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2. Choix en situation risquée < une approche économique

3.2. Comparaisons ontogénique et phylogénétique

3.2.1. Approche ontogénique : prise de décision chez les enfants

K*'B8!*!5)&2'(&#'&*43*.#'!*.';B*B4)8)B'+&';&3%8!%-'5!)*#'+/3..&*.)!*'$%&'(&#'3+%(.&#'&.'(&#' études restent encore peu nombreuses. Pourtant, les enjeux de ce type de recherche se révèlent tout aussi informatifs puisq%/)(' #/36).' +&' #3,!)"' #)' 8&".3)*#' 8!5-!".&5&*.#' économiques, tels que les échanges, la maximisation des gains, ou encore les heuristiques #&"3)&*.'+/!")6)*&'6B*B.)$%&'&.'#/&A-")5&"3)&*.'+U#'(&'-(%#'7&%*&'_6&2'!%'#)'8&#'8!5-!".&5&*.#' sont acquis dans le cadre de la socialisation +&'(/&*43*.C'V('&#.'&*'&44&.',"3)#&5;(3;(&'$%/)('&A)#.&' %*&'"&(3.)!*'&*."&'(&'+B,&(!--&5&*.'+&#'438%(.B#'8!6*).),&#'D8/&#.-à-dire les stades connus du +B,&(!--&5&*.' #!8)!8!6*).)4' 8<&Y' (/&*43*.H' &.' (3' 7%#.&##&' +&' (&%"#' +B8)#)!*#' (John, 1999; Steelandt, 2012).

Le développement des capacités cognitives et sociales a néanmoins été bien étudié et Piaget 3' B.B' (/%*' +&#' -"&5)&"#' 9' &#.)5&"' (/_6&' 3%$%&(' (&#' &*43*.#' +B,&(!--&*.' +&' *!%,&((&#' compétences (Piaget, 1972 ; Piaget & Inhelder, 1966). Bien que des études antérieures aient

29 rapporté +&#' +)44B"&*8&#' "&(3.),&#' 9' (/_6&' +&' (/38$%)#).)!*' +&' 8&#' 8!5-B.&*8&#2' &.' $%&' (&#' méthodologies utilisées ont depuis été affinées (Clifton, 2001), la théorie de Piaget constitue un cadre général, permettant des comparaisons interspécifiques (Doré & Dumas, 1987; Pepperberg, 2002). Piaget a ainsi subdivisé ces apprentissages en quatre périodes. Depuis la *3)##3*8&' 7%#$%/9' +&%A' 3*#2' )(' #/36).' %*' #.3+&' #&*#!")-moteur, limité à la coordination sensorielle et motrice des actions. Entre 2 et 7 ans, les enfants entrent dans le stade préopératoire, où ils apprennent à utiliser des instruments symboliques, vont commencer à acquérir des capacités de représentation imagées et conceptuelles (par exemple le langage) &.'#&'8"B&*.'+&#'"&-"B#&*.3.)!*#'-!%"',!)"'(&'5!*+&'3,&8'(&%"'-"!-"&'-&"#-&8.),&C'`%#$%/9'??-12ans, les enfants sont dans un stade opé"3.!)"&'8!*8"&.2'8/&#.-à-+)"&'$%/)(#'#!*.'53)*.&*3*.' capables de prendre en compte un autre point de vue et plusieurs perspectives à la fois. Enfin, après 12 ans, les enfants entrent dans le stade opératoire formel, où ils apprennent à raisonner, penser de 43M!*' (!6)$%&' &.' 8!*4"!*.&"' +)44B"&*.#' -!)*.#' +&' ,%&' 3%' 8!%"#' +/%*&' conversation.

R<&Y'(/\!55&2'(&#'8!5-B.&*8&#',3")B&#'D.&((&'$%&'(/&#.)53.)!*'+&#'$%3*.).B#2'(3'-3.)&*8&2'(3' 8!*4)3*8&2'(/3*.)8)-3.)!*H'%.)()#B&#'(!"#$%/%*')*+),)+%'#&'."!%,&'438&'9'%*'8<!ix, apparaissent -"!6"&##),&5&*.'3%'8!%"#'+&'(/&*43*8&C'SU#'#)A'5!)#2'(&#'*!%"")##!*#'3--"&**&*.'9'+)#8")5)*&"' entre deux quantités différentes lorsque le ratio est important (Lipton & Spelke, 2003; Xu & Spelke, 2000). A 10-12 mois, ils discriminent entre deux et trois items mais apparaissent encore incapables de faire la différence entre trois et quatre (Strauss & Curtis, 1981). Les nourrissons sont capables de participer à des jeux coopératifs dès 14 mois (Michael Tomasello & Carpenter, 2007). Ils peuvent échanger avec un adulte non familier un objet ou une friandise -!%"'!;.&*)"'%*&'"B8!5-&*#&'$%3().3.),&5&*.'!%'$%3*.).3.),&5&*.'#%-B")&%"&'+U#'(/_6&'+&' 15 mois (Steelandt, 2012). La capacité de self-control apparaît un peu plus tardivement. Dans les expériences de délai réalisées chez les enfants, les sujets ont par exemple le choix entre consommer une friandise immédiatement ou attendre et en recevoir une deuxième (Mischel

et al., 1989). SU#'(/_6&'+&':'3*#2'8&".3)*#'#%7&.#'#!*.'83-3;(&#'+&'-3.)&*.&"'?I'9'aJ'5)*%.&#'34)*'

de recevoir la meilleure récompense (Steelandt et al., 2012). Ceci indique que, dès cet âge, ils comprennent les conséquences futures +&'(&%"#'38.&#C'R/&#.'B63(&5&*.'9'8&..&'-B")!+&'$%/)(#' commencent 9'+B,&(!--&"'%*&'8!5-"B<&*#)!*'53.<B53.)$%&C'SU#'(/_6&'+&'$%3."&'3*#2'(&#' enfants utilisent les probabilités de manière intuitive pour résoudre un problème simple

30 (Denison et al., 2006; Schlottmann, 2001). A partir de 5-6 ans, les enfants tiennent compte à (3'4!)#'+&'(3'-"!;3;)().B'&.'+&'(3'+B#)"3;)().B'+&'(3'"B8!5-&*#&'3,3*.'+/&44&8.%&"'(&%"'8<!)A'&*."&' deux récompenses possibles (Schlottmann & Anderson, 1994; Schlottmann, 2001).

Ainsi, il semble que dès le plus jeune âge, les enfants disposent de capacités nécessaires à la représentation de +)44B"&*.&#'!-.)!*#'(!"#$%/)(#'#!*.'438&'9'%*'8<!)AC'b%&((&'&#.'(3'7%#.&##&'+&' leurs décisions ? Sur quels indices se basent-)(#'(!"#$%/)(#'+!),&*.' -"&*+"&' +&#' +B8)#)!*#' &*' situation risquées ou ambiguës ? Ces facteurs / indices sont-ils similaires à ceux utilisés par les adultes ? Sont-ils au contraire plus sensibles à des heuristiques ou utilisent-ils des raccourcis cognitifs pour réussir à prendre une décision ?

Pour répondre à ces questions, il apparaît donc nécessaire de comparer les comportements ob#&",B#'8<&Y'(&#'&*43*.#'+/%*&'-3".'&*'4!*8.)!*'+&#'8(3##&#'+/_6&#'D%*'&*43*.'+&'c'3*#'*/3%"3' -"!;3;(&5&*.'-3#'(&#'5L5&#'!%.)(#'8!6*).)4#'9'#3'+)#-!#).)!*'$%/%*'&*43*.'+&'d'3*#H'&.'+/3%."&' part de les comparer aux comportements observés chez des adultes, dans ces mêmes situations.

3.2.2. Approche phylogénétique : prise de décision chez les primates non humains

e*&' 3--"!8<&' 4!*+35&*.3(&' +&' (/B.<!(!6)&' B,!(%.),&' &#.' +&' 8!5-"&*+"&' 8!55&*.' %*' 8!5-!".&5&*.' "B#%(.&' 9' (3' 4!)#' +&' (/<)#.!)"&' B,!(%.),&' +&#' &#-U8&#' &t des caractéristiques propres aux individus et à leur environnement (Danchin et al., 2005)C'K*'+/3%."&#'.&"5&#2')(' #/36).'+&'8!5-"&*+"&'8!55&*.2'$%3*+'&.'-!%"$%!)'%*'8!5-!".&5&*.'&#.'3--3"%'8<&Y'%*&' &#-U8&'+!**B&C'V('#/36).'B63(&5&*.'+/&A35)*&"'#)'8&'8!5-!".&5&*.'&#.'-"!-"&'9'%*&'&#-U8&2' !%'#/)('&A)#.&'8<&Y'+)44B"&*.&#'&#-U8&#C'

L/3--"!8<&' -<G(ogénétique est particulièrement intéressante puisque grâce à des 8!5-3"3)#!*#' )*.&"#-B8)4)$%&#2' )(' &#.' -!##);(&' +/&A35)*&"' (&' +&6"B' +&' #)5)().%+&' +/%*' comportement (ou des compétences cognitives) chez différentes espèces et ainsi retracer son évolution au cours du temps (Gómez, 2005; MacLean et al., 2011).

P3"' &A&5-(&2' (/B8!*!5)&' &#. 3%' 8N%"' +&' *!#' #!8)B.B#' 5!+&"*&#' &.' 8<&Y' (/\!55&' (&#' comportements de type économiques (dons, trocs, échanges, attribution de valeurs marchandes etc.), qui impliquent des compétences cognitives complexes, sont particulièrement bien développés. En étudiant +/3%."&#' &#-U8&#, on pourra définir si ces 8!5-!".&5&*.#'#!*.'#-B8)4)$%&#'9'(/\!55&2 et caractériser les compétences cognitives, ainsi

31 que les facteurs contextuels, nécessaires à leur apparition. Pour mieux comprendre la valeur adaptative de certains comportements observés lors des prises de décision, il paraît donc naturel de se tourner vers les espèces avec lesquelles nous partageons la part la plus importante de notre capital génétique : les primates non humains.

Les nombreuses études réalisées ces dernières années chez les primates non humains ont permis de mettre en lumière leurs facultés cognitives élaborées dans de nombreux domaines. Certains auteurs ont même mis en relation les capacités observées avec les différents stades décrits par Piaget, notamment en ce qui concerne le stade sensori-moteur, et qui inclut le 8!*8&-.'+&'-&"53*&*8&'+&'(/!;7&.'D#3,!)"'$%/%*'!;7&.'#&'."!%,&'9'%*'&*+"!).'+!**B'5L5&'#/)(' */&#.'-(%#',)#);(&'-3"'(/)*+),)+%HC' &#'6"3*+#'#)*6&#'f orangs-outans (Pongo pygmaeus), gorilles (Gorilla gorilla), chimpanzés (Pan troglodytes) et bonobos (Pan paniscus) f maîtrisent cette compétence (Barth & Call, 2006; Parker & Gibson, 1979). Chez les singes, les résultats sont plus variables en fonction des études. Des tamarins pinchés (Saguinus oedipus), des capucins bruns (Cebus apella) et macaques rhésus (Macaca mulatta) ont également réussi cette tâche alors que des singes écureuils (Saimiri sciureus) et un macaque japonais (Macaca fuscata) ont échoué (de Blois et al., 1998; Natale et al., 1986; Neiworth et al., 2003; Paukner et al., 2009; Sumiyama et al., 2000).

/&#.)53.)!*'+&#'$%3*.).B#2'(3'-3.)&*8&2'(3'8!*4)3*8&2'(/3*.)8)-3.)!*'!*.'B.B'B63(&5&*.'B.%+)B#' 8<&Y' -(%#)&%"#' &#-U8&#C' K*' 8&' $%)' 8!*8&"*&' (/&#.)53.)!*' +&' $%3*.).B#2' (&#' primates non humains son.'83-3;(&#'+&'+)44B"&*8)&"'+&#',!(%5&#'&.'+/&#.)5&"'+&#'$%3*.).B#2'8!*.)*%&#'!%' discrètes. Par exemple, des orangs-outans et des chimpanzés sont capables de choisir le volume le plus important parmi deux volumes même si la dimension et/ou la forme du récipient diffèrent (Beran, 2010; Call & Rochat, 1996, 1997). Des capucins bruns et des macaques japonais sont capables de comparer plusieurs quantités de nourriture et de choisir (/!-.)!*'(3'-(%#')5-!".3*.&'D83-%8)*# : Addessi et al., 2008; Beran, 2008; Beran, Harris, et al., 2008; macaques : Silberberg & Fujita, 1996, tout comme les grands singes (Boysen et al., 1995, 1996; Call, 2000; Hanus & Call, 2007; Vonk et al., 2014). Cependant, une étude récente chez les chimpanzés a montré que ceux-ci peuvent faire des erreurs lorsque la taille du plat dans lequel la nourriture est présentée est trop variable (Parrish & Beran, 2014)C' S/3%."&' -3".2' (!"#$%&' -3"5)' (3' .3)((&' +&#' "B8!5-&*#&#' ,)#);(&#' (/%*&' &#. beaucoup plus saillante que les autres, cela peut les conduire à réaliser des choix incorrects. Par exemple si 1 grand item

32 8!""&#-!*+'3%',!(%5&'+&':'-&.).#').&5#'&.'$%/)(#'+!),&*.'8<!)#)"'&*."&'%*'#&.'8!*.&*3*.'?'#&%(' grand item et un autre set contenant 5 petits, ils auront tendance à choisir le grand item. Lorsque les sets présentent uniquement des petits items, ils choisissent toujours la quantité la plus importante (Beran, Evans, & Ratliff, 2009). Des orangs-outans ont su choisir la quantité la plus importante entre deux options, même lorsque celles-ci leur étaient présentées de manière successive (i.e. option 1 visible puis option 2 visible, puis choix entre options 1 et 2). V(#' !*.' +!*8' B.B' 83-3;(&#' +&' 5B5!")#&"' 8<38%*&' +&#' !-.)!*#2' -%)#$%/)(#' *&' -!%,3)&*.' -3s simultanément et visuellement évaluer les quantités au moment de leur choix. De plus, lorsque les quantités initiales sont augmentées ou réduites, les orangs-outans ont réussi à combiner mentalement les quantités afin d'obtenir la plus grande des deux (Call, 2000). Des résultats similaires ont été observés chez des chimpanzés (Benus, 2001; Beran & Beran, 2004). Ainsi, les individus utiliseraient un mécanisme de représentation (en particulier (!"#$%/)('#/36).' de comparer des quantités) pour sélectionner la plus grande des deux. Des capacités de calculs, et notamment réaliser des additions et des soustractions, ont également été observées chez des capucins, des macaques rhésus et des macaques de Tonkéan (Macaca

tonkeana) (Cantlon & Brannon, 2007; Steelandt et al., 2011).

Concernant leur capacité de contrôle de soi, les primates non humains ont des résultats plus variés. Par exemple, les capucins bruns, les macaques et les chimpanzés ne réussissent pas à 3..&*+"&' -(%#' +/%*&' +)Y3)*&' +&' 5)*%.&#' 34)*' +&' "&8&,!)"' %*&' "B8!5-&*#&' -(%#' )5-ortante (Dufour et al., 2007; Pelé, et al., 2010) . Ces résultats apparaissent cohérents aux vues de ce qui est connu c<&Y'(&#'&*43*.#2'8&'$%)'(3)##&'-&*#&"'$%&'(&'8!*."g(&'+&'#!)'&.'(/&#.)53.)!*'+%' .&5-#'#&5;(&'L."&'-3"5)'(&#'3--"&*.)##36&#'-(%#'+)44)8)(&#'9'5&.."&'&*'N%,"&C

En résumé, bien que les grands singes réussissent généralement mieux que les autres singes +3*#' +&#' .&#.#' !h' !*' (&%"' +&53*+&' +/3..");%&"' +&#' )*.&*.)!*#' 9' (/3%."&' (Call & Tomasello, 1997), les performances apparaissent ici plutôt similaires entre les espèces. Tous comme les jeunes enfants, les primates non humains semblent donc maîtriser au moins une partie des 8!5-B.&*8&#'*B8&##3)"&#'-!%"'&#.)5&"'(&#'8!Q.#'&.';B*B4)8&#'-!.&*.)&(#'+/%*'8<!)A2'&.')('#&"3).' +!*8' )*.B"&##3*.' +/B.%+)&"' #/)(#' #&' 5!*."&*.' 83-3;(&#' +&' 53A)5)#&"' (&%"' %.)().B' +3*#' +&#' situations risquées ou ambiguës.