Néanmoins, quelle que soit l’intensité acoustique mise en œuvre, dans ces deux cas
l’augmentation de la puissance acoustique semble mener à une évolution asymptotique du
facteur d’intensification. L’asymptote semble atteinte d’autant plus rapidement que le flux
thermique est important. Sur la Figure I-72, l’essai réalisé avec un flux thermique égal à
0,7721 W.cm-2 atteint plus rapidement la saturation du facteur d’intensification que l’essai
réalisé avec un flux thermique égal à 0,055 W.cm-2.
Figure I-72: Illustration de l’effet de puissance acoustique et thermique pour une géométrie de
chauffe cylindrique et différents flux thermiques . Fréquence ultrasonore 18 kHz, eau plate (Caï, et
al., 2009)
De même, à intensité acoustique égale, plus le flux thermique est élevé, moins les ultrasons
semblent en mesure d’intensifier les transferts thermiques. Ces deux observations, visibles sur
la Figure I-72, couplées au fait que le comportement thermique reste asymptotique même
lorsque les intensités acoustiques sont faibles, comme pour la Figure I-71, permettent
d’avancer l’hypothèse selon laquelle l’effet asymptotique observé sur ces deux figures n’est
pas lié à un effet de saturation de l’intensité de la cavitation. Il trouve certainement son
origine dans le rapport existant entre les phénomènes permettant naturellement à l’échange
thermique d’avoir lieu, et les phénomènes ultrasonores, tels que la cavitation ou le jet de
bulles contre la surface chauffante, qui l’intensifient.
En transfert thermique, le « potentiel » permettant à tous les phénomènes d’avoir lieu trouve
son origine dans le gradient de température entre la paroi chauffante et le fluide à « l’infini ».
En convection naturelle, ce gradient de température génère un phénomène convectif. À
température de fluide fixe, plus le flux thermique est important, plus le phénomène convectif
sera intense. À température de fluide fixe, le flux thermique peut donc être considéré comme
étant le moteur du phénomène de convection naturelle. L’intensité acoustique est responsable
de l’apparition de la cavitation ultrasonore, ainsi que le jet de bulles accompagnant parfois ce
phénomène (Zhou, et al., 2004), et donc de l’intensification thermique observée. Il semble par
conséquent pertinent d’observer le comportement lié à l’intensification thermique en fonction
du ratio du flux thermique et de l’intensité acoustique à l’origine du transfert thermique ou de
son intensification.
À partir des résultats disponibles dans la publication de (Zhou, et al., 2004), il est possible de
tracer l’évolution du facteur d’intensification thermique en fonction du ratio de l’intensité
acoustique I [W.m-2] par le flux thermique surfacique φ [W.m-2] pour de l’acétone. Le
transducteur utilisé est une sonotrode vibrant à 18 kHz et capable de propulser un jet de bulles
de cavitation sur un barreau chauffant. Les Figures I-73 et I-74 sont la représentation du
même phénomène. Avec la Figure I-73, chaque série permet d’observer l’évolution du facteur
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d’intensification thermique lorsque le flux thermique varie à intensité acoustique constante.
Avec la Figure I-74, c’est le flux thermique qui est fixé et l’intensité acoustique qui varie.
Figure I-73: Évolution du facteur d’intensification thermique en fonction du ratio de l’intensité
acoustique Ius [W.m-2] et du flux thermique surfacique φ [W.m-2]. Chaque série est tracée à intensité
acoustique fixe. Fréquence acoustique 19 kHz, fluide : acétone. Étude réalisée à partir des valeurs
de coefficient d’échange thermique issues de (Zhou, et al., 2004)
Figure I-74: Évolution du facteur d’intensification thermique en fonction du ratio de l’intensité
acoustique Ius [W.m-2] et du flux thermique surfacique φ [W.m-2]. Chaque série est tracée à flux
thermique fixe. Fréquence acoustique 19 kHz, fluide : acétone. Étude réalisée à partir des valeurs
de coefficient d’échange thermiqueissues de (Zhou, et al., 2004)
Ces deux figures permettent de prendre conscience du coût énergétique extrêmement élevé
des systèmes d’intensification des transferts thermiques par ultrasons. Par exemple, pour
atteindre la valeur d’intensification thermique la plus élevée 128 % (flèche et cercle rouge de
la Figure I-73), une intensité acoustique 185 fois supérieure au flux thermique est nécessaire.
Ce point de fonctionnement est l’optimum d’utilisation du dispositif mis en œuvre par (Zhou,
et al., 2004).
Pour terminer cette section, l’étude de l’influence sur l’intensification thermique de certains
des paramètres physiques pilotant la cavitation est maintenant abordée. Le premier point traite
de l’influence de la pression de vapeur saturante et de la tension superficielle. Dans le
processus de la cavitation, la pression de vapeur saturante favorise la nucléation alors que la
tension superficielle tend à s’opposer au grossissement de la bulle. En revanche, c’est la
tension superficielle qui est responsable de la force de rappel qui entraine le collapse de la
bulle. Il apparait donc qu’un optimum doit être trouvé entre ces deux valeurs. Bien entendu,
deux autres paramètres sont également extrêmement importants : la quantité de gaz dissout,
thème abordé juste après, et la pression extérieure régnant dans le milieu qui agit comme la
tension superficielle. Malheureusement, compte tenu des valeurs expérimentales disponibles
dans la littérature, la Figure I-75 ne traite que de l’influence du ratio entre la pression de
vapeur saturante et la tension superficielle sur l’intensification thermique.
Figure I-75: Évolution du facteur d’intensification thermique en fonction des propriétés du fluide
(pression de vapeur saturante et tension superficielle). Étude réalisée à partir des valeurs de
coefficients d’échange thermique issues de (Zhou, et al., 2004)
Elle permet néanmoins de comparer les valeurs du facteur d’intensification, obtenues
respectivement pour l’eau, l’éthanol et l’acétone (série bleue de la Figure I-75). Il semble que
plus le ratio pression de vapeur saturante/tension superficielle est élevé, plus grande est
l’intensification thermique. Cette évolution semble bien lissée par une fonction logarithme
Népérien. Par extrapolation, des prédictions de valeurs de facteur d’intensification pour deux
fluides commerciaux ont également été placées sur le graphique. Il faut bien entendu prendre
avec précaution ces extrapolations, car la courbe de tendance n’est issue que de trois points, et
que les valeurs issues de cette extrapolation n’ont pas été vérifiées expérimentalement. Si
elles devaient l’être, il faudrait veiller à reproduire les conditions opératoires de (Zhou, et al.,
2004). Cependant, ces fluides ont été placés sur cette figure, car bien qu’initialement utilisés
comme solvants, ils suscitent également de l’intérêt comme fluides caloporteurs. Il serait donc
intéressant de les tester.
L’eau n’apparait donc pas comme le fluide le mieux adapté à des systèmes d’intensification
thermique par cavitation ultrasonore. Il semble en revanche que les fluides présentant de
fortes valeurs de pression de vapeur saturante soient de bons candidats. Cela peut donc
signifier que le mécanisme d’intensification thermique en présence de cavitation, dans les
conditions expérimentales propres à (Zhou, et al., 2004), n’est pas lié au collapse violent de la
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bulle, mais plutôt aux oscillations génératrices de cisaillement ainsi qu’au phénomène de jet
observé par les auteurs (Figure I-76). Il est ainsi aisé de comprendre pourquoi c’est la pression
de vapeur saturante, propriété physique favorisant l’apparition des bulles, qui pilote le
phénomène d’intensification thermique chez ces auteurs. Il est néanmoins possible qu’il en
soit autrement dans un contexte expérimental dans lequel les bulles ne sont pas projetées
contre la surface chauffante.
Figure I-76: Photographie des conditions expérimentales dans le dispositif d’étude mis en place
par (Zhou, et al., 2004). Le jet de bulles de cavitation en direction du barreau chauffant est visible
dans le cerclage rouge
De la même manière que pour la pression de vapeur saturante, une importante quantité de gaz
dissoute dans un liquide favorise l’apparition des bulles de cavitation. L’intensité de la
cavitation est directement liée à la quantité de gaz dissout dans le liquide. Certaines études ont
pu faire le lien entre les variations d’oxygène dissout dans l’eau et les variations du coefficient
d’échange thermique (Yukawa, et al., 1975). La variation de la concentration en oxygène
dissout dans l’eau a été utilisée comme marqueur indirect de l’activité cavitationnelle dans
cette étude. Il en ressort qu’à une concentration plus importante de dioxygène dans le fluide
correspondent des valeurs plus élevées du coefficient d’échange thermique (Tableau I-3). A
fréquence et puissance ultrasonore fixées, l’eau saturée en dioxygène à plus de 90 % présente
un coefficient d’échange thermique égal à 1001 W.m-2
.K-1 contre 574 W.m-2.K-1 pour l’eau
dégazée, soit 57 % plus élevé (Tableau I-3).
Dans le document
Étude expérimentale de l'Intensification des transferts thermiques par les ultrasons en convection forcée
(Page 111-115)