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Chapitre 4 : Validation du modèle. Influence des paramètres expérimentaux sur le comportement

4.4. c. Comparaison avec le spectre solaire

Afin de comparer l'énergie déposée par les électrons dans le plasma et l'énergie déposée dans la stratosphère déposée par les photons du soleil, nous avons calculé la puissance déposée par ces deux sources d'énergie par unité de surface :

Le flux énergétique solaire déposé dans la stratosphère de Titan est égal à 15 W.m-2 (environ 1,1% du flux solaire reçue sur Terre). Le spectre solaire (Tartag et al. (2001), [144] et références incluses) a été normalisé à 15 W.m-2, afin d'avoir l'intégrale de l'énergie solaire sur tout le domaine de longueur d'onde égale à la puissance énergétique totale déposée dans l'atmosphère de Titan.

Les FDEE des 4 cas étudiés précédemment, initialement normalisées à 1, ont été multipliées par la puissance totale déposée par les électrons sur une section du réacteur cylindrique (Ptot exprimée en W.m-2). Le champ électrique étant constant selon le grand axe du cylindre, nous pouvons alors en déduire que la puissance totale des électrons dans le réacteur est :

Ptot (W) = Pmes .(L/d)

Ptot : puissance totale fournie par les électrons dans le réacteur exprimée en Watt.

Pmes = dVp.I : puissance mesurée aux bornes des sondes électrostatiques exprimée en Watt. L : longueur totale du réacteur. L = 3.10-1 m

d : distance entre les deux sondes électrostatiques. d = 15,8.10-2 m

Nous avons alors la relation suivante : Ptot (W.m-2) = Ptot (W) /πR²

R : rayon du réacteur (cylindrique). R = 1,25.10-2 m.

La Figure 4-6 montre la comparaison entre les puissances reçues par unité de surface dans la décharge dans les 4 cas étudiés précédemment et la puissance reçue dans l'atmosphère de Titan par unité de surface. Nous observons tout d'abord une puissance très supérieure des électrons dans la décharge par rapport aux photons reçus sur Titan. Si nous regardons les puissances reçues dans le domaine correspondant aux processus de dissociation du méthane et de l'azote (autour de 100 nm), la simulation expérimentale fournit une puissance plus importante d'un facteur de l'ordre de 108 par rapport aux photons UV sur Titan.

Figure 4-6 : comparaison entre la puissance énergétique déposée par le soleil sur Titan exprimée en W.m-2.nm-1(Tartag et al. (2001), [144] et références incluses) et les puissances déposées par les électrons dans

la décharge dans les 4 conditions étudiées précédemment. L'intégrale de la puissance solaire reçue est égale au flux solaire reçu sur Titan (15W.m-2); les intégrales des puissances relatives aux décharges plasmas sont égales à la puissance des électrons déposée sur une section cylindrique du tube, par unité de surface.

Cependant, les constantes de réactions sont déterminées par recouvrement entre l'énergie déposée et la section efficace des réactions. Il faut alors comparer les sections efficaces des réactions électroniques et photoniques.

Les sections efficaces de dissociation du méthane sont présentées sur la Figure 4-7 :

Concernant l'absorption UV, très intense, la bande Lyman α à 122 nm (10,16 eV) du spectre solaire est quasiment la seule à pouvoir dissocier le méthane. A cette énergie, la section efficace d'absorption est maximale (environ 2.10-17 cm²).

Pour les processus électroniques, les valeurs de section efficace indiquent que les électrons d'énergie supérieure à 10 eV peuvent dissocier le méthane. Or, les FDEE montrent que nous pouvons négliger les électrons d'énergie supérieure à 20 eV. La section efficace de dissociation électronique est alors comprise entre 4.10-17 et 2,7.10-16 cm², soit environ un ordre de grandeur supérieur à la section efficace d'absorption UV.

Figure 4-7 : à gauche : section efficace d'absorption de photons du méthane (d'après Calvert and Pitts (1966), [18] et Mount et al. (1977), [96]). A droite : section efficace de dissociation totale du CH4 par impact électronique ( Motlagh and Moore (1998), [95]).

Ainsi, avec une puissance supérieure de 108 fois par rapport aux photons UV sur Titan et avec une section efficace 10 fois plus forte, la dissociation du méthane dans nos simulations expérimentales est 109 fois plus importante par rapport à celle ayant lieu dans l'atmosphère de Titan. Ce calcul approché est cohérent avec le fait que les simulations expérimentales par décharge électrique génèrent très rapidement des composés solides.

Comparons maintenant le taux de production des tholins produits dans l'expérience et le taux de production des aérosols déduit des observations de l'albédo de Titan dans le visible (McKay et

al. (2001), [90]). Les expériences, selon les paramètres expérimentaux produisent entre 10 et 100

mg de tholins par jour. Ce dépôt s'effectuant sur une surface de 60 cm² environ, la production varie entre 2.10-9 et 2.10-8 g.cm-2.s-1. Sur Titan, la production d'aérosols est estimée entre 5.10-15 et 2.10 -14

g.cm-2.s-1. L'expérience a alors un taux de production de composés solides entre 105 et 4.106 fois plus élevé que sur Titan. Ramenée à "l'efficacité" de la dissociation du méthane calculée ci-dessus, le taux de production expérimentale de composés solides est entre 250 et 104 fois moins élevé que sur Titan.

Nous pouvons proposer trois causes provoquant ce taux de production moins élevé dans l'expérience :

Les électrons créés dans la décharge cèdent une partie de leur énergie par réaction avec des molécules d'azote. Ceux-ci ne sont alors plus disponibles pour dissocier le méthane.

Des pertes d'énergie des électrons peuvent avoir lieu sur les parois du tube, entraînant d'une part le chauffage du tube (ce qui est constaté) et d'autre part une diminution du nombre d'électrons susceptibles de dissocier le méthane et l'azote.

Les tholins sont déposés sur les parois du tube mais une partie de ces composés solides doivent être emportés par le flux de gaz, diminuant ainsi la quantité de solide récupéré.

Par contre, un effet de paroi pourrait engendrer une production supplémentaire de tholins et s'opposer alors aux effets précédents. Des réactions de chimie hétérogènes ont lieu entre la surface interne du réacteur et les composés gazeux. La simulation expérimentale à débit de gaz, développée initialement par Coll (1997), [21] a été conçue pour limiter ces effets de parois. Le rapport λ/R (rapport entre le libre parcours moyen d'une espèce neutre λ et le rayon interne du réacteur R) traduit l'importance de ces effets sur la chimie du plasma. Ce rapport est estimé à environ 2,2 dans notre expérience, soit 25 fois inférieur à celui de l'expérience de Thompson et al. (1991), [145]. Nous pouvons alors considérer que seule une faible proportion de molécules gazeuses réagissent avec les parois du tube.