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CEDEX, France

3.3. Comparaison faune vivante/faune morte

Les rapports entre faune vivante et faune morte (rapports L/D, Living/Dead, Jorissen & Wittling, 1999) ont été calculés pour toutes les espèces majoritaires (i.e. en proportion >5 %) dans au moins une station, dans la faune vivante ou fossile.

Certaines espèces agglutinées sont souvent sous-représentées dans la faune morte à cause de la désintégration rapide de leur test (e.g. Bizon & Bizon, 1985), c’est pourquoi les calculs suivant ne tiennent pas compte des espèces non-fossilisables (e.g. Cribrostomoides spp., Reophax spp., Trochammina spp., Haplophragmoides spp.). Ainsi, pour la faune vivante et pour la faune morte, les espèces non-fossilisables ont été retirées des tableaux de données, et de nouveaux pourcentages ont été calculés pour la faune restante, c’est à dire les espèces fossilisables. Ces pourcentages corrigés ont été utilisés pour calculer les rapports L/D. Un rapport supérieur à 1 signifie que l’espèce est présente en plus fort pourcentage dans la faune vivante, et à l’inverse, si le rapport est inférieur à 1, cela signifie que l’espèce est mieux représentée dans la faune morte. Ces différences peuvent avoir plusieurs raisons, en fonction des processus qui interviennent lors du passage de la faune vivante à la faune fossile (Murray, 1991) et ces processus ne sont pas identiques selon les espèces:

(1) La préservation est différente d’une espèce à l’autre en fonction de la fragilité du test, ce qui concerne beaucoup d’espèces agglutinées, comme décrit plus haut. De plus, de nombreuses espèces calcaires peuvent être assujetties à la dissolution. Des espèces à test épais et robuste sont censées être plus résistants que les espèces à test fragile.

(2) Le taux de renouvellement peut également différer d’une espèce à l’autre. En général, les espèces opportunistes se reproduisent rapidement après avoir reçu de la nourriture, alors que les espèces dites d’équilibre ont une durée de vie plus longue et se renouvellent moins rapidement.

(3) Il y a également des différences saisonnières de reproduction entre les espèces, et un échantillonnage unique peut mener à une sous- ou sur-représentation de l’espèce dans la faune vivante en fonction des mois d’échantillonnage.

Les rapports L/D sont montrés en Tableaux 3a-f . Station A (1000 m) L D L/D Globobulimina affinis 34,3 Hoeglundina elegans 6,5 2,5 2,6 Melonis barleeanus 1,5 14 0,1 Nuttalides umboniferus 6,8 1,3 5,4 Uvigerina mediterranea 11,3 25 0,4 Uvigerina peregrina 21,3 44 0,5

Tableau 3a. Rapports L/D (% Faune vivante/% Faune morte) des espèces dominantes pour la station A.

A la station A nous distinguons deux types d’espèces différant dans leur rapport L/D:

- les espèces Globobulimina affinis, Hoeglundina elegans et Nuttalides umboniferus qui présentent des rapports L/D largement supérieurs à 1 ;

- les espèces Melonis barleeanus, Uvigerina mediterranea et Uvigerina peregrina qui à l’inverse sont bien moins représentées dans la faune vivante que dans la faune morte.

Station F (1200 m) L D L/D Bulimina inflata 1,0 11,5 0,1 Cibicidoides robertsonianus 7,6 1,1 7,0 Hoeglundina elegans 11,4 Melonis barleeanus 6,7 11,5 0,6 Uvigerina mediterranea 4,8 13,7 0,4 Uvigerina peregrina 39,0 46,4 0,8 Quinqueloculina seminula 6,7

Tableau 3b. Rapports L/D (% Faune vivante/% Faune morte) des espèces dominantes pour la station F.

Pour la station F nous distinguons 3 groupes d’espèces :

- Cibicidoides robertsonianus, qui a une proportion relative bien supérieure dans la faune vivante que dans la faune morte, et Hoeglundina elegans et Quinqueloculina seminula qui sont totalement absentes de la faune morte.

- Bulimina inflata qui à l’inverse est très peu présente dans la faune vivante comme le témoigne son rapport L/D égal à 0,1

- Melonis barleeanus, Uvigerina mediterranea et U. peregrina qui ont des rapports L/D compris entre 0,4 et 0,8, témoignant d’une proportion légèrement plus importante dans la faune morte que dans la faune vivante.

Station FP11 (1600 m) L D L/D Bulimina inflata 3,4 22,4 0,2 Cibicidoides kullenbergi 27,7 21,1 1,3 Cibicidoides robertsonianus 3,8 3,4 1,1 Gavelinopsis translucens 5,5 3,4 1,6 Gyroidina orbicularis 5,8 5,4 1,1 Hoeglundina elegans 24,0 2,0 11,8 Melonis barleeanus 2,1 6,1 0,3 Uvigerina peregrina 8,2 33,3 0,2 Pyrgo elongata 5,5

Tableau 3c. Rapports L/D (% Faune vivante/% Faune morte) des espèces dominantes à la station FP11.

Pour la station FP11 nous distinguons également trois groupes d’espèces :

- Cibicidoides kullenbergi, C. robertsonianus, Gavelinopsis translucens et Gyroidina

orbicularis qui ont à peu près la même proportion dans la faune vivante et dans la faune morte

et donc un rapport L/D proche de 1.

- Bulimina inflata, Uvigerina peregrina et Melonis barleeanus qui sont beaucoup moins représentées dans la faune vivante que dans la faune morte (rapports L/D < 0,3).

- Hoeglundina elegans et Pyrgo elongata qui sont respectivement presque absente (2 %) et absente de la faune morte et ont de ce fait des rapports L/D bien supérieur à 1.

Station H (2000 m) L D L/D Bulimina inflata 1,9 13,6 0,1 Gyroidina orbicularis 11,3 6,9 1,6 Hoeglundina elegans 36,5 0,8 47,3 Uvigerina peregrina 28,3 65,8 0,4

Tableau 3d. Rapports L/D (% Faune vivante/% Faune morte) des espèces dominantes pour la station H.

A la station H,

- Bulimina inflata et Uvigerina peregrina sont bien plus représentées dans la faune morte que dans la faune vivante (L/D respectivement 0,1 et 0,4)

- Gyroidina orbicularis est moins présente dans la faune morte (rapport L/D=1,6) - Hoeglundina elegans est quasiment absente de la faune morte alors qu’elle est majoritaire dans la faune vivante.

Station FP1 (2400 m) L D L/D Bulimina alazanensis 15,5 19,4 0,8 Bulimina inflata 8,1 10,4 0,8 Hoeglundina elegans 7,3 3,7 2,0 Uvigerina peregrina 7,3 30,6 0,2

A la station FP1,

- Bulimina inflata et B. alazanensis sont un peu moins présentes dans la faune vivante que dans la faune morte, alors que Uvigerina peregrina est bien moins présente dans la faune vivante que dans la faune morte

- Hoeglundina elegans est légèrement mieux représentée dans la faune vivante que dans la faune morte (rapport L/D = 2).

Station FP2 (4800 m) L D L/D Cibicides wuellerstorfi 4,7 7,1 0,7 Epistominella exigua 4,7 35,7 0,1 Gyroidina orbicularis 1,2 11,4 0,1 Melonis pompilioides 8,1 11,4 0,7 Melonis zaandamae 1,2 5,7 0,2 Nuttalides umboniferus 20,9 Oridorsalis umbonatus 4,7 11,4 0,4 Quinqueloculina seminula 10,5 Eggerella bradyi 33,7 6,4 5,3

Tableau 3f. Rapports L/D (% Faune vivante/% Faune morte) des espèces dominantes pour la station FP2.

Enfin à la station FP2, nous pouvons distinguer :

- Epistominella exigua et Melonis zaandamae ont des rapports L/D très inférieurs à 1, témoignant d’une proportion plus importante dans la faune morte que dans la faune vivante.

- Cibicides wuellerstorfi, Melonis pompiliodes, Oridorsalis umbonatus, dont la proportion dans la faune morte est légèrement plus importante que dans la faune vivante.

- Nuttalides umboniferus est absent de la faune morte et Eggerella bradyi est beaucoup moins représenté dans la faune morte que dans la faune vivante (rapport L/D =5)

De tous ces résultats (résumés dans le tableau 4) nous pouvons tirer quelques observations systématiques :

- Hoeglundina elegans est toujours beaucoup moins représentée dans la faune morte que dans la faune vivante. Ceci peut être dû à une faible préservation de son test aragonitique, plus sensible à la dissolution que les autres espèces.

- les espèces porcelanées telles que Pyrgo spp. et Quinqueloculina seminula sont absentes ou présentes en faibles quantités dans la faune morte, probablement à cause de leur tests facilement dissolubles.

Dans ces deux cas, la préservation semble être le principal facteur expliquant les différences mort/vivant et aucune conclusion écologique valable ne peut être tirée de ces comparaisons.

A (1000 m) F (1200 m) FP11 (1600 m) H (2000 m) FP1 (2400 m) FP2 (4800 m) Bulimina alazanensis 0,8 Bulimina inflata 0,1 0,2 0,1 0,8 Cibicides wuellerstorfi 0,7 Cibicidoides kullenbergi 1,3 Cibicidoides robertsonianus 7,0 1,1 Epistominella exigua 0,1 Gavelinopsis translucens 1,6 Globobulimina affinis Gyroidina orbicularis 1,1 1,6 0,1 Hoeglundina elegans 2,6 ∞ 11,8 47,3 2,0 Melonis barleeanus 0,1 0,6 0,3 Melonis pompilioides 0,7 Melonis zaandamae 0,2 Nuttalides umboniferus 5,4 ∞ Oridorsalis umbonatus 0,2 0,4 Uvigerina mediterranea 0,4 0,4 Uvigerina peregrina 0,5 0,8 0,2 0,4 Pyrgo elongata Quinqueloculina seminula Eggerella bradyi 5,3

Tableau 4. Tableau récapitulatif des rapports L/D des principales espèces du transect. Les ∞ correspondent aux rapports non mesurables des espèces présentes dans la faune vivante mais absentes de

la faune morte.

Pour les autres espèces, en revanche, dont la préservation du test devrait être importante, les explications les plus plausibles sont plutôt les différences de taux de renouvellement et de période de reproduction.

- l’espèce Bulimina inflata est toujours beaucoup moins représentée dans la faune vivante que dans la faune morte (rapport L/D très inférieur à 1), suggérant un taux de renouvellement élevé.

- les espèces Uvigerina mediterranea, Uvigerina peregrina, Melonis barleeanus sont toujours un peu moins représentées dans la faune vivante que dans la faune morte (rapport L/D compris entre 0,1 et 0,8). Ces espèces ont un test très robuste, il est probable que leur bonne préservation cause une légère augmentation de leur pourcentage dans la faune morte, mais ces espèces pourraient également avoir des périodes de reproduction irrégulières, non représentées par notre échantillonnage, témoignant d’un comportement opportuniste.

- les espèces C. kullenbergi, C. robertsonianus, G. translucens et G. orbicularis sont en général trouvées dans des proportions légèrement plus élevées dans la faune vivante. Ceci pourrait indiquer que nous avons échantillonné pendant leur période de reproduction.

4.DISCUSSION

Fontanier et al. (2002) ont établi les densités, la composition spécifique, ainsi que les microhabitats des faunes vivantes dans 5 stations situées sur la pente continentale du Golfe de Gascogne, de 150 à 2000 m de profondeur. Nous avons rajouté les résultats des faunes vivantes de nos trois stations situées à 1600 m, 2400 m et 4800 m afin de dégager de façon plus précise l’impact du flux de matière organique sur la répartition des faunes. Les faunes mortes de toutes les stations profondes (de 1000 m à 4800 m) ont également été étudiées afin d’obtenir des informations écologiques.