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4.4 Propriétés statiques des fluctuations de l’interface

4.5.2 Comparaison à l’expérience

Déplacement quadratique moyen

L’étude précédente a révélé une diminution de l’amplitude des fluctuations ther-miques d’une interface entre deux fluides très visqueux sous l’effet du cisaillement. Cette suppression met en évidence un facteur numérique, qualifié d’universel, K = 0.084. L’expérience de D. Derks et de ses collaborateurs [17] sur les interfaces colloïdales a aussi permis de mesurer une diminution des fluctuations thermiques de l’interface. A priori, dans une première approximation, les résultats expérimen-taux peuvent être expliqués par le modèle hydrodynamique dérivé dans cette thèse puisque les hypothèses de travail sont vérifiées.

– A l’équilibre, les fluctuations thermiques sont surarmorties. Autrement dit, le nombre de Stokes St ∼ 10−7  1 est petit.

– Les effets visqueux dominent les effets inertiels, le nombre de Reynolds Re ∼ 10−7  1 est effectivement petit.

– De plus, les épaisseurs des fluides inférieur L1 = 50 µm et supérieur L2 = 350 µm sont importantes devant la longueur capillaire de l’interface lc = 2.6 µm en ce qui concerne la première série de mesures (échantillon A) et lc = 8 µm pour la seconde (échantillon B).

Néanmoins, parmi les points expérimentaux, seuls quelques-uns correspondent à la condition α < 1. Dans le but d’ajuster les données mesurées à plus grand α, on suppose que la correction quadratique est le développement de la forme valable à

α

D

e

h(˜r)2 (α)E/Dh(˜e r)2 (0)E

0 1 2 3 4

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

Figure 4.5 – Déplacement quadratique moyen adimensionné par sa valeur à l’équi-libre en fonction du paramètre de contrôle α. Les disques pleins (échantillon A) et les étoiles (échantillon B) correspondent aux mesures expérimentales [17], les lignes solides et pointillées rouges renvoient aux prédictions théoriques des éq. (4.14) et (4.10) avec Kthéo = 0.084. La courbe noire constituée de tirets représente l’éq. (4.14) avec Kfit = 0.246, et celle noire constituée alternativement de tirets et de points se réfère au modèle proposé par Derks et ses collaborateurs [17].

plus grand cisaillement

< eh2(˜r, ˜t) > (α) =< eh2(˜r, ˜t) > (0) 1

1 + Kα2 (4.14) Il s’agit de la forme fonctionnelle la plus simple, potentiellement valable à grand cisaillement. Fondamentalement, on aurait pu choisir n’importe quelle forme fonc-tionnelle positive à grand cisaillement et dont le développement à petit cisaillement redonne la correction quadratique (4.10). Sur la fig. 4.5, on compare la modification du déplacement quadratique moyen induit par le cisaillement prévue par le mo-dèle hydrodynamique avec les mesures expérimentales. En rouge sont représentées les conclusions du modèle hydrodynamique et en orange, les mesures expérimen-tales. On représente les données expérimentales avec deux conventions différentes, les points et les étoiles, pour distinguer les mesures sur l’échantillon A (points) des mesures sur l’échantillon B (étoiles).

La première remarque à faire concerne sans doute le fait que les deux séries de mesures expérimentales s’ajustent convenablement le long d’une même courbe lorsque le déplacement quadratique moyen modifié par le cisaillement, divisé par sa valeur à l’équilibre, est tracé en fonction de α. Il semble effectivement que le para-mètre de contrôle du cisaillement α mis en évidence par l’analyse hydrodynamique décrive de manière appropriée l’influence de l’écoulement de Couette plan. Seule une mesure expérimentale s’éloigne un peu de la courbe où s’aligne les autres mesures expérimentales : il s’agit de la mesure représenté par la 3ème étoile en partant de la gauche. Le déplacement quadratique moyen mesuré diffère de 16% par rapport à celui qui s’alignerait sur la courbe. Cependant, rappelons que dans cette série de mesures, le déplacement quadratique moyen est de l’ordre de 0.1 µm2, qui s’associe à une rugosité de 0.3 µm. Ainsi, un seul colloïde (rayon de 71 nm) entraîne une variation d’environ 20% de la rugosité. Le décalage d’une seule mesure expérimen-tale s’explique alors aisément. Ensuite, on observe une diminution du même ordre de grandeur entre l’analyse théorique et les mesures expérimentales.

Néanmoins, il est vrai que si l’on effectue une régression linéaire (toujours effec-tuée à l’aide de Mathematica 7.0) de la quantité [< eh2 > (0)− < eh2 > (α)]/[< eh2 > (0)]calculée à partir des données expérimentales en fonction de α2, on obtient le facteur numérique expérimental Kfit = 0.246, soit environ trois fois la valeur atten-due. Le modèle hydrodynamique sous-estime environ d’un facteur 3 la suppression de la rugosité interfaciale observée sous l’influence du cisaillement.

Cependant, le modèle hydrodynamique présente quelques ingrédients qui de-vraient pouvoir le confirmer expérimentalement. L’étude analytique introduit un taux de cisaillement effectif ˙γeff qui diffère du taux de cisaillement appliqué ˙γapp. Dans la configuration de l’expérience, ˙γeff/ ˙γapp ' 0.8. Maintenant, supposons que l’expérience soit rééditée dans les mêmes conditions à l’exception des épaisseurs des fluides qui sont inversées de manière à être L1 = 350 µm et L2 = 50 µm, alors le rapport ˙γeff/ ˙γapp ' 1.2 est modifié : pour un même cisaillement appliqué, α est

augmenté de 50%. La modification du déplacement quadratique moyen qui s’en-suit devrait être suffisamment prononcée pour être observée expérimentalement. La mesure de cette modification serait une confirmation du modèle hydrodynamique. Corrélations spatiales

En plus du déplacement quadratique moyen, les mesures ont porté sur les fonc-tions de corrélafonc-tions spatiales. Quelques caractéristiques théoriques sont corroborées par des simulations de dynamique moléculaire [44, 46]. Dans l’espace de Fourier, les deux approches aboutissent au fait que le facteur de structure n’est pas affecté par le cisaillement dans la direction de la vorticité. Dans l’espace réel, elles s’accordent sur la tendance d’une longueur de corrélation décroissante en fonction du cisaille-ment selon la direction de l’écoulecisaille-ment. Cependant, ce dernier résultat est plutôt en contradiction avec les mesures de Derks et ses collaborateurs : ils observent une lon-gueur de corrélation qui augmente avec le cisaillement. Cette constatation vient de l’ajustement des corrélations spatiales par la même forme fonctionnelle qu’à l’équi-libre, soit la deuxième fonction de Bessel modifiée K0, ce qui signifie que la remarque concernant le sens d’évolution de la longueur de corrélation provient de mesures à courte distance. Au contraire, comme le souligne la représentation en échelle lo-garithmique des fonctions de corrélations théoriques, notre conclusion découle des comportements asymptotiques des fonctions de corrélation. A courte distance, les modifications des fonctions de corrélation sous cisaillement sont trop faibles pour être remarquées, au contraire de ce qui est mesuré.

Dans la suite, on établit la liste des points qui peuvent soulever des questions entre l’expérience sur les interfaces colloïdales et la théorie hydrodynamique.