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Comparaison calcul-simulations

5.2 Etude `a Rh infini, et observation d’une circulation grande ´echelle

5.2.3 Comparaison calcul-simulations

Comme nous l’avons d´ecrit pr´ec´edemment, on obtient une solution quasiment stationnaire `a haut Reynolds quand on force un r´eseau de 6x6 tourbillons. Cependant, lorsque l’on force un r´eseau de 10x10 tourbillons, la solution est instable `a haut Reynolds : la circulation grande ´echelle pr´esente une dynamique complexe qui implique des phases de d´estabilisation suivies de phases de relaminarisation. Lors de ces phases de relaminarisation le syst`eme passe pr`es du point fixe calcul´e pr´ec´edemment : on peut ainsi comparer le r´esultat des simulations num´eriques aux calculs analytiques.

Amplitude du tourbillon grande ´echelle

Le calcul pr´esent´e en appendice donne acc`es `a ∆ξa. Les diff´erentes int´egrales permettant d’obtenir λs sont calcul´ees `a l’aide de Mathematica. Nous repr´esentons la valeur th´eorique de la circulation grande ´echelle obtenue en fonction du nombre de tourbillons n caract´eristique du for¸cage sur la figure 5.5. On constate que l’amplitude de la circulation croˆıt comme la racine carr´ee de n.

Dans le cas d’un for¸cage comportant 6x6 tourbillons, la valeur obtenue est de 0.316. La courbe repr´esent´ee sur la figure 5.2 semble saturer `a une valeur de l’ordre de 0.22. Il y a donc un ´ecart de l’ordre de 40% entre la valeur pr´edite par la th´eorie et la valeur observ´ee dans les simulations num´eriques. On pourrait esp´erer que cet ´ecart diminue lorsque l’on augmente la s´eparation d’´echelles entre le for¸cage et la circulation grande ´echelle. Cependant, pour un for¸cage compos´e de 10x10 tourbillons, la valeur pr´edite est de l’ordre de 0.418, tandis que la valeur observ´ee `a la fin d’une phase laminaire est de l’ordre de 0.25, soit un ´ecart de l’ordre de 50%. On peut envisager diff´erentes explications pour l’´ecart observ´e entre th´eorie et simulation num´erique :

– La circulation grande ´echelle ne correspond pas exactement `a une condensation d’´energie dans le mode de Fourier le plus bas. Ainsi sa structure spatiale est un peu diff´erente de sin(πx) sin(πy). Il s’ensuit une modification de ξa et de ξs, donc de λ.

0 5 10 15 20 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 n λ s

Figure 5.5 – Amplitude th´eorique de la circulation `a grande ´echelle, en fonction du nombre de tourbillons de for¸cage par cˆot´e du carr´e. La ligne tiret´ee est un ajustement en racine carr´ee.

– Les termes non lin´eaires restent importants. Il faudrait alors ajouter des corrections non lin´eaires `a ξa pour esp´erer obtenir une valeur th´eorique de λ plus proche de la valeur observ´ee. Cependant, les d´eveloppements en s´erie de solutions de probl`emes non lin´eaires sont souvent divergents, si bien qu’ajouter un terme suppl´ementaire au d´eveloppement ne fait parfois qu’empirer les choses.

– La solution stationnaire calcul´ee est instable au profit d’une autre solution, stationnaire elle aussi, et qui v´erifie les mˆemes lois d’´echelles.

En pratique la circulation grande ´echelle issue des simulations num´eriques est une fonction de sin(πx) sin(πy), mais n’est pas juste proportionnelle `a cette quantit´e. Il est possible que la s´eparation d’´echelle ne soit pas assez grande pour que le calcul pr´ec´edent soit parfaitement valable.

Structure de l’´ecoulement `a petite ´echelle

Sur la figure 5.6 est repr´esent´ee la partie antisym´etrique du champ de vorticit´e issue de la simulation num´erique, et celle issue du calcul analytique. Plus pr´ecis´ement, nous comparons la partie antisym´etrique de ψ1,1∆ψ au champ λ∆ξa calcul´e analytiquement. La comparaison est effectu´ee pour un for¸cage comprenant 6x6 et 10x10 tourbillons.

On constate tout d’abord que, qualitativement, les structures `a petite ´echelle de l’´ecoulement sont tr`es bien reproduites par la solution analytique. L’accord quantitatif est relativement bon, mais la vorticit´e de la solution analytique est l´eg`erement trop faible vers le centre du domaine, et l´eg`erement trop importante pr`es des bords et dans les coins du carr´e. Ces ´ecarts sont de l’ordre de 25%, et peuvent ´egalement avoir pour origine la l´eg`ere diff´erence entre la structure spatiale du mode grande ´echelle et la structure id´ealis´ee en sin(πx) sin(πy) utilis´ee pour le calcul.

La partie sym´etrique de l’´ecoulement issu de la simulation num´erique est tr`es largement domin´ee par la circulation grande ´echelle, et la tr`es l´eg`ere correction ξs, d’ordre Re−1, est trop faible pour ˆetre d´etect´ee. N´eanmoins, la structure du champ ξs issu du calcul est int´eressante. Ce champ est repr´esent´e sur la figure 5.7 pour les deux for¸cages consid´er´es. On constate qu’il

Figure 5.6 – Structure du champ de vorticit´e `a petite ´echelle : partie antisym´etrique du champ ψ1,1∆ψ de la solution stationnaire forc´ee par 6x6 tourbillons, issue d’une simulation num´erique effectu´ee `a Re = 6000 (haut gauche), et champ λ∆ξa calcul´e th´eoriquement (haut droite). En bas, mˆeme chose pour un for¸cage comportant 10x10 tourbillons, en fin de phase relaminaris´ee, `a Re = 10000.

est form´e de quatre tourbillons pr´esents dans les quatre coins du carr´e. Ainsi, le for¸cage de la circulation grande ´echelle se fait par une interaction non lin´eaire entre les petites ´echelles engendr´ees par les quatre tourbillons de coin du for¸cage.

On comprend alors mieux l’origine de l’´ecart entre la solution th´eorique et l’´ecoulement observ´e dans la simulation num´erique : La partie antisym´etrique ξade l’´ecoulement est l´eg`erement trop ´elev´ee pr`es des coins du carr´e en comparaison avec la simulation num´erique. Ainsi, ξa et ξs sont trop grands dans les coins, et le for¸cage du mode sin(πx) sin(πy) est un peu sur´evalu´e. C’est pour cette raison que la valeur calcul´ee de λ est sup´erieure `a la valeur issue de la simulation num´erique.

Retour sur les diff´erentes lois d’´echelles

La structure du champ ξa nous permet de pr´eciser les diff´erentes lois d’´echelles intervenant dans le calcul de la solution stationnaire. Le petit param`etre est n−1. La figure 5.6 nous montre que, en un point donn´e, le champ ξa est `a petite ´echelle dans une direction et `a grande ´echelle dans l’autre. Il poss`ede donc une d´eriv´ee d’ordre O(1) et l’autre d’ordre O(n). De plus, on constate que c’est dans la direction parall`ele au champ de vitesse de l’´ecoulement grande ´echelle que la d´eriv´ee est d’ordre O(1). Ainsi, si l’on note ~V0 ∼ λ le champ de vitesse correspondant `a l’´ecoulement grande ´echelle et ~va celui correspondant `a ξa, l’´equilibre qui fixe ξa s’´ecrit :

(~V0.~∇)~va∼ for¸cage (5.16)

o`u la d´eriv´ee de ~va dans la direction de ~V0 est d’ordre O(1). En utilisant ~va ∼ nξa et for¸cage = O(1) (ce for¸cage a une d´eriv´ee spatiale de moins que celui qui intervient dans l’´equation (5.2),

Figure 5.7 – Partie sym´etrique ξs de la fonction de courant `a petite ´echelle. Gauche : for¸cage comprenant 6x6 tourbillons. Droite : for¸cage comprenant 10x10 tourbillons. Dans les deux cas ξs est localis´e au niveau des tourbillons pr´esents aux quatre coins du carr´e.

qui elle est une ´equation pour la vorticit´e), on obtient finalement λnξa ∼ 1. L’amplitude de la circulation λs est alors fix´ee par l’´equation (5.15), qui conduit `a λ∼ (λ2n4ξa2)1/4. En utilisant les deux derni`eres relations, on obtient les lois d’´echelles :

λ ∼ n1/2 (5.17)

ξa ∼ n−3/2 (5.18)

La d´ependance de λs en √n est bien mise en ´evidence sur la figure 5.5. On peut alors v´erifier a posteriori que les diff´erentes approximations sont valables. En particulier le terme non lin´eaire J(∆ξa, ξa) peut ˆetre ´evalu´e en remarquant que ∂x(∆ξa)∂y(ξa)∼ ∂y(∆ξa)∂x(ξa)∼ n∆ξaξa, puisque ξa poss`ede une d´eriv´ee grande dans une direction et petite dans l’autre. Ainsi, J(∆ξa, ξa) ∼ n3ξ2

a ∼ 1, si bien que ce terme est effectivement n´egligeable devant le terme de for¸cage de l’´equation (5.8), qui lui est d’ordre O(n).

Les diff´erents ´equilibres en jeu dans la s´election de la solution stationnaire sont finalement r´esum´es sur le sch´ema 5.8. On y repr´esente en colonnes les harmoniques de Fourier consid´er´ees. Les processus physiques en jeu sont indiqu´es sur les fl`eches, et les ´equilibres ont lieu l`a o`u se rencontrent deux fl`eches. L’ordre des termes correspondants `a cet ´equilibre dans l’´equation 5.2 est alors indiqu´e au point de rencontre. Par exemple, l’advection de ξa, qui contient des harmoniques ´elev´ees d’ordres impairs, par ψ0, d’harmonique (1; 1), produit l’harmonique (n; n) qui compense le for¸cage `a l’ordreO(n).

Dissipation d’´energie

On s’int´eresse ´egalement `a la dissipation d’´energie en r´egime stationnaire. Cette quantit´e a ´et´e ´etudi´ee par de nombreux auteurs dans le cas d’une turbulence 2D ou 3D. Ces ´etudes s’effectuent par le biais de simulations num´eriques ou de calculs th´eoriques. Si une ´etude th´eorique ne permet pas de d´eterminer la dissipation `a haut Reynolds, certaines techniques permettent de borner cette quantit´e [39]. Une borne sup´erieure et une borne inf´erieure ont ´et´e d´etermin´ees dans le cas qui nous int´eresse d’une turbulence 2D engendr´ee par un for¸cage monochromatique. Le

Figure 5.8 – Repr´esentation sch´ematique du calcul de la solution stationnaire (voir texte). calcul th´eorique effectu´e pr´ec´edemment permet ´egalement d’estimer la dissipation d’´energie de la solution stationnaire.

Alexakis et Doering utilisent dans leur ´etude un nombre de Reynolds diff´erent de celui utilis´e par Sommeria, et d´efini `a l’aide de la vitesse quadratique moyenne de l’´ecoulement. On d´efinit alors :

Re(U ) = U νkf

(5.19) o`u U = q<|˜~u|2 > est la vitesse quadratique moyenne, et k

f est d´efini par − ˜∆˜~f = k2f˜~f (kf = √

2nπ/L pour le for¸cage d’un r´eseau carr´e de n tourbillons de cˆot´e). La dissipation d’´energie est alors adimensionn´ee par kfU3 et prend alors la forme :

β = ν| ˜ ~ ∇˜~u|2 kfU3 = ν < ˜ω 2 > kfU3 (5.20) Ces grandeurs peuvent ˆetre reli´ees aux grandeurs consid´er´ees pr´ec´edemment de la mani`ere sui- vante : Re(U ) = √Re 2nπ q <|~u|2 > (5.21) β = < (∆ψ) 2 > √ 2nπRe <|~u|2 >3/2 (5.22)

o`u toutes les grandeurs de ces deux derni`eres ´equations sont sans dimension.

La solution laminaire, pour laquelle le terme visqueux ´equilibre le for¸cage, est une solution du probl`eme `a tout nombre de Reynolds. Cependant, cette solution est instable `a haut Reynolds au profit de la solution ´etudi´ee pr´ec´edemment. Alexakis et Doering ont born´e la dissipation β.

10−1 100 101 102 10−4 10−3 10−2 10−1 100

Re

(U)

β

Simulation directe Borne inférieure Sol laminaire Théorie, λ s=0.316

Figure 5.9 – Dissipation d’´energie en fonction du nombre de Reynolds construit `a partir de la vitesse quadratique moyenne Re(U ).

La borne sup´erieure est la dissipation de l’´ecoulement laminaire, et la borne inf´erieure provient d’une in´egalit´e de Poincar´e :

1

n2Re(U ) < β < 1

Re(U ) (5.23)

Sur la figure 5.9 sont repr´esent´ees les diff´erentes bornes, ainsi que les points issus des simula- tions num´eriques. Nous avons ajout´e ´egalement la dissipation de la solution th´eorique ψ ≃ ψ0+ξa calcul´ee pr´ec´edemment. Cette dissipation est trac´ee pour l’amplitude λs de la circulation grande ´echelle calcul´ee th´eoriquement. On constate que les points issus de la simulation se situent bien entre les deux bornes calcul´ees. A haut Reynolds, la solution issue du calcul th´eorique pr´evoit une dissipation de l’ordre de 50% de la valeur r´eelle.