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Partie II : Modélisation des fissures de délaminage

Chapitre 10. Modélisation de l’essai de compression latérale

10.2. Comparaison à l’expérience

15 20 0 0,4 0,8 1,2 1,6 θ (rad) σr θ ( M P a ) numérique (r=22,6 mm) analytique (r=22,6 mm)

Figure 68. Comparaison des contraintes de cisaillement transverse théoriques et modélisées aux éléments finis dans la zone interlaminaire la plus sollicitée

Avec le modèle présenté Figure 64, les hypothèses de la théorie classique des stratifiés conduisent rapidement à des contraintes tangentielles maximales en θ=0 et θ=π/2 (Figure 67). La résolution de l’équation d’équilibre aux dérivées partielles (162) donne des contraintes de cisaillement maximales en θ=0 (Figure 68). Vérifions maintenant par l’expérience si le modèle suffit ou non à prévoir le locus d’endommagement des tresses 2D et 3D.

10.2. Comparaison à l’expérience

En ce qui concerne les essais quasi-statiques de compression latérale d’anneaux 2D et 3D, ils ont été réalisés sur la machine de traction du Laboratoire de Mécanique des Matériaux et Structures de l’Université Claude Bernard Lyon 1. L’acquisition des données (temps, force, déplacement) a été effectuée au taux de un point par seconde. Trois anneaux provenant de chaque tube 2D et 3D ont été écrasés à la vitesse de 2mm/min, avec une précharge de 10daN, les essais étant stoppés peu après que les parois internes n’entrent contact.

Les courbes force déplacement obtenues pour le tube 3D montrent une bonne répétabilité (Figure 69), tous les anneaux testés possédant un domaine élastique linéaire compris entre 0 et 200 daN environ, avec une rigidité moyenne de 59 daN/mm, puis une perte de rigidité jusqu’à ce que la force de compression

atteigne une valeur plateau d’environ 250 daN, pour un déplacement compris entre environ 10 mm et 15 mm. 0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 5 10 15 20 25 30 35 40 déplacement (mm) fo rc e ( d a N ) 3D1 3D2 3D3

Figure 69. Courbes force déplacement des trois anneaux 3D en compression latérale à 2mm/min et photographie d’un essai

La transition linéaire-non-linéaire du tube 3D s’accompagne de la formation de deux rotules plastiques sur l’axe vertical (i.e. situées aux deux points de contact avec les plateaux). Au delà de 15 mm de déplacement, la rigidité revient environ au tiers de sa valeur initiale soit 20 daN/mm. Pour un déplacement supérieur ou égal à 30 mm, les courbes présentent une perte de force soudaine qui s’accompagne d’une rupture fragile en flexion des fibres situées sur l’axe horizontal de l’anneau, ce qui provoque l’apparition de deux nouvelles articulations (Figure 70). Ce phénomène est le dernier observé avant l’arrêt des essais, et correspond à un pic de force à 330 daN en moyenne.

Figure 70. Empreintes scanner après retrait de la charge des anneaux 3D testés Contrairement au cas 3D, le 2D est moins répétable (Figure 71), excepté dans le domaine élastique linéaire qui se situe approximativement entre 0 et 200 daN, avec une rigidité de 60 daN/mm en moyenne. La perte de rigidité en fin de domaine élastique est similaire à celle observée dans le cas des anneaux 3D mais se ponctue par une soudaine perte de force de compression qui dans deux cas sur

3D1 3D2 3D3

trois chute à environ 175 daN après avoir atteint un pic à environ 220 daN pour un déplacement de 5 mm environ. Après ce pic la charge atteint de nouveau un plateau à 200 daN et se maintient jusqu’à environ 20 mm, après quoi elle se dégrade en escalier pour atteindre une valeur comprise entre 150 daN et 175 daN en fin d’essai. 0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 5 10 15 20 25 30 35 40 déplacement (mm) fo rc e ( m m ) 2D1 2D2 2D3

Figure 71. Courbes force déplacement des trois anneaux 2D en compression latérale à 2mm/min

Le pic marquant la fin du domaine élastique correspond à la formation de quatre rotules plastiques symétriques par rapport à l’axe du tube, reliées entre elles par des fissures de délaminage (Figure 72). Ce mode de déformation a été observé par Gupta et Abbas lors de l’écrasement latéral de tubes composites verre/époxy à renfort 2D [GUPT(2000)]. L’une des éprouvette 2D présente un retard à la formation de deux rotules qui se traduit par une perte de rigidité de 40 daN/mm environ à la fin du domaine plastique, pour atteindre une valeur de force seuil à 250 daN pour un déplacement de 15 mm, puis avec un décroissance de 20 daN/mm revenir à une force de 220 daN pour un déplacement de 25 mm. A cette position une soudaine chute de force de compression est observée, avec la formation des deux rotules manquantes, et l’essai se termine comme pour les deux autres éprouvettes, entre 150 et 175 daN.

Figure 72. Empreintes scanner après retrait de la charge des anneaux 2D testés

2D1 2D2 2D3

Dans l’intervalle d’observation où la comparaison est possible, fixé arbitrairement entre 0 et 32 mm, (à cause du contact entre les parois internes de l’anneau qui intervient toujours au delà de 32 mm) que ce soit pour un composite 2D ou 3D, le domaine élastique participe pour une faible part à l’absorption d’énergie, qui est principalement due à la dissipation d’énergie par les rotules pseudo-plastiques globalement entre 4 et 32 mm. Sur la Figure 73 montrant l’énergie absorbée en fonction du déplacement pour les différentes éprouvettes testées, on peut constater la supériorité systématique de la solution 3D.

La description du scénario d’apparition des rotules est nécessaire pour modéliser leur mode de dissipation d’énergie, qui est principalement lié à l’architecture du renfort, puisque la seule différence se situe à ce niveau.

L’endommagement de la matrice correspond à une coalescence progressive de défauts préexistants et de défauts créés pendant le chargement élastique du tube. L’influence de la dégradation de la matrice sur la rigidité globale, imperceptible dans le domaine élastique, peut prendre soudainement une ampleur catastrophique dans le cas du 2D (pic de force), ou augmenter graduellement dans le cas du 3D. Afin de comparer les scénarios d’endommagement internes, une éprouvette de chaque catégorie a été écrasée puis polie pour rendre la section de tube observable au microscope optique (Figure 74). Deux éprouvettes non endommagées ont été également polies pour servir de témoin de comparaison. Les mèches du 2D ont une forme étirée par rapport au mèches du 3D à cause de leur mise en œuvre qui permet de consolider les préformes textiles 2D individuellement et successivement les unes sur les autres. 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000 0 10 20 30 40 déplacement (mm) é n e rg ie a b s o rb é e ( d a N .m m ) 2D1 2D2 2D3 3D1 3D2 3D3

Figure 73. Energies absorbées en fonction de l’amplitude du déplacement lors d’essais de compression latérale d’anneaux 3D et 2D à 2mm/min

Figure 74. Différente évolution de l’endommagement suivant l’architecture du renfort à l’intérieur des rotules (a.2D intact ; b.2D endommagé ; c.3D intact ; d.3D endommagé) agrandissement 10 fois

Les photographies ont été prises au niveau de l’une des rotules situées sur l’axe vertical pour le 3D, et au niveau de la rotule la plus proche de cet axe pour le 2D. Elles mettent en valeur l’influence de l’architecture du renfort sur l’endommagement de la matrice. L’endommagement du 2D est une fissure de délaminage par décohésion interfaciale de la matrice entre deux mèches, et l’on constate que la fissure est béante, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de contact entre les parois. L’endommagement de la matrice du 3D est également localisé dans les zones de contact entre mèches, cependant les parois des fissures sont beaucoup plus proches voire localement en contact. De plus, la présence dans le 3D de fissures liées à une rupture locale en flexion de la matrice montre qu’il y a toujours, malgré l’endommagement de la matrice en cisaillement, un transfert de charges dans le sens de l’épaisseur, absent dans le 2D. Au contraire, la fissure de délaminage du 2D divise la section en deux portions indépendantes d’inertie réduite, ce qui a pour conséquence de relaxer les contraintes aux parois. Les fibres dans la troisième direction spatiale du 3D empêchent l’écartement des parois et provoquent une dissipation importante d’énergie par frottements internes lors d’un déplacement imposé.

a b

d c

Le modèle de champ de contraintes planes basé sur la théorie des stratifiés en coordonnées polaires avec cisaillement transverse semble suffire pour prévoir le locus d’endommagement d’un quadrant de tube à renfort tressé 3D en compression latérale, mais il en est tout autrement des renforts tressés 2D.

Figure 75. Résultats expérimentaux typiques sur anneaux 2D et 3D

En effet, la théorie prévoit des contraintes maximales de traction, compression et cisaillement en θ=0 et θ=π/2. Le profil de déformation du 3D présente des rotules pseudo-plastiques liées à une accumulation symétrique de défauts en θ=0 et θ=π/2 tandis que la déformation post-rupture du 2D est anti-symétrique et se caractérise par l’apparition de nombreuses fissures de délaminage dont deux majeures (Figure 75).

En opposition la création de défauts sous l’action du cisaillement transverse et de la flexion dans le composite 3D ne conduit pas à une fissure majeure car la coalescence est freinée par les fibres orientées dans la direction transverse. L’endommagement reste diffus, bien que davantage concentré en θ=0 et θ=π/2, ce qui se traduit par la distinction d’une phase I élastique, d’une phase II pseudo-plastique et d’une phase III d’écrouissage dans la relation force écrasement. La modélisation d’un tel scénario de rupture conduit à l’emploi de fonctions continues de dégradation de propriétés de type E=E0(1-D) distribuées au droit des rotules pseudo-plastiques. E0 est la valeur initiale du module du matériau sain, et D est la valeur comprise entre zéro et un de sa dégradation

fonction d’une ou plusieurs variables d’endommagement. Un exemple de fonction de dégradation dépendant du taux de cisaillement est proposé dans [CALM(2005)#1] pour un tube composite à renfort tressé 3D.

Figure 76. Image scannée de la tranche d’un tube composite carbone-époxy à tresse 2D ayant subi une compression latérale jusqu’à rupture. Les fissures de délaminage majeures se sont propagées principalement suivant les θ croissants. En pointillés : axes de symétrie du chargement initial

Pour décrire en détail le scénario de rupture de l’architecture textile sujette au délaminage, nous devons d’abord traiter la question de l’amorçage qui semble intervenir à l’issue du domaine élastique linéaire (transition entre la phase I élastique et la phase II pseudo-plastique Figure 75). Cette connaissance préalable du lieu d’amorçage est indispensable si l’on veut modéliser l’endommagement fragile du quadrant sous la forme d’une fissuration majeure dont on connaît la position géométrique et le sens de propagation (Figure 76). Puisque la conception des éprouvettes est axisymétrique, le profil de rupture majoritairement antisymétrique ne peut s’expliquer que par la forme de la distribution de contraintes élastiques appliquée. La simulation numérique aux éléments finis a notamment révélé au niveau de la zone de contact un écart important avec les premières évaluations théoriques. Plus particulièrement, la présence d’un extremum local de contraintes de cisaillement transverse désaxé par rapport au sens de chargement a été suggérée par l’allure des résultats numériques Figure 68. Nous allons maintenant tenter de construire une démarche analytique permettant de modéliser cette allure particulière de la distribution de contraintes. Elle semble liée à la non prise en compte des contraintes de compression transverse aux parois dans le chargement appliqué.

θ ≈ 0

θ ≈ π/2

θ ≈ π θ ≈ 3π/2

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