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3 COMMUNICATION ET CAMPAGNES DE COMMUNICATION PUBLIQUE

3.3 Théories et concepts communicationnels favorisant la modification des

3.3.1 Communication engageante

Reconnue comme efficace en termes de modification des comportements, la communication engageante est souvent utilisée dans des contextes environnementaux. L’efficacité de ce concept résulte de sa capacité à aller chercher l’engagement des gens, à leur faire réaliser des actions préparatoires et à réduire la barrière des habitudes. Elle agit à la fois sur les facteurs d’influence (engagement et actions préparatoires) et sur les barrières au changement (habitudes). Qu’est-ce que la communication engageante et comment faciliter son utilisation? C’est ce qui est discuté dans cette section.

La communication engageante est née de l’alliance de deux concepts : la soumission consentie et la communication persuasive (Joule et autres, 2007). Le concept de soumission consentie indique qu’il est possible d’amener les gens à agir de manière opposée à leurs habitudes. Pour cela, il faut avant toute chose que ceux-ci se soumettent volontairement à la réalisation d’un acte précis. Cette action, nommée acte préparatoire, doit être en lien avec le comportement désiré. De plus, pour être efficace, elle doit être facile à accomplir, de moindre coût, impliquer une participation active et être réalisée de manière volontaire. (Joule et Beauvois, 2002; Girandola et autres, 2010; Weiss et autres, 2011) La communication persuasive consiste à transmettre un message de manière convaincante afin d’influencer les idées ou les comportements de personnes. Dans un tel cas, la communication persuasive a pour objectif de convaincre les gens d’adopter le comportement désiré. La communication engageante consiste à faire réaliser par une personne un ou plusieurs actes préparatoires puis à l’exposer à une argumentation persuasive pour qu’elle adopte le comportement désiré. (Joule et autres, 2007; Girandola et Joule, 2012) Des exemples d’acte préparatoires sont présentés à l’annexe 7.

Le concept de communication engageante a été proposé pour la première fois afin de découvrir comment il est possible d’amener des individus et des groupes à passer des idées aux actes en matière d’environnement (Joule, 2000; Bernard, 2007). Plusieurs études ont démontré que l’utilisation de la communication engageante a des effets cognitifs (ex. : changements d’attitudes, meilleure rétention de l’information) et comportementaux. Ceux-ci ont notamment été constatés dans des situations où l’objet de la communication est lié à une cause sociale forte telle que la protection de l’environnement ou la promotion de l’activité physique. Outre son impact sur les facteurs d’influence et les barrières au changement, l’efficacité de la communication engageante peut aussi s’expliquer par le concept de dissonance cognitive. En faisant agir les gens de manière opposée à leurs habitudes, les actes préparatoires

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créent un état de tension appelé dissonance cognitive. La communication persuasive qui suit l’engagement encourage la personne à enclencher un processus de changement de comportement afin d’éliminer complètement la tension. (Girandola et autres, 2010; Joule et autres, 2007; Bernard, 2007; Girandola et Joule, 2012)

L’efficacité de la communication engageante est toutefois garante de la capacité de l’émetteur à convaincre les gens de poser certains actes préparatoires. Pour augmenter les chances qu’une personne accomplisse ces actes, de nombreuses techniques existent. Une technique efficace est celle du « pied-dans- la-porte ». Cette technique consiste à demander à une personne d’accomplir une requête (acte préparatoire) simple et en concordance avec ses opinions, croyances et valeurs. Si la première requête est acceptée, celle-ci est suivie d’une deuxième toujours concordante, mais qui sera plus difficile à réaliser et dont le coût sera nettement supérieur. Cette technique utilise aussi le concept de dissonance cognitive, car il sera difficile pour une personne de refuser la deuxième requête sans faire face à un état de tension. Le « pied-dans-la-porte » permet ainsi d’augmenter les chances qu’une personne accepte le comportement promu. (Chabrol et Radu, 2008; Girandola, 2003)

La technique du toucher et celle du « mais vous êtes libres de » sont également efficaces pour susciter l’engagement. La technique du toucher consiste uniquement à établir un contact physique (ex. : toucher le bras) lors d’une requête. Selon plusieurs études, cette technique augmente le niveau d’acceptation de la requête. (Chabrol et Radu, 2008) Quant à la technique du « mais vous êtes libres de », celle-ci consiste à demander à une personne de réaliser une requête, mais de préciser lors de la demande : « Mais vous êtes libres de refuser ou d’accepter. ». Le sentiment de liberté alors créé renforce la probabilité que la personne accepte la requête. Une étude de Guéguen et Pascual (2000) a d’ailleurs testé cette technique. Cette dernière a révélé qu’une personne qui utilise la technique du « mais vous êtes libres de » pour demander de la monnaie pour prendre l’autobus recevait quatre fois plus de réponses positives qu’une personne n’utilisant pas cette technique. (Chabrol et Radu, 2008; Girandola, 2003)

Une technique qui a également démontré son efficacité est celle du « pied-dans-la-mémoire ». Cette technique comporte deux étapes. L’étape un consiste à demander à une personne de tenir un discours public sur une conduite particulière en lien avec le comportement désiré. Par exemple, il peut être demandé à une personne de rédiger un argumentaire sur la consommation responsable de l’eau puis de le rendre public. L’étape deux implique de rappeler à la même personne ses transgressions par rapport au discours tenu. Par exemple, il peut être demandé à la personne d’énumérer les occasions où elle a gaspillé de l’eau. À la suite de ces deux étapes, il est demandé à la personne de poser un acte préparatoire. (Girandola, 2003)

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Une autre technique est l’étiquetage. Parfois utilisé de pair avec la technique du « pied-dans-la-porte », l’étiquetage consiste à apposer une étiquette à une personne après qu’elle ait posé un certain geste. Celle- ci a une influence sur les comportements, car comme mentionné au chapitre 2, les gens tendent à agir conformément aux attentes des autres. Une expérimentation de Chabrol et Radu (2008) a d’ailleurs mis en pratique cette technique. Dans cette dernière, une personne égarée mentionnait à certaines personnes qui l’aidaient : « J’ai eu de la chance de tomber sur une bonne personne comme vous. ». Par la suite, les bienfaiteurs étaient interpellés par une tierce personne qui leur demandait : « Je viens de trouver 20 $ au sol, est-ce à vous? ». Les résultats de cette expérimentation ont démontré que les gens ayant reçu l’étiquette de « bonne personne », étaient plus enclins à dire la vérité, et donc à agir conformément à l’étiquette donnée. (Chabrol et Radu, 2008)

Pour augmenter les chances qu’un engagement mène à une modification de comportements à long terme, Cialdini (2001) a identifié quatre caractéristiques critiques. Ces dernières sont :

1. L’acte préparatoire doit être actif plutôt que passif (ex. : écriture d’un texte, signature d’un formulaire, etc.).

2. L’acte doit être réalisé devant public ou doit pouvoir être publicisé. 3. L’acte doit demander un certain effort ou être difficile.

4. L’acte doit être perçu comme volontaire de la part de ceux qui le réalisent. (Cialdini, 2001) L’efficacité de la deuxième caractéristique s’explique par l’existence de normes sociales et du désir de chaque personne d’être consistante dans ses actions. Ces normes sont d’ailleurs un des facteurs d’influence des comportements. Ainsi, l’efficacité de faire réaliser les actes préparatoires en public s’explique par la pression sociale que les gens vont ressentir s’ils ne respectent pas leur engagement ou s’ils adoptent un comportement qui va à l’encontre de leur engagement (Abrahamse et autres, 2005). Finalement, la communication engageante est une stratégie de communication qui agit à la fois sur des facteurs d’influence des comportements et sur des barrières au changement présentées au chapitre 2. C’est ce qui la rend efficace en termes de modification des comportements. En ce sens toutefois, d’autres théories et concepts ont aussi démontré leur efficacité. C’est le cas des messages persuasifs basés sur la peur.

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