• Aucun résultat trouvé

5. Discussion

5.4 Comparaison à la littérature

Les motivations au changement.

L’objectif de notre étude n’était pas d’énumérer toutes les motivations à l’arrêt de l’exercice libéral, mais d’essayer de les comprendre en explorant le vécu de l’arrêt. Il est tout de même à noter que les raisons de cessation présentées par les médecins interrogés sont relativement similaires à celles retrouvées dans des travaux antérieurs.

L’étude qualitative de la DREES par Mme VEGA en 2007 a présenté comme raisons principales de cessation66 :

- Une charge de travail trop importante, notamment administrative

- Risque d’épuisement professionnel par dévalorisation de la vision du métier - Incapacité à moduler et tempérer les demandes des patients

- Manque de soutien des pouvoirs publics

66 V

EGA A., Les comportements de cessation d'activité des médecins généralistes libéraux, Tome 1. DREES : Série Etudes, décembre 2007, n° 73, 115 p..

127 - Charges financières lourdes et refus de la « course à l’acte »

- Opportunité de carrière

Il faut également citer les résultats de la thèse quantitative de Melle LEFEVRE réalisée en 2010 en Picardie qui retrouve des raisons de cessation proches67 :

- Manque de temps pour la vie privée - Intérêt pour une autre activité - Charge de travail excessive

- Exigences des patients consuméristes - Désaccord avec les politiques

- Raison de santé

Il est intéressant de constater que toutes les raisons de cessation d’exercice libéral sont globalement les mêmes que celles des jeunes médecins réticents à s’installer68.

L’épuisement professionnel, a aussi été évoqué chez 4 participants. Le risque de se surinvestir dans le travail, et de se faire « happé » par les demandes de certains patients est important en libéral et cause d’épuisement professionnel.

Le « manque de temps » est également souvent cité dans les entretiens, et le changement de statut est souvent source de « gain de temps ». Cette notion est retrouvée dans une étude concernant les médecins libéraux, réalisée en 2003 en Ile de France. Ainsi, le risque principal pour une installation est « le manque de temps pour la vie familiale et personnelle » et un généraliste sur trois estime que le manque de temps est le plus grave risque du métier69.

Enfin, cette étude confirme également la part importante de l’avis des proches dans la prise de décision. C’est le cas de M8 et M10 pour qui l’avis d’une amie et du conjoint respectivement ont influencé le changement. Pour M10, « …mes collègues qui quittent le libéral rural, c’est très

67 LEFEVREC. Cessations anticipées d’activité des médecins généralistes libéraux : étude entre 2000 et 2007 en Picardie.Thèse de doctorat en médecine. Université d’Amiens., 2010, 114 p.

68 ISNAR-IMG. Enquête nationale sur les souhaits d’exercice des internes de médecine générale. Résultats. Janvier 2011.

69 ALLEMAND H, TEITELBAUM J, LEVY D et BUI DANG HD. Les médecins libéraux en île de France : pratiques, difficultés, attente, propositions. Cah sociol démogr méd. 2003.

128

probablement pour leur conjoint, et pour la scolarité des enfants. A mon avis, le dévissage de plaque en rural c’est surtout pour cette raison ».

Le lieu d’exercice et le type de patientèle joue également un rôle. Un exercice en zone sous dotée, dans une région rurale sous médicalisée ou un quartier « difficile », associé à la prise en charge d’une population nombreuse, fragile ou précaire accentue les difficultés de la pratique.

Ces notions sont retrouvées dans l’étude d’Anne Véga sur les comportements de cessation d’activité réalisée en 2007.

Une attirance pour le salariat

Les données de cette étude confirment aussi l’attractivité du salariat chez les médecins généralistes. Ainsi, dix des médecins interrogés se sont naturellement orientés vers ce statut.

Le statut de salarié rassure et leur parait plus sécurisant. Il offre un cadre de travail, avec des horaires fixes, un salaire stable, indépendamment de la charge de travail. Il permet par le travail en équipe, l’échange des connaissances et la confrontation des idées. L’exercice est moins individuel.

Pour les jeunes médecins, le milieu hospitalier rassure car c’est un lieu d’apprentissage, qu’ils connaissent puisqu’ils y ont effectué la majorité de leur formation.

Les mesures d’améliorations proposées.

Le paiement à l’acte relie étroitement les revenus du médecin au nombre d’actes délivrés. Ce système est actuellement clairement remis en cause par les médecins interrogés.

Cette donnée est retrouvée dans différents sondages auprès de médecins installés mais également auprès des jeunes médecins. Ainsi, selon une étude réalisée par l’ISNAR-IMG en 201170, 78 % des

internes interrogés souhaitent voir évoluer les modes de rémunération, avec une majorité souhaitant l’introduction de forfaits aux côtés du traditionnel paiement à l’acte, contre seulement 22 % pour un salariat.

70 ISNAR-IMG. Enquête nationale sur les souhaits d’exercice des internes de médecine générale. Résultats. Janvier 2011, p.8.

129 Une restructuration du mode de rémunération parait nécessaire. Cet item est également retrouvé dans la thèse qualitative de Melle BLANCHARD71 en 2012.

Les autres propositions d’amélioration faites par les médecins interrogés sont comparables à celles proposées par d’autres études.

Le travail de thèse72 réalisé par Melle Maryline RAMOS DA CRUZ en 2013 en région Rhône Alpes a

retrouvé les mesures suivantes, qui sont semblables à celles évoquées dans notre étude : - Un allègement administratif

- Une meilleure rémunération des actes

- Une restructuration du mode de rémunération

- Une meilleure prise en compte par les autorités de tutelle - Une aide au regroupement et a la création de nouveau cabinet - Une diminution de la charge de travail

- Une facilité des remplacements

- Et enfin, une assistance de gestion et de comptabilité.

La reconversion professionnelle à la mode

Actuellement, la notion de bien-être au travail est omniprésente. La reconversion professionnelle, démarche qui vise à changer de métier ou de statut, est maintenant monnaie courante dans une carrière. Les parcours professionnels actuels sont marqués par la mobilité, et les français aspirent au changement, et veulent donner du sens à ce qu’ils font.

Un sondage réalisé par le groupe AEF (Agence Education et Formation) en 2017 dévoile que 28% des Français sondés se sont déjà reconvertis, soit un sondés sur trois73.

Ce changement d'horizon est généralement motivé par une des trois raisons suivantes : une quête de sens et l’envie de se rapprocher de ses valeurs, rebondir après un évènement professionnel indépendant de leur volonté, ou encore changer de poste par lassitude.

71 BLANCHARDT.Facteurs influençant les cessations précoces d’activité et les reconversions chez les médecins généralistes du Poitou-Charentes entre 40 et 60 ans. Thèse de doctorat en médecine. Université de Poitiers. 2012. 195 p.

72 MARYLINE RAMOS DA CRUZ, Déterminants à la cessation anticipée d’activité libérale des médecins généralistes de plus de 50 ans en région Rhône-Alpes: une analyse quantitative du phénomène, Thèse de Médecine, Université de Grenoble, avril 2014, 104 p.

130 Le « dévissage de plaque » des médecins libéraux s’inscrit aussi dans cette volonté de trouver et donner du sens à sa pratique.