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Communication avec les parents

3. Outils de communication

3.2. Communication avec les parents

Les espaces de parole ritualisés tels l’accueil, le Quoi de Neuf ? ou le ça va, ça va pas, ont véritablement invité l’élève à oser sa parole, à la partager, à écouter celle des autres, et cela d’autant plus qu’elle était protégée par des règles, un temps et un lieu. Tous les enfants ont rapidement démontré leur plaisir à dire et leur capacité à respecter la parole de l’autre.

Passer par la parole, mettre des mots sur les préoccupations, semble avoir été une découverte pour quelques enfants qui avant, passaient très vite aux actes. Raconter un évènement, des vacances, une découverte ou un souvenir leur a aussi démontré qu’ils pouvaient être dignes d’être écoutés. Aux dires de quelques parents, expérimenter la parole leur a permis de la partager également en famille, ce qu’ils ne faisaient jamais avant.

Quant aux entretiens individuels avec l’éducateur autour d’une activité manuelle, ou lors du transport en bus, ils ont aidé certains enfants à pacifier leur relation à leurs parents, à évoquer des évènements douloureux tels un accident ou un divorce, à rechercher leur place d’enfant en dehors du conflit parental. Par sa qualité d’écoute, l’éducateur a su gagner leur confiance et permis au dialogue de s’instaurer dans la durée. Lorsque nous avons demandé à Boris comment il appréhendait la fin du Matas, il a exprimé son regret de n’avoir bientôt plus de lieu où parler de ses préoccupations, soulignant combien les discussions avec l’éducateur lui permettaient de mieux comprendre sa situation et de se sentir soulagé.

3.2. Communication avec les parents

L’engagement parental dans la vie scolaire de leur enfant favorise l’intégration des apprentissages dans le milieu familial. Il est fondamental que les parents se responsabilisent par rapport à l’intervention du Matas.

Anne Christinat 03/2013 35 /105

Le cahier de communication, les entretiens avec l’éducateur et les trois réseaux constituent ou ont constitué les outils privilégiés de communication tout au long de la prise en charge de leur enfant au Matas.

L’utilisation du cahier de communication varie d’une famille à l’autre. Si certains parents en font ou en ont fait un usage très régulier, certains autres n’y ont quasi jamais rien déposé. Quant au contenu, il est lui aussi très différent selon l’auteur ; afin d’éviter qu’il ne soit réduit à n’accueillir que des doléances, nous y avons ultérieurement adjoint une charte d’utilisation.16

Lorsque les parents et les enseignantes en ont fait un usage régulier, à l’instar de l’équipe du Matas et en y déposant des éléments significatifs, ce cahier a été utile à tous les acteurs par la transparence qu’il permettait.

L’utilisation du cahier de communication par l’équipe du Matas a surtout mis en évidence les ressources, les compétences et les progrès de l’enfant. Dans ce sens, il a représenté un baume sur le cœur pour certains parents qui n’osaient plus ouvrir l’agenda débordant de rouge de leur enfant. Une maman, lors d’un réseau, a dit que ce cahier lui avait permis de poser un autre regard sur son fils. Une autre maman a dit que ce cahier les avait amenés, elle et son mari, à se sentir fiers de leur enfant. L’usage de ce cahier s’est parfois poursuivi entre la famille et l’enseignante, après le retour à temps complet de l’élève dans sa classe d’origine, les bénéfices apportés semblant reconnus par les deux parties.

Il est arrivé que ce cahier ne soit jamais utilisé par des parents, francophones ou non, lesquels se contentaient de signifier, par leur signature, qu’ils avaient pris connaissance de son contenu. Lorsque nous avons pris conscience que la langue pouvait constituer un obstacle à l’usage du cahier, nous avons décidé de traduire nos textes à l’aide d’un programme informatique ; ce choix, s’il nous a rassurés en tant qu’émetteurs d’information, n’a cependant pas débouché sur un retour prolixe de la part des parents silencieux.

Certains parents y ont déposé leur sentiment de non prise en compte par l’école des difficultés d’apprentissage de leur enfant dues, par exemple, à de la dyslexie, à des troubles de l’attention ou encore à de l’hyperactivité. Ceci a pu amener le Matas à rendre attentive l’école aux mesures particulières à mettre ou remettre en place pour atténuer l’impact de ces troubles sur les apprentissages.

Lorsque les entretiens, au Matas, de l’éducateur avec le ou les parents ont pu être réguliers

Anne Christinat 03/2013 36 /105

et que les parents, ensemble ou séparément, ont été preneurs du soutien qui leur était proposé, ils ont permis à la situation de leur enfant d’évoluer favorablement. Le fait de se sentir écoutés et entendus a souvent engagé les parents dans une collaboration constructive et cohérente, dans la mise en place, à la maison, d’un cadre rassurant pour eux-mêmes et pour leur enfant. Conscients de leurs besoins, ils ont pu établir avec leur enfant les règles et les sanctions à respecter dans le cadre familial, comme s’ils s’étaient sentis légitimés de le faire. Le fait que le Matas soit perçu comme une structure différenciée de l’école par les parents a certainement eu une influence positive sur la collaboration. Ces entretiens ont parfois débouché sur la restauration des liens entre l’école et la famille.

À l’inverse, le manque d’engagement des parents, les rendez-vous manqués ou régulièrement déplacés, l’investissement moindre d’un parent par rapport à l’autre ou encore les conflits entre parents ont certainement participé à la faible évolution de la situation.

Les réseaux ont permis aux parents non francophones de pouvoir prendre connaissance, par l’intermédiaire d’une interprète, de la situation vécue par leur enfant à l’école et au Matas, et de s’exprimer à leur tour, pour autant qu’ils le désirent ; la langue, malgré la présence d’une interprète, a souvent constitué un obstacle intimidant à la prise de parole.

Les réseaux ont aussi engagé certains pères à rencontrer les enseignantes de leur enfant, ce qu’ils n’avaient jamais fait avant, et aux enseignantes d’entrer enfin en relation avec ces derniers.

« Ce sont des appels du soir généralement, vers la fin du dîner, l’heure de la détresse. Des appels de mères le plus souvent. De fait rarement le père, le père vient après, quand il vient, mais à l’origine, au premier coup de téléphone, c’est toujours la mère, et presque toujours pour le fils. La fille semble plus sage ». (Pennac, 2007, p. 47)

Les réseaux ont parfois mis en évidence les différends qui existent entre l’école et la famille et placent l’enfant dans un sentiment de conflit de loyauté. Ce sentiment peut constituer un obstacle à l’évolution de la situation s’il n’est pas conscientisé par les adultes autour de l’enfant. Ce constat entre en résonnance avec les propos de Curonici, Joliat & McCulloch (2007, p. 256) au sujet de l’importance de la relation enseignants-parents :

« Une relation réciproquement respectueuse entre les parents et les enseignants est un soutien dynamique pour l’évolution scolaire d’un enfant, que la relation soit tacite ou explicite. L’enfant sent que les adultes sont d’accord à son sujet, qu’il a la permission et l’attente des adultes d’assumer pleinement son rôle d’élève ».

Anne Christinat 03/2013 37 /105

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