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Comparaison des résultats aux données de la littérature

Répartition des scores à l’indice d’incapacité non paroxystique (graphique 2)

I. Comparaison des résultats aux données de la littérature

1. Epidémiologie

Notre cohorte semble présenter une fréquence plus importante d’individus de sexe masculin, tout en considérant des résultats très variés dans les études internationales ; dans les pays asiatiques, le sex-ratio est similaire au notre 7,45, tandis que pour les études européennes et américaines, la proportion hommes-femmes semble égale

ou légèrement inférieure (sex-ratio de 0,80 à 1) 5,9,11,12,87.

Très peu d’études s’intéressent aux antécédents néonataux et à l’histoire anténatale ; globalement, il ne semble pas y avoir, comme dans notre étude, d’évènements particuliers relatés à cette période de la vie des patients. Parmi les grandes études de cohorte, on retrouve une population française similaire à la nôtre en terme d’effectifs (23 patients dans l’étude de Sweney de 2009 12), à l’exception des deux études de Panagiotakaki de 2010 11 (54

patients dans l’étude) et 2015 5, qui comprend, sur une cohorte de 155 individus, près de 57 patients français.

Dans ces mêmes études, l’âge à l’inclusion varie de quelques mois de vie à plus de 30 ans d’âge, ce qui est également le cas dans notre étude.

2. Manifestations paroxystiques

Notre étude met en évidence une survenue des premiers symptômes hémiplégiques à un âge médian de 5,5 mois, ainsi qu’une survenue précoce des signes oculaires et toniques (âge médian 2 mois) souvent bien avant la survenue des accès d’hémiplégie eux-mêmes, ce qui est confirmé dans d’autres articles (81% d’hémiplégie débutant avant l’âge de 12 mois et 70% de mouvements oculaires anormaux avant 4 mois dans les études de Yang 2014 7 et de Rosewich 2014 87 ; constat de mouvements oculaires anormaux dès l’âge de 2 mois et demi

dans la cohorte de Sweney 2009 12).

Les accès hémiplégiques concernent dans les différentes études 80 à 100% des patients. Ils semblent survenir de façon mensuelle et hebdomadaire, plus rarement quotidienne ; leurs durées s’étalent de quelques heures à plusieurs jours, dans des proportions très variables, ce qui est également le cas pour notre travail. Les accès de quadriplégie sont constatés dans 87% des cas 11, ce qui semble être cohérent avec les résultats de notre étude.

L’efficacité du sommeil dans la disparition des troubles paroxystiques est constatée, comme dans notre étude, dans plus de 80% des cas.

3. Manifestations non paroxystiques

Le pourcentage de patients touchés par une épilepsie est équivalent à celui des études américaines et européennes 11,12,87, alors que les études asiatiques en mettent en évidence seulement 17%, mais avec une forte

prévalence des états de mal convulsifs (jusqu’à 42,4%) 45.

Dans notre étude, la proportion de patients atteints de mouvements anormaux et d’hypotonie semble correspondre à la littérature, de même que la survenue de signes végétatifs, qui oscille entre 25 et 65%. Les symptômes végétatifs sont représentés essentiellement par des changements de teint, une dysrégulation thermique, des accès de tachy / bradycardie. On compte plus de patients autonomes pour la marche (45,7%), ou nécessitant une aide humaine / technique (27, 3%) dans notre étude que dans le reste de la littérature, ce qui peut être interprété par une prise en charge plus précoce et plus bénéfique sur le plan rééducatif que dans d’autres pays étudiés.

La déficience intellectuelle ou le retard neuro-développemental sont quasiment identiques dans chaque article étudié, avec une proportion comprise entre 90 et 100% selon les cohortes. Toutefois, les troubles du comportement semblent plus fréquents dans notre cohorte (68,2% versus 39,8% dans l’étude de Sweney 12 et

52% dans l’étude de Jasien 28).

4. Scolarité et rééducations

La cohorte d’E. Panagiotakaki et al dans Brain 2010 11 semble sévèrement impactée dans la scolarité puisque la

pathologie entraîne une réduction modérée à sévère des activités scolaires et extrascolaires chez 64% des enfants. Sur les 37 adultes recensés, 54% ne pouvaient avoir d’emploi, 35% travaillaient en milieu protégé et seulement 3% avaient un emploi ordinaire en autonomie. Notre étude ne retrouve que 9% de patients en cursus scolaire ordinaire et 50% de patients en institution dont près d’un tiers (les patients les plus âgés) en milieu protégé (IMPro / MAS) avec un emploi probable. Toutefois, il est difficile de comparer ces données car l’étude de Panagiotakaki ne précise pas le type de structures d’accueil des patients.

De même, il n’est pas possible de commenter la prise en charge rééducative de nos patients du fait de la variabilité et la différence des structures et des rééducations liées au pays considéré. Peu d’études semblent s’intéresser à l’impact de la maladie sur la vie quotidienne et notamment scolaire ou professionnelle.

5. Thérapeutiques

Dans toutes les études, la majorité des patients reçoit un traitement polymédicamenteux ; la Flunarizine est employée dans 60 à 80% des cas, avec une efficacité avérée sur la réduction de la fréquence et de l’intensité des signes cliniques dans 30 à 60% des cas. La prescription d’anti-épileptiques semble équivalente à celle de la Flunarizine.

Dans notre cohorte, ce sont les anti-épileptiques qui sont le plus fréquemment employés (91%), puis la Flunarizine (77%). Cette différence modérée peut être expliquée par la présence concomitante d’une épilepsie nécessitant un traitement pour la moitié de la population, mais aussi du fait de la possibilité d’un diagnostic de manifestations épileptiques posé à tort, avant d’avoir eu la confirmation qu’il s’agissait d’une hémiplégie alternante. Les autres traitements (régime cétogène, neuroleptiques…) sont utilisés de manière trop épisodique dans l’ensemble des études pour présenter un intérêt franc.

Comme précisé plus haut, l’efficacité des différents traitements utilisés dans notre population n’a pas pu être étudiée, du fait de la méthodologie et du questionnaire à visée des parents / des patients eux-mêmes, rendant l’évaluation trop subjective.

6. Caractéristiques génétiques

On retrouve la prédominance des mutations D801N et E815K dans notre étude avec des pourcentages similaires à ceux des études de cohorte existantes 5,7,45. La transmission de novo est constatée dans 90 à 100% des cas ;

dans notre étude, ce taux n’est estimé qu’à 73%, mais il manque des données génétiques familiales, soit parce que les familles n’ont pas bénéficié de recherche de mutation, soit parce que leurs résultats n’ont pas été rendus accessibles. Toutefois, après interrogatoire de chaque famille, il s’avère qu’il n’existe cliniquement aucune atteinte chez d’autres membres apparentés, ce qui laisse supposer que la transmission de novo avoisine les 100% également.

7. Imageries cérébrales et corrélations statistiques

Nos résultats montrent un taux d’IRM cérébrales anormales dans 54,5% des cas, ce qui représente une forte proportion d’anomalies IRM par rapport aux données de la littérature. En effet, un petit nombre d’études (de cohorte ou case-report) a déjà relaté l’existence d’anomalies IRM : Bourgeois et al. 3 rapportait en 1993 quelques

cas d’atrophie corticale modérée ; Saito et al 63 , Giacanelli et al 64, Sasaki et al 67, Sakuragawa et al 15 rapportaient

neurologique associée ; Sweney et al 12 a rapporté sur sa cohorte de 2009 trois cas d’atrophie corticale globale,

un cas d’atrophie cérébelleuse et deux cas d’atteinte hippocampique ; Ai Huey et al 65 décrit début 2019

l’existence d’anomalies de la substance blanche dans une étude cas témoins (un cas pour vingt cinq témoins), sans association significative.

Les anomalies retrouvées dans notre étude sont à 91,6% des anomalies du ruban cortical. C’est l’atrophie corticale, souvent à prédominance fronto-temporale, qui est la plus fréquente (81%). Les anomalies de la gyration de type polymicrogyrie (18% dans notre étude) semblent avoir déjà été rapportées, mais il s’agit vraisemblablement de données d’un patient appartenant à notre cohorte 11. Les anomalies cérébelleuses et la

sclérose hippocampique, déjà décrites dans la littérature, représentent respectivement 8,3% et 18% de la cohorte. Les anomalies du corps calleux, évaluées à 16,5% dans notre étude, ne semblent pas avoir déjà été référencées par le passé.

Peu d’articles semblent présenter des hypothèses pouvant expliquer la présence de ces anomalies. Des pistes portant sur des étiologies métaboliques ont été évoquées (métabolisme de la choline, accumulation lipidique 64,66) mais sans confirmation à ce jour ; il a également été décrit que ces lésions pouvaient être la

conséquence d’évènements hypoxiques (vasospasmes éventuellement liés à un tableau migraineux) ou d’états de mal épileptiques, sans pour autant en comprendre les mécanismes.

L’étude de Sasaki en 2017 61, portant sur une cohorte de 14 patients japonais, a révélé des anomalies à l’IRM

cérébrale chez 10 d’entre eux ; il était recensé 7 cas sévères et progressifs présentant l’association d’une atrophie cérébelleuse, hippocampique et du cortex frontal ; ainsi que 3 cas plus modérés d’atrophie cérébelleuse et d’œdème hippocampique post état de mal épileptique (dans le détail, 10 patients avec atrophie cérébelleuse, 7 avec atrophie corticale frontale et 8 avec sclérose hippocampique). Sachant que l’expression du gène ATP1A3 a lieu dans le faisceau pyramidal, le cortex frontal, les noyaux gris centraux, les hippocampes et les cellules de Purkinje au niveau cérébelleux, l’hypothèse de Sasaki et al était que la perte de fonction de la sous unité α3 de la pompe ATPase Na+/K+, conjuguée à sa grande sensibilité à l’hyperthermie et aux états de mal épileptiques,

est responsable d’une détérioration progressive du tissu cérébral avec l’apparition d’une atrophie. Cette hypothèse est plausible, au vu de nos résultats, mais il n’existe pas encore d’explication physiopathologique précise. Une étude neuro-anatomopathologique 88 a étudié le tissu cérébral de patients atteints de RDP (Dystonie

Parkinsonisme à début Précoce), proche de l’HAE sur le plan génétique. Elle conclut à cette même possibilité d’existence d’agents (mutations génétiques, facteurs exogènes ou épigénétiques) pourvoyeurs de dysfonctionnement supplémentaire de la pompe ATP1A3. Les modèles animaux semblent retrouver l’atrophie cérébelleuse, considérée comme la plus fréquente des anomalies retrouvées, chez la souris ATP1A3 mutée 89.

Le rôle des anomalies cérébelleuses dans la dystonie, symptôme fréquent dans le tableau clinique, a également fait l’objet d’études chez l’animal 90.

Il est également à noter que, si les phénomènes d’atrophie corticale, d’atrophie cérébelleuse et de sclérose hippocampique semblent être des évènements survenant en période post natale et de manière progressive, les troubles de la gyration et les anomalies du corps calleux quant à eux trouvent leurs origines fixées en période anténatale (début de la gyration et mise en place du corps calleux à partir de 10 SA). Leur traduction clinique peut s’apparenter à certains symptômes de l’hémiplégie alternante, notamment le déficit intellectuel, le retard neuro-développemental ou l’épilepsie.

Cela laisse donc supposer que l’hémiplégie alternante est un tableau clinique où certains patients pourraient présenter des lésions d’apparition progressive impliquant un certain mécanisme neuro-dégénératif et où certains patients présenteraient des lésions anatomiques de survenue anténatale au moment de l’embryogénèse ; néanmoins, en l’absence de preuve formelle, il est également possible que ces lésions soient indépendantes de la pathologie et découvertes fortuitement à l’occasion de notre étude.

Jusqu’à présent, aucune étude n’a étudié l’association entre l’imagerie cérébrale et le génotype des patients. Notre étude ne met pas en évidence d’association significative entre les mutations les plus fréquemment retrouvées dans la littérature et le caractère anormal de l’IRM cérébrale (de manière générale ou en analysant de manière détaillée les grands groupes d’anomalies), mais l’effectif de la cohorte est faible. Cependant, Sasaki et al 61 a observé que parmi les 7 cas avec atteinte sévère à l’IRM, 6 d’entre eux présentaient une mutation

E815K, connue pour être pourvoyeuse des tableaux cliniques les plus graves de la maladie 5. Dans notre travail,

parmi les patients porteurs de la mutation E815K (n = 5 patients) 3 patients (patients 17, 18, 22) ont une IRM anormale. Lors de la relecture radiologique de ces IRM, ces patients semblent présenter des atteintes anatomiques plus sévères que les autres. Sur le plan clinique, ils présentent également une atteinte sévère, puisque leurs indices d’incapacité sont classés « moyen » chez deux d’entre eux pour l’indice paroxystique, et « sévère » chez tous pour l’indice non paroxystique. Deux autres patients (patients 15 et 19) présentent une IRM anormale avec de surcroît, une atteinte anatomique sévère ; leurs indices d’incapacité paroxystique et non paroxystique sont respectivement « léger » et « sévère » pour le patient 15 et « moyen » et « moyen » pour le patient 19. Ces derniers présentent chacun une mutation génétique d’ATP1A3 isolée, mais non référencée dans les bases de données génétiques, ne permettant pas d’apprécier l’intensité du phénotype leur étant associé. Enfin, tous les patients avec atteinte anatomique sévère ont des âges très variés (quelques mois à 30 ans) ; ceci semble démontrer qu’il n’existe pas systématiquement d’effet « âge dépendant », puisque de très jeunes patients peuvent présenter un tableau clinico-radiologique sévère dès les premiers mois de vie.

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