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Le métamorphisme dans le cadre du Massif Central

1.2 Les grands traits géologiques du Massif Central

1.2.2 Le complexe de nappes crustales dévoniennes (Zone Moldanubienne)

La tectonique de nappes dans le Massif Central a été proposée dès les travaux précurseurs de Demay (voir par exemple Demay, 1948a; 1948b), et également par ceux de Von Gaertner (1937). Cet auteur propose (Figure 7) des unités qui ne sont pas si éloignées des concepts actuels. Les relations qu’il propose entre ces unités sont illustrées par des coupes et montrent clairement une tectonique tangentielle sous forme de nappes.

Par la suite, par de nombreux auteurs (Burg & Matte, 1978; Burg et al., 1984; Mattauer & Etchecopar, 1976; Matte, 1983; Matte & Burg, 1981) travaillent sur le concept de nappes dans le Massif Central. Des secteurs spécifiques où les phénomènes ont été mis en évidence vont ainsi rapidement devenir des « classiques » : la série de la Sioule (Audren et al., 1987; Feybesse & Tegyey, 1987; Grolier, 1971), le Haut-Allier (Burg & Matte, 1978; Lasnier, 1977; Marchand, 1974), le Limousin central (Floc'h, 1983), le Bas Limousin (Guillot, 1981), le plateau d’Aigurande (Rolin, 1981). Au fil des années, les données acquises sur l’ensemble du Massif Central conduisent Ledru et al. (1989a) à en réaliser la synthèse (Figure 8).

Figure 8 : carte géologique du Massif Central, Faure (2004) modifiée d’après Ledru et al. (1989a). Les séries étudiées dans ce mémoire sont mises en surbrillance

Plusieurs modèles « allochtonistes » existent pour estimer l’ampleur des déplacements (Matte, 1986) :

• Le modèle d’allochtonie minimale (Figure 9 A) distingue les unités de la Sioule et du Haut-Allier, chacune d’entre elles étant enracinée,

• Le modèle d’allochtonie maximale (Figure 9 B) considère que Sioule et Haut-Allier ne forment qu’une seule nappe. Dans ce cas là, la flèche du chevauchement associé est d’au moins 150 Km.

Figure 9 : coupe géologique à l’échelle du Massif Central d’après Matte (1986) présentant 2 modèles d’empilement de nappes : A) allocthonie minimale, B) allochtonie maximale

1.2.2.1 L’Unité Supérieure des Gneiss (U.S.G.)

Ces gneiss appartenaient à une (ou des) ancienne(s) série(s) grauwackeuse(s) du Protérozoïque supérieur à Cambro-Ordovicien. Ils sont entrecoupés de métabasaltes et métagabbros à affinité tholéiitiques de type MORB (Briand & Piboule, 1979; Piboule, 1979; Santallier et al., 1988), localement associés à des métarhyolites. Cet ensemble bimodal constitue les complexes leptyno-amphibolitiques qui possèdent des caractéristiques géochimiques intermédiaires entre celles de croûte continentale et de croûte océanique (Pin & Vielzeuf, 1988). L’USG est considérée par Pin et Vielzeuf (1988) comme un fragment d’une paléo-marge passive créée lors de la distension cambro-ordovicienne. Cette paléo-marge est impliquée dans une zone de subduction et affectée d’un métamorphisme de HP / BT à MT de type schistes bleus et éclogitique (Ledru et al., 1989a). Des éclogites à coésite ont été décrites dans les Mont du Lyonnais (Lardeaux et al., 2001). Cette unité est ensuite rétromorphosée partiellement dans le faciès amphibolite profond (Briand & Piboule, 1979; Piboule, 1979; Santallier et al., 1988) avec développement local d’une anatexie dans le Limousin (Lamouille, 1979) et sur le Plateau d’Aigurande (Rolin, 1981).

1.2.2.2 Les ultrabasites entre l’USG et l’UIG

Le contact entre l’USG et l’UIG est jalonné d’ultrabasites (métagabbros et métapéridotites serpentinisées à chimisme de type MORB). Ces roches appartiennent, pour certains auteurs, à une série ophiolitique quasiment complète (Dubuisson et al., 1989; Girardeau et al., 1986). Cette série a été affectée par un métamorphisme HP / HT compatible avec celui régnant dans une zone de subduction (Dubuisson et al., 1989). Elle aurait été entraînée sous l’USG, démembrée et insérée tectoniquement au sommet de l’UIG antérieurement au métamorphisme majeur barrovien de

par écaillage tectonique. Ces ultrabasites seraient la marque d’une suture majeure entre l’U.I.G. et l’U.S.G. : la suture éovarisque probable (Ledru et al., 1989a; Matte, 1986).

Toutefois, Berger et al. (2005) montrent que les reliques ophiolitiques du Limousin n’ont pas été affectées par un métamorphisme HP (relié à une subduction) ni MP mais par un métamorphisme de faciès schistes verts. Cette nouvelle vision des phénomènes pourrait entraîner un bouleversement dans les reconstitutions géodynamiques du Massif Central (voir § 1.2.5.2, Le problème de l’ophiolite du Limousin), puisque ces auteurs suggèrent que l’empilement de nappes se serait produit après le métamorphisme général des unités.

1.2.2.3 Les complexes leptyno-amphibolitiques (CLA)

Ce terme a été inventé par Forestier (1961), qui en donnait la définition suivante : « formation complexe dans laquelle deux catégories de roches sont étroitement associées : basiques et ultrabasiques d’une part, acides d’autre part ».

Ce sont des unités d’échelle cartographique, caractérisées par un magmatisme bimodal, associant des roches orthodérivées acides (métagranites) et basiques (métagabbros, métabasaltes), ainsi que des métagrauwackes. Des assemblages de haute pression sont présents (Chenevoy et al., 1969; Collomb, 1970; Santallier, 1983; Santallier et al., 1978).

Le CLA le plus connu est celui du Haut-Allier. De par les roches particulièrement variées et leur minéralogie exceptionnelle (Forestier & Lasnier, 1969), c’est probablement le CLA qui a été le plus étudié. Toutefois, d’autres ont été reconnus et étudiés dans le Massif Central : plateau d’Aigurande (Delorme & Emberger, 1949; Lehingue, 1951; Rolin, 1981), Artense (Mercier et al., 1989; Mercier, 1992). Dans le domaine varisque métropolitain, citons également le CLA des Maures (Innocent et al., 2003; Seyler, 1986).

Les CLA ont livré de nombreux âges (Figure 10), que ce soit sur l’éclogitisation ou sur les protolithes (généralement cambriens) des lithologies qui les constituent.

Il est frappant de constater que Santallier et al. (1988) ont attiré l’attention sur la généralisation du terme CLA, à l’heure où le modèle de nappes tendait à se généraliser, et ont mis en garde contre une utilisation abusive de ce terme. Ainsi, les CLA sont fréquemment envisagés comme un « mélange tectonique », situé à la base de grands accidents crustaux (Burg et Matte, 1978 ; Autran et Peterlongo, 1980 ; Marchand, 1981 ; Bouchez et Jover, 1986). Santallier et al. (1988) sont en désaccord avec cette interprétation. Certaines formations géologiques dans lesquelles des roches basiques sont présentes, associées à des roches acides, ont été abusivement rattachées à des CLA.

Figure 10 : âge de quelques CLA (protolithes et métamorphismes)

Dans le Haut-Allier, Giraud et al. (1984) décrivent des amphibolites, éclogites, pyrigarnites et pyriclasites semblables à des cumulats ophiolitiques. Compte-tenu de leurs conditions de gisement (association à des shales, carbonates et grauwackes), ces auteurs proposent un contexte d’arrière-arc, compatible avec l’existence d’un océan. Géochimiquement, Giraud (1986) montre que les amphibolites comprennent des termes basaltiques d’affinité tholéiitique et des termes cumulatifs, pouvant être interprétés comme les témoins d’une ancienne croûte océanique, mais là encore, l’association avec des termes carbonatés, grauwackeux et pélitiques suggère un environnement de type bassin marginal.

Briand et al . (1988) excluent un contexte franchement océanique pour la formation de ces complexes, et les estiment comme des témoins de bassins d’arrière-arc, d’extension limitée, n’étant jamais parvenus à un stade d’océanisation très avancée. Pin et Vielzeuf (1988) quant à eux proposent que les CLA contenant des reliques de métamorphisme HP sont des fragments de paléo-marges passives, créées au Cambro-Ordovicien et impliquées dans des phénomènes de subduction au Paléozoïque moyen.

Ainsi, il apparaît que la notion de complexe leptyno-amphibolitique reste assez floue du point de vue de l’interprétation qui en est faite du point de vue structural.

1.2.2.4 L’Unité Inférieure des Gneiss (UIG)

Cette unité gneissique constitue le parautochtone relatif de l’USG. Elle est disloquée et ses lambeaux occupent une large surface dans le Massif Central (Ledru et al., 1989a). Ces gneiss dérivent de la transformation métamorphique d’anciennes séries grauwackeuses et pélitiques d’âge protérozoïque supérieur à Cambro-Ordovicien. Dans ces métasédiments sont imbriqués (Figure 11) des métabasaltes tuffacés (Floc'h et al., 1984) et des métagranites alcalins et calco-alcalins résultant de la distension crustale Ordovicienne (Dubuisson et al., 1989; Floc'h, 1983; Ledru et al., 1989a; Santallier, 1983). Ces formations ont subi un métamorphisme dans le faciès amphibolite profond, à la limite par endroit du faciès granulite dans le Limousin (Ledru & Autran, 1987). L’évolution tardi métamorphique a été

1.2.2.5 L’Unité des micaschistes Para-Autochtones (UPA)

Elle affleure à la base de l’empilement lithotectonique du domaine moldanubien (Ledru et al., 1989) et constitue l’autochtone relatif de l’ensemble USG + UIG (Figure 11). Plus précisément, ces formations affleurent à la faveur des grandes antiformes régionales tardives : Sioule, Dronne… Ce n’est qu’un parautochtone relatif car cette unité chevauche vers le sud son avant-pays. Il s’agit principalement de métapélites et de métaquartzites, métamorphisés dans le faciès amphibolite (Floc'h, 1983; Ledru & Autran, 1987; Roig & Faure, 2000; Santallier, 1981). Un âge briovérien a été proposé pour ces dépôts (Guillot, 1981; Ledru et al., 1989a) affectés par un métamorphisme barrovien à grenat-biotite, localement à staurolite. Il s’agit probablement de la marge continentale sur laquelle les unités gneissiques se sont mises en place (Ledru et al., 1989a). L’unité para-autochtone est moins métamorphique que l’Unité Inférieure des Gneiss sus-jacente, les zones à sillimanite et disthène y étant rares. Cette unité n’est pas anatectique.

Figure 11 : contenu lithologique des unités lithotectoniques du Massif Central d’après Floc’h (1983). A, B, C : contacts anormaux cisaillants