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6. ANALYSES

6.5. Comparaison entre propos et théorie

Pour poursuivre dans notre travail d’analyse, nous avons mis en lien notre cadrage théorique avec les points 6.3 et 6.4 (comparaison des propos des enseignants et des psychologues scolaires) pour en interpréter les résultats.

Concernant le partenariat et la collaboration, nous avons constaté que la plupart des psychologues estiment la collaboration nécessaire. Chaque professionnel a ses propres ressources : l’enseignant est un expert pédagogue et le psychologue un expert thérapeute. Grâce à la collaboration on associe ces ressources au profit de l’enfant. La psychologue n° 3 ajoute une notion que nous trouvons intéressante : les deux parties collaborent dans le même but.

En nous référant à notre concept de partenariat et collaboration, élaboré dans notre cadrage théorique, nous pouvons remarquer que les psychologues rencontré ont une vision de ce concept qui se rapproche de la définition du concept de partenariat qui figure

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dans le Dictionnaire actuel de l’éducation : « Des parties partagent un objectif commun et le réalisent en utilisant de façon convergente leurs ressources respectives. »

Cela nous amène à aborder la question de la complémentarité des points de vue, en effet nous nous sommes aperçu que cette notion pouvait représenter une vraie richesse pour les psychologues ainsi que pour les enseignants, car le fait de ne pas tous regarder dans la même direction, et ainsi de croiser les regards de chacun sur l’enfant, apportait non seulement un angle de vision différent mais aussi une troisième dimension pour enrichir l’analyse d’une situation, et ceci sans forcément rentrer en conflit.

Cela peut correspondre à de la co-construction, comme évoqué dans un cours sur le partenariat (Allenbach, 2011).

« Dans la co-construction de représentations (coopération), les tâches et les représentations peuvent être clairement distinctes. Par contre, on met en commun ses observations, ses représentations ainsi que son propre ressenti. La réflexion commune permet à chacun de faire évoluer ses représentations. »

6.5.2 Entre délégation et aide indirecte

Si les apports potentiels de l’un envers l’autre sont reconnus, nous avons constaté que la majeure partie des psychologues et des enseignants ressentent le besoin avant tout d’être respectés dans leur propre rôle. Pour les psychologues n°1 et 2°, il est primordial selon elles que chacune des deux parties connaissent le champ de l’autre, cela permet ainsi de reconnaître l’autre et ce qu’il peut apporter. Elles apprécient le fait de pouvoir clarifier les attentes et les manières de procéder de chacun. De plus, pour l’une de ces deux psychologues, cela permettrait ainsi de régler beaucoup de conflits qui naissent d’incompréhension.

Une définition de la relation d’aide (Legendre, R. 2005) nous semble éclairante pour les prestations d’aide indirecte (du psychologue envers l’enseignant), mais aussi concernant les apports mutuels que peuvent engendrer les relations de coopération :

« La relation d’aide représente dans la psychologie de l’éducation une relation interpersonnelle au cours de laquelle une personne se rend disponible à une autre pour

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l’assister dans ses difficultés et l’aider à assumer elle-même sa propre résolution de problème. »

Cette définition nous semble intéressante, car nous pouvons relever que l’autre est pris en compte mais surtout que c’est à lui seul de prendre en charge sa tâche.

Dans nos résultats nous avons justement noté que toutes les enseignantes apprécient que leurs besoins et leurs idées soient reconnues, elles souhaitent qu’on les écoute, qu’on les soutienne et qu’on les respecte dans leur personne et dans leur travail. Concernant, l’autre partie, trois psychologues décrivaient l’aide qu’elles pouvaient apporter par des réponses aux questions et inquiétudes des enseignantes, mais aussi par des conseils et éclairages. Il avait été relevé par Allenbach (2011) que l’aide indirecte peut prendre diverses formes et notamment :

- « d’être écouté et d’avoir un soutien affectif (empathie)

- de recevoir des conseils, des idées auxquels nous n’aurions pas pensé ou que nous n’avons pas encore mis en place/testé.

- d’obtenir un accompagnement réflexif, un approfondissement ou une autre réflexion. - de prendre du recul. »

En résumé, l’aide indirecte permet de tenter de résoudre des problèmes en utilisant toutes les ressources à disposition de l’enseignante.

Cependant, nous avons également vu lors de ce cours, que la délégation, ou du moins le partage de certaines responsabilités étaient légitimes dans certaines situations.

« Le fait de pouvoir assumer certaines responsabilités conjointement ou de déléguer permet à l’enseignant de diminuer les sources de souci et d’épuisement. En effet, ce ne sont pas les tâches concrètes que représente la prise en compte de certains élèves mais bel et bien la charge mentale qui risque plus facilement d’épuiser l’enseignant. »

Or, nous avons vu que trois psychologues avaient un avis bien tranché sur cette méthode. Effectivement, ceux-ci pensent que les enseignants ont tendance à trop déléguer, autrement dit, qu’ils agissent comme si leur rôle s’arrêtait après avoir signalé l’enfant. De manière générale, ils souhaitent que les enseignants continuent à s’impliquer pour la suite du travail avec eux.

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6.5.3 Une fonction co-construite

Selon Patricia McCulloch & Chiara Curonici (1999) « le psychologue est appelé par l’école quand l’enseignant ou toute autre personne pense que ses compétences professionnelles et/ou personnelles sont dépassées ou trop mises à l’épreuve par une situation précise. Cependant si l’enseignant fait appel au psychologue, en disant avoir lui-même un problème à l’école, le psychologue passe alors d’observateur extérieur à la position d’acteur impliqué dans la définition du problème. »

Nous trouvons ce point très intéressant car dans le fond, la tâche du psychologue dépendra de la formulation de la demande de l’enseignante.

Et c’est ce qu’appuient les deux auteurs en expliquant clairement que « le psychologue en milieu scolaire voit alors sa fonction modifiée. En effet, il n’est plus thérapeute mais intervenant systémique. Il n’est plus considéré comme expert en pathologie individuelle auquel l’enseignant demande la résolution d’un problème mais il entre dans le système et travaille en collaboration avec l’enseignant sur les interactions existantes dans ce système. Son objectif premier restera celui de se retirer le plus vite possible pour que l’enseignant gère la situation scolaire seul. Mais de plus, le psychologue s’il s’implique dans la définition du problème, participe à l’évolution de la demande de l’enseignant. Celle-ci ainsi que les tâches qu’il va assumer pour y répondre seront donc des co-constructions ».

6.5.4 Communication et respect

La communication entre les deux parties semble donc un point essentiel.

Nous n’avons malheureusement récolté que l’avis des enseignantes à ce propos, les psychologues ayant peu abordé ce sujet lors de nos interviews. Ce qui a été ressorti lors de nos résultats nous a surpris. Tout d’abord l’enseignante n°2 a l’impression qu’elle ne parle pas le même langage que celui des psychologues, car ceux-ci parleraient avec leur langage de « spécialiste », elle a parfois de la peine à voir concrètement ce qu’elle veut dire, elle doit souvent demander des explications, les psychologues scolaires retournent alors leur phrases mais avec les mêmes mots donc elle doit encore redemander, ce qui rend la communication difficile.

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Quant à l’enseignante n°3, elle ne se sent pas écoutée par la psychologue et a l’impression d’être rabaissée, à travers, entre autres, plusieurs manifestations non-verbales. Elle soulève l’importance qu’il y ait de l’empathie dans cette relation.

Plusieurs enseignantes se plaignent que leurs observations soient reprises par la psychologue scolaire.

McCulloch et Curonici (1999) expliquent que la reprise de ces informations peut avoir un sens : « l’enseignant possède une surabondance d’observations pertinentes, d’anecdotes, d’exemples et de réflexions de collègues. Il s’agit donc de l’amener à se centrer sur ses propres observations et à élaborer une stratégie applicable dans son champ d’action. L’écoute du contenu sera utilisée pour identifier le processus dysfonctionnel afin d’introduire un changement à ce niveau-là. De plus, il est important d’aider l’enseignant à nuancer les observations réalisées, les affiner, les préciser afin de trouver les éléments de compréhension qui lui manquent. Parfois la solution peut s’imposer d’elle-même. » Selon nous, il est pertinent que l’enseignant ait du mal à accepter que ses observations soient remises en questions car comme le soulève A. Binnet : « cela signifie que l’enseignant pourrait vivre cela comme une intrusion dans ses résultats. »

D’autre part, nous avions vu lors d’un cours sur la communication : communication interpersonnelle (Calpini, 2008), que la communication est un concept complexe qui comprend de nombreux parasites. Communiquer correspond au fait de donner une signification à ce que l’on nous transmet et dépend donc de notre façon d’interpréter les choses. Les facteurs d’interprétation sont nombreux et variés tels que l’humeur, l’expérience passée, les stéréotypes, les connaissances que l’on a de l’autre, etc.

D’après les propos des enseignantes, les psychologues adopteraient des comportements qui freinent la communication. Selon les catégories de GIBB (cité par Calpini, 2008), comme :

- Le jugement

- Le contrôle (le fait d’imposer une solution) - La stratégie

- L’indifférence - La supériorité

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Dans le cas de nos deux enseignantes, la communication est biaisée car elles ne se sentent pas sur le même pied d’égalité.

Psychologues et enseignants nous semblent se trouver dans une relation symétrique dans laquelle les parties cherchent chacune à défendre son rôle, sa spécificité, ses limites.

McCulloch et Curonici, (1999) identifie un phénomène, qui engendre une relation symétrique entre les deux protagonistes « le psychologue qui propose son aide à l’enseignant, ne doit pas proposer des conseils qui s’attachent au contenu, mais bien des tâches qui s’attachent à la relation avec l’élève. Ceci car les conseils risquent d’entrainer le psychologue dans une compétition avec l’enseignant (symétrie) et de s’immiscer dans son champ d’action spécifique. »

6.5.5 Secret de fonction et transmission d’informations

Nous avons constaté que toutes les enseignantes se plaignent de donner toutes les informations en leur possession sans en recevoir autant en retour alors que les psychologues sont très prudents sur les informations qu’ils transmettent. Cela est dû à deux raison principales : tout d’abord parce que le psychologue est astreint au secret de fonction, donc qu’il ne peut divulguer certaines informations qu’avec l’accord de la famille et de l’enfant. Ensuite, parce que dans certaines situations, il n’est pas toujours aidant pour l’enseignante de tout savoir sur son élève car elle risque d’être dépassée par les événements, d’autant plus lorsque cela touche la sphère privée.

Selon les psychologues n° 1 et 2, certains enseignants ne sont pas professionnels car ils divulguent des informations sur l’enfant en ne respectant pas le secret de fonction, par exemple, lors des discussions en salle des maîtres, lorsque plusieurs enseignants parlent du cas d’un enfant ouvertement devant tous ses collègues.

En effet, en nous référant au concept de secret de fonction, nous constatons que celui-ci concerne non seulement les données officielles mais aussi toute information apprise lors de simples discussions entre collègues à la cafétéria ou dans un conseil de classe.

Cela nous amène naturellement à traiter du sujet de la transmission des informations, il existe en effet un point de discorde entre les deux parties. La plupart des enseignantes acceptent difficilement de ne pas tout savoir et de recevoir qu’une partie d’un bilan en retour.

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Le document édité par l’Unité de Recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques (2009), énonce des principes généraux au sujet de la circulation de l’information concernant le suivi des élèves. Formellement, il est de la responsabilité du psychologue scolaire de décider des informations qui sont à considérer comme appropriées et indispensables, l’enseignante a donc uniquement le droit d’obtenir les renseignements nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

Nous avons retenu ces trois règles :

a. « La transmission des informations doit se faire dans un cadre approprié notamment afin d’en garantir la discrétion. »

b. « Une information recueillie dans un climat de confiance réciproque PPLS/ famille, doit être utile à la personne qui la reçoit, lui permettre de prendre une décision, d’ajuster son action et être à la scolarité de l’enfant »

c. « Les données personnelles ne doivent être traitées que dans le but qui est indiqué lors de la collecte et avec le consentement de l’élève concerné et /ou de ses parents. »

Deux psychologues ajoutent un élément peu relevé par les autres personnes interrogées et qui nous semble pertinent : il est important pour elles de prendre toujours un moment avec les parents pour réfléchir et décider de ce qui se dira, par exemple lors des bilans. Elles ajoutent qu’il faut considérer les parents comme des partenaires dans la réflexion, que ces derniers se sentent entendus et soutenus car ils sont responsables de leur enfant. Elles précisent que sans les parents, rien ne peut être construit.

Certains psychologues scolaires déplorent la pression exercée sur certains parents pour qu’ils consultent, entrainant des conflits de loyauté qui biaise le travail du psychologue. En nous référant à la brochure « communication entre PPLS et direction de l’établissement » publié par l’Unité de Recherche pour le Pilotage des Systèmes Pédagogiques (2009), il est relevé que : « Les parents restent libres dans leur choix d’entreprendre ou non la démarche auprès du PPLS ». Les parents n’ont donc pas d’obligation légale d’aller chez le psychologue scolaire, même si l’enseignant insiste.

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