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Il existe des similitudes souvent remarquables entre la physique des plasmas et celle des

semiconducteurs4. Elles ne sont évidemment pas fortuites ni magiques mais liées (notamment) à

l’utilisation conjointe : des équations de Maxwell, de la « trinité » non-linéaire et auto-cohérente

charge-champ-potentiel et de modélisations similaires des effets collectifs comme la théorie du

libre parcours moyen.

La différence principale entre les deux mondes est l’organisation périodique et l’ordre à

longue distance (pour les semiconducteurs cristallins) ou à courte distance (pour les semicon- ducteurs amorphes). Elle implique une structure de bandes absente dans les plasmas et particu-

lièrement les notions de bande interdite et de masses effectives. Les électrons et les trous dans

un semiconducteur forment en quelque sorte des gaz de porteurs libres mais avec un potentiel

2peut être complexifié à l’infini : triode, contre-électrode etc.

3Electron Cyclotron Resonance.

2.1 Dépôt par plasma de matériaux 27

supplémentaire agissant sur eux (potentiel dû à l’organisation périodique du cristal). Les valeurs typiques données correspondront au :

1. réacteur de PECVD nommé ARCAM dans des conditions normales ;

2. silicium cristallin 1Ω·cm.

La notion de quasi-neutralité est essentielle à la modélisation des plasmas ou des semicon- ducteurs. Spatialement et temporellement, les charges se réorganisent pour assurer la neutralité électrique suite à une perturbation. Dans le cas d’une perturbation dans l’espace, la séparation

des charges5 engendre une force de rappel (le champ électrique des dipôles créés) qui tend à

rétablir la neutralité électrique. On définit la longueur de Debye LDcomme la distance typique

sur laquelle une zone de charge d’espace peut se créer et donc sur laquelle la neutralité élec-

trique n’est pas respectée. Au-delà d’un certain multiple de LD(selon la géométrie et le type de

plasma/semiconducteur considéré), la neutralité électrique est de nouveau assurée. On dit que

les charges ont écranté la perturbation. Dans le cas classique d’un plasma où les ions ne jouent

pasde rôle dans l’écrantage, on montre que cette longueur vaut [1, chap. 2] :

LD =

r kBT

ne2 (2.2)

où n est la densité électronique égale à la densité ionique. Dans un semiconducteur, la longueur

de Debye est égal à [3, chap. 1] :

LD =

r kBT

2ne2 (2.3)

où n est soit la densité des porteurs intrinsèques (pour un semiconducteur intrinsèque) soit la densité des porteurs majoritaires (électrons ou trous pour un semiconducteur dopé resp. n ou p).

On note la différence au dénominateur avec un facteur 2 supplémentaire par rapport à l’équation

2.2. Il est dû, à notre avis, à une convention différente. Même si la longueur de Debye est surtout

utilisée pour des semiconducteurs dopés, elle a d’abord été définie pour les semiconducteurs intrinsèques. Dans un tel semiconducteur, la densité de porteurs positifs (trous) est égale à la densité de porteurs négatifs (électrons) et ces deux types de charges peuvent donc écranter

pareillement un champ électrique. Dans un plasma avec : ne = 1010 cm−3 et Te = 2 eV alors

LD ≈ 100µm. Dans le c-Si 1 Ω·cm à température ambiante (dans ce cas n ≈1016 cm−3), LD≈

25 nm. La longueur de Debye diminue si le nombre de porteurs augmente puisqu’il y aura plus de porteurs pour écranter le champ perturbateur.

La longueur de Debye permet par conséquent de définir l’ordre de grandeur des zones ne respectant pas la neutralité électrique (zones de charge d’espace). Ces zones ont des dimensions

inférieures ou de l’ordre de LD même s’il faut distinguer les zones de charge d’espace d’un

matériau (unique donc) de celles d’un composant (jonction p-n par exemple). Et, tant pour la simulation numérique que la compréhension analytique, cette hiérarchisation spatiale est essen-

tielle dans les plasmas et les dispositifs à semiconducteurs. Elle permet en effet de distinguer

deux types de zones :

1. les zones où l’hypothèse de quasi-neutralité est respectée : cœur du plasma ou majeure partie des dispositifs à semiconducteurs (notamment les parties dopées) ;

2. les zones où ce n’est pas le cas : gaines dans les plasmas ou zones de charges d’espace pour une jonction p-n.

Cette situation correspond à une modélisation abrupte et toutes les situations intermédiaires peuvent être envisagées.

La longueur de Debye est toujours une longueur caractéristique de variation du potentiel électrostatique et toutes les charges (mobiles ou fixes) y contribuent si elles se trouvent dans la zone étudiée. Toutefois les formules pratiques sont parfois source de confusion. Pour des raisons d’ordre de grandeur (ou parce qu’il n’y a pas de charges fixes), seules les charges mobiles apparaissent dans certaines formules. Inversement, seules les charges fixes peuvent être prises en compte. Par exemple, dans le a-Si:H (même « bien » dopé) la concentration de porteurs libres est toujours très inférieure à la concentration des charges fixes. La longueur de Debye pratique

est alors définie à partir de la densité d’états au niveau de Fermi N(EF).

La neutralité électrique dans le temps est caractérisée par le temps de relaxation de Maxwell. Il s’agit de quantifier la dynamique de la relaxation des charges libres. En appliquant le théorème de Gauss, on trouve :

τM =



σ (2.4)

où σ est la conductivité, parfois notée η dans le cas des plasmas et s’écrivant η = ne2/mν

avec ν fréquence de collisions. On peut calculer un temps de relaxation de l’ordre de 5 ps à

20 ps pour nos plasmas et de 1 ps pour un semiconducteur c-Si 1Ω·cm. Ces durées sont très

faibles et correspondent au rétablissement de la neutralité électrique dû à un excès de charges (positives ou négatives). Il ne faut pas confondre cette échelle de temps avec celle caractérisant un déplacement collectif de charges (par exemple pour « répondre » à une excitation). Il s’agit alors de la fréquence plasma ou fréquence de Langmuir. Elle caractérise des phénomènes qui sont toujours moins rapides que le temps de Maxwell de plusieurs ordres de grandeur.

Considérons un déplacement microscopique (sur un seul axe) δx de tous les électrons, on peut montrer qu’une force de rappel coulombienne agit sur cette tranche d’électrons avec une pulsation dite plasma :

ωp =

s ne2

me

(2.5) Il s’agit donc de l’échelle de temps définissant la réaction des électrons à une perturbation spa- tiale (perturbation pouvant d’ailleurs dépendre du temps). Le retour à l’équilibre se fait par des oscillations. On utilise souvent dans le domaine des plasmas la fréquence de Langmuir (donc la pulsation divisée par 2π). Dans les solides, elle a surtout un sens pour les métaux plutôt que pour les semiconducteurs. Nous avons implicitement parlé de fréquence plasma électronique mais l’on peut définir aussi une fréquence plasma ionique qui est bien inférieure puisque la masse des ions est beaucoup plus grande. Dès lors, pour certaines fréquences, les électrons ré- agissent collectivement à une excitation de fréquence f alors que les ions ne peuvent « plus

suivre ». Par exemple, dans un plasma où ne = 1010 cm−3 on obtient une fréquence plasma

électronique d’environ 900 MHz.

La théorie du libre parcours moyen est identique pour un plasma ou pour un semiconducteur

2.1 Dépôt par plasma de matériaux 29

déplacement des porteurs peut être du type conductif ou diffusif, l’origine de la force étant

toujours un gradient, respectivement, de potentiel électrostatique ou de concentration. Les deux phénomènes sont d’ailleurs décrits conjointement par le gradient du potentiel électrochimique (ou pseudo-niveau de Fermi).

La conduction est caractérisée par la mobilité des porteurs. Cette mobilité est le coefficient

de proportionnalité entre la vitesse de dérive des porteurs et le champ électrique :

v = ±µE (2.6)

Par construction, elle est toujours positive. En « champ faible », c’est une constante. Autrement dit, la vitesse macroscopique des charges (vitesse de dérive) est proportionnelle au champ élec- trique. Le champ électrique accélère les porteurs mais cette accélération n’est pas constante à cause des collisions. Dans ce modèle simple, on peut exprimer la mobilité (tant pour les plasmas que les semiconducteurs) par :

µ = 2el

m < vmicro>

(2.7) où l = vmicroτc est le libre parcours moyen (τc est le temps entre deux collisions) et < vmicro >

la moyenne des vitesses microscopiques (au sens instantané) des porteurs. Par exemple, dans

l’ARCAM les libres parcours moyens s’étendent d’environ 10µm (« haute » pression) à 500 µm

(« basse » pression). Dans les semiconducteurs, la masse m doit être remplacée par mc la masse

effective de conductivité du conducteur considéré qui dépend de la structure de bandes. En

physique des semiconducteurs, on exprime plus souvent la mobilité sous la forme (que l’on peut dériver de l’équation 2.7) :

µ = eτ

mc

(2.8)

où τ est le temps de relaxation simplement défini par τ= τc/2. Dans le c-Si 1 Ω·cm, la mobilité

des électrons est d’environ 1 120 cm2·V−1·s−1et de 415 cm2·V−1·s−1pour les trous. La vitesse de

dérive sera d’autant plus importante que le champ électrique est fort et ce sera particulièrement le cas dans les gaines (pour les plasmas) et dans les zones de charge d’espace (pour les jonctions p-n). Dans ces zones, ce mode de transport est prépondérant pour les espèces chargées (les

espèces neutres diffusant).

Mais ce modèle de mobilité constante suppose que la vitesse de dérive due au champ élec-

trique est inférieure à la vitesse d’agitation thermique vth. Il y a, tant pour les plasmas que les

semiconducteurs, un domaine des champs faibles et un domaine des champs forts. En champ fort, la mobilité n’est plus une constante et dépend du champ électrique. La vitesse de dérive

devient sous-linéaire par rapport au champ électrique6. On parle d’ailleurs de porteurs chauds

dans les semiconducteurs.

Un gradient de concentration crée un courant de charges qui tend à uniformiser leur dis-

tribution. Ce processus est régi par des constantes de diffusion D pour chaque type de charges

(négatives ou positives). Ces déplacements de charges impliquent des courants de diffusion de

la forme (ex. pour les électrons) :

~jdn = eDn~∇n (2.9)

Dans certaines limites (en physique des plasmas et des semiconducteurs), le coefficient de dif-

fusion D et la mobilité µ sont reliés par la relation d’Einstein [3, chap. 1] :

D µ =

kBT

e (2.10)

En fait, cette fraction mesure l’intensité relative de chaque phénomène : la diffusion (numéra-

teur) par rapport à la conduction (dénominateur). Le coefficient de diffusion est d’autant plus

important (par rapport à la mobilité) que la température est forte (l’agitation thermique devient « dominante »).

De façon plus anecdotique, on peut aussi rapprocher le premier coefficient de Townsend

(α en physique des plasmas) de l’effet d’avalanche (facteur de multiplication) dans les diodes

à avalanche. Il y a ionisation par impact électronique dans les deux univers lorsque l’énergie

cinétique accumulée par l’électron (sous l’effet du champ ~E) est suffisante pour créer une paire

électron-trou (semiconducteur) ou électron-ion (plasma). Le nouvel électron créé sert à son tour

d’agent d’ionisation. On définit un coefficient d’ionisation α qui représente le taux d’ionisation

associé aux électrons par unité de distance. Le premier coefficient de Townsend s’exprime (sous

forme réduite) par7:

α P = A exp − B E/P !

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