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Chapitre 4: Métabolisme azoté et remplissage en azote des grains chez le blé d’hiver (Triticum

1. Comparaison des expérimentations 2007 et 2008

Le tableau 4-13 ci-dessous fait un récapitulatif des variations associées au métabolisme de la sénescence dans le cas présenté dans ce chapitre. La septoriose des feuilles, champignon hémibiotrophe, dont la conséquence est de diminuer la surface verte, y est comparée aux manipulations chirurgicales effectuées sur les feuilles 2 et 3 en 2007 (chapitre I). L’ablation, de ces feuilles supprimait une source conséquente d’azote et de photosynthèse pour le grain, tandis que leur emballage diminuait la photosynthèse au même titre que l’ablation, mais accroissait brutalement et transitoirement la disponibilité en azote remobilisé.

Du point de vue des flux de MS, la diminution de surface verte est beaucoup plus progressive en 2008 qu’en 2007. Cependant si l’on intègre les mesures sur la période de remplissage, les effets sont très comparables: le cumul de PAR intercepté diminue de 20 à 40% en 2007, de 22 à 38% en 2008. Cette diminution suffit les deux années à expliquer la baisse d’assimilation nette intégrée pendant le remplissage. Ni en 2007, ni en 2008 les modalités expérimentales n’entrainent de variation de la RUE. La MS finale des grains est affectée les deux années, mais les manipulations de 2007 se traduisent par une baisse significative de la vitesse de remplissage des grains, alors que ce n’est pas le cas en 2008. Cela pourrait résulter d’une diminution de surface verte trop progressive en 2008 pour mettre en évidence des différences significatives.

Du point de vue des flux d’azote, la comparaison est compliquée par l’existence en 2008, mais pas en 2007, d’une absorption post-floraison très significative chez les témoins. L’un des effets de la maladie en 2008 est précisément une baisse très significative de l’absorption. Or nos mesures ne permettent que des bilans entre entrée et sortie d’azote depuis chaque organe. On est donc dépendant des hypothèses formulées sur la répartition de cet azote nouvellement absorbé.

Tableau 4-13: Comparaison des variations par rapport au témoin des éléments déterminant les flux de carbone et d’azote dans les grands processus (absorption, remobilisation, remplissage), ainsi que des marqueurs du métabolisme azoté au cours des expériences de 2007 et 2008.

Ablation 2007 Emballage 2007 Maladie 2008

Surface vertes et Chlorophylle

Suppression des feuilles manipulées;

pas d’effet sur les autres feuilles

Chute rapide chez les feuilles manipulées; pas d’effet sur les

autres feuilles

Diminution lente chez les feuilles atteintes; pas d’autres feuilles

Eléments du métabolisme carboné

Interception (cumul pendant le remplissage) Diminution de 20 à 40% Diminution de 20 à 40% Diminution de 22 à 38%

RUE pas d'effet: 3,5 g/MJ pas d'effet: 3,5 g/MJ pas d'effet: 3,2 g/MJ

MS finale pa diminuée diminuée diminuée

Vitesse MS pa diminuée diminuée diminuée

MS finale grains diminuée diminuée diminuée

Vitesse MS grains diminuée diminuée constante

Eléments du métabolisme azoté

Absorption Nulle donc pas d’effet Nulle donc pas d’effet diminuée

Vitesse de remobilisation des feuilles

Suppression des feuilles manipulées; V diminuée des autres

feuilles

V très accélérée des feuilles manipulées; V diminuée des autres

feuilles

V accélérée des feuilles atteintes; pas d’autres feuilles Arrêt de la

remobilisation et résidu des feuilles

Feuilles supprimées Arrêt très précoce;

résidu légèrement augmenté Arrêt précoce; résidu très augmenté Remobilisation des autres p.vég.

Constante Retardée (tige+gaines)

ou constante

Constante

Vitesse N grains Diminution immédiate Constante Constante (au début)

N final grains Diminué Constant Diminué (arrêt précoce

et progressif)

Marqueurs du métabolisme N dans les feuilles emballées (2007), ou malades (2008)

Nitrates Constants Constants

A aminés Pic transitoire non déterminés

Protéines Diminue Diminue

NR Nulle donc pas d’effet Diminue

GS Diminue Diminue

GDHd Diminue Diminue

GDHa Pic transitoire Stable (diminue

chez témoin)

Endoprotéases Augmente Augmente précocement

En 2008, la cinétique de vidage des feuilles non traitées montre trois périodes. Pendant la première l’azote est identique à celui des témoins traités. Pendant la deuxième période les feuilles malades se vident plus vite que les témoins. Enfin la troisième période correspond à un blocage de l’azote dans les tissus nécrosés, l’azote résiduel étant finalement nettement supérieur à celui des témoins. La diminution plus précoce du contenu en azote des feuilles malades en période 2 de 2008 ressemble au cas des feuilles emballées de 2007. Cependant en 2007 l’azote du reste de la plante augmente alors transitoirement par rapport au témoin, et ce surplus d’azote disponible est stocké dans les tiges et gaines. En 2008, l’azote du reste de la plante n’est pas augmenté par la maladie des feuilles, car le surplus d’azote libéré par les feuilles malade est compensé par la baisse d’absorption par la plante. De fait l’azote du compartiment tige+gaines n’est absolument pas affecté par les maladies des feuilles. On peut donc faire l’hypothèse que le bilan plus favorable des feuilles traitées vient de ce qu’elles remobilisent autant que les malades, mais compensent cette remobilisation par l’incorporation d’azote nouvellement absorbé. Les plantes à feuilles emballées de 2007 comme les plantes malades de 2008 en période 2, présentent une vitesse de remplissage N des grains identique à celle des témoins correspondants.

Plus tard, vers la fin du remplissage, l’emballage des feuilles augmente un peu leur azote résiduel, mais les quantités concernées restent négligeables par rapport à la plante entière et l’azote final des grains reste comparable à celui des témoins. Au contraire, les feuilles malades conservent une partie importante de leur azote qui reste bloqué en période 3 de la maladie, et ce blocage peut être mis en relation avec le rendement N plus faible des plantes malades. L’effet de la maladie pour le reste de la plante en période 3 de 2008 est plutôt comparable à celui de l’ablation de feuilles en 2007: dans ce cas, on constate une réduction immédiate de la vitesse de remplissage N des grains. Ce n’est pas le cas en 2008, sans doute parce que la transition de la période 2 à la période 3 s’effectue à des moments différents selon l’étage foliaire, et plutôt en fin de saison. C’est pour cela qu’on a constaté un arrêt progressif du remplissage entre 550 et 750 djA, plutôt qu’une diminution brutale de sa vitesse.

Pour finir on va reprendre l’ensemble des comparaisons entre les deux années 2007 et 2008 et construire un schéma interprétatif des flux d’azote entre organes. La présence de septoriose n’est jamais accompagnée d’une modification dans l’évolution de l’azote des autres organes végétatifs. Bancal et al. (2008) avaient fait les mêmes constatations en analysant la variabilité interannuelle d’essais beaucoup moins variés à la floraison. Cela suggère que la vitesse de remobilisation d’azote de chaque organe est probablement fixée précocement à l’échelle du brin. Cette vitesse étant fixée, l’apparition progressive d’une surface malade ne la modifie pas. Par contre la maladie affecte les cinétiques d’azote des feuilles atteintes et la décroissance de l’azote foliaire est plus précoce chez les plantes non traitées. Cela aboutit à un maintien de la vitesse de remplissage N des grains pendant les périodes 1 et 2 de la maladie. La fourniture d’azote aux grains n’est affectée que tardivement, lorsque l’azote foliaire est bloqué dans les tissus nécrosés. On retrouve ici aussi la littérature antérieure (Bancal et al., 2008; Bancal et Huet 1998; Garry et al., 1995; Robert et al., 2004b). La diminution précoce de teneur azotée des feuilles malades peut être comprise en termes de bilan. Avant la nécrose totale des feuilles, l’évolution de leur contenu en azote résulte du bilan net entre une entrée d’azote issue de l’absorption post-floraison et d’une sortie d’azote, la remobilisation vers les autres organes, en particulier les grains. On peut donc formuler l’hypothèse que chez les plantes saines, l’absorption post-floraison est incorporée dans les feuilles. L’effet de cette incorporation s’oppose à celui de la remobilisation, avec pour conséquence le bilan net positif parfois observé jusqu’à 200 djA. Chez les plantes malades, l’absorption est beaucoup plus faible, ce qui aboutit à un bilan rapidement négatif de l’azote des feuilles atteintes, sans modification de leur flux d’exportation. A l’échelle macroscopique, la septoriose jouerait donc précocement sur l’absorption d’azote post-floraison, puis sur la rétention d’azote dans les tissus

prématurément nécrosés par la maladie. La maladie n’aurait par contre pas d’effet sur la vitesse de remobilisation d’azote, ni par les tissus atteints ni par les autres. Le suivi d’azote marqué dans la plante malade pourrait confirmer cette hypothèse. On peut déjà noter que la pente de la relation entre chlorophylle et azote foliaire n’est pas affectée par la présence de maladie, ce qui va dans le sens d’une vitesse d’exportation de l’azote des feuilles inchangée par la sénescence qu’elle soit naturelle ou due à la septoriose. En 2007, on n’a observé aucun effet de l’ablation ou de l’emballage sur les autres feuilles non manipulées, ce qui suggère une fois encore l’indépendance des différents organes vis-à-vis de leur remobilisation azotée. Dans le cas de plantes malades comme en 2008, des mesures d’activités enzymatiques sur les tiges et les gaines pourraient être effectuées pour rechercher de petites variations de métabolisme azoté, mais cela n’a pas été le cas dans notre travail.

Un dernier point doit être clarifié: on a parlé des flux azoté internes à la plante, mais qu’en est-il de l’exportation par la sporulation du champignon ? Les chiffres présentés dans ce chapitre indiquent que les pertes d’absorption et de rendement azoté sont en moyenne de 2,3 et 6,7 mg/brin, on en déduit par différence l’ordre de grandeur de l’azote exporté dans les spores, soit 0,7 mg/brin. La littérature ne rapporte pas d’ordre de grandeur pour la septoriose. Dans le cas de la rouille brune Robert et al. (2004a) indiquent une teneur azotée des spores de l’ordre de 3,6 %MS et une masse émise estimée à quelques % du rendement. Dans notre cas, cela représenterait quelques mg/brin, donc légèrement supérieur à notre estimation de l’azote exporté dans les spores de septoriose. Ce chiffre, bien entendu très approximatif, est comparable à l’erreur expérimentale. On peut donc le négliger sans invalider notre conclusion qui demanderait à être vérifiée par exemple sur des peuplements sans absorption d’azote pendant le remplissage du grain.

Les résultats suggèrent que dans la plante malade comme dans la plante saine, la vitesse de remobilisation de l’azote foliaire serait fixée précocement et que les modifications source-puits ultérieures via des stress biotiques ne l’affecteraient pas ou peu.

2. Comparaison plantes saines et malades: le fonctionnement azoté des feuilles atteintes

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