes G1 = (A1, E1),· · · , Gk = (Ak, Ek). Soit αi = card(Ai)/N pour i = 1,· · · , k. Soit wn un mot de longueur n choisi au hasard. On a avec probabilité 1

d(wn)→ DEG(G), quand n → ∞, (1.18)

où DEG(G) = DEG(S) est défini par

DEG(G) = min{DEG(G1)/α1,· · · , DEG(Gk)/αk}. (1.19)

Ainsi, l’étude du degré de parallélisme de tout monoïde de commutation se ra-mène à l’étude de celle des monoïdes de commutation dont le graphe de conflit est connexe.

Chapitre 2

Méthodes pour calculer le degré de

parallélisme dans les monoïdes de

commutation

Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux comportements asymptotiques du degré moyen d(n). Cette étude permet le calcul exact de degré dans des cas par-ticuliers. Rappelons que, d’après le chapitre précédent, si les lettres sont tirées au hasard avec la même probabilité 1

N, où N est la cardinalité de l’alphabet A, c’est-à-dire toutes les lettres apparaissent avec la même probabilité 1/N, alors

lim

n→∞d(n) = DEG. (2.1)

DEG est complètement déterminé par le système de commutation.

2.1 Profondeur moyenne et degré de parallélisme

Revenons à la profondeur moyenne relative des mots de longueur n l(n), intro-duite dans le chapitre précédent (définition 4). Avec l(n) ainsi définie, l’espérance mathématique du nombre de facteurs (ou de la profondeur) des mots de longueur n est nl(n).

Soit νi la probabilité que la iième lettre insérée ne commute pas avec le dernier facteur. νi est donc la probabilité pour la profondeur d’être incrémentée à la iième insertion. On a nl(n) = X 16i6n νi, n = 1, 2, 3,· · · (2.2) 25

Nous avons le théorème suivant :

Théorème 2 Pour tout système de commutation S = (A, θ), on a lim

n→∞l(n) = 1 DEG. (2.3)

Preuve. Par la propriété de convergence, on a

d(wn)→ DEG avec probabilité 1 , quand n → ∞. Donc, quand n → ∞, avec probabilité 1

dep(wn)/n→ 1/DEG.

Par ailleurs, l(n) étant l’espérance mathématique de la variable aléatoire dep(wn)/n, cette v.a. converge avec probabilité 1 vers l(n). D’où le théorème, voir Feller [17]. ✷