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Il s’agissait de notre première étude qui a porté sur l’évaluation de la toxicité de la chimiothérapie anticancéreuse. Elle a été réalisée au service d’hémato-oncologie médicale du CHU du Point G qui est le seul service médical de référence en cancérologie adulte au Mali. Nous avons colligé de façon prospective 303 patients ayant reçu au moins une cure de chimiothérapie, l’évaluation des effets secondaires de la chimiothérapie nous a paru indispensable pour assurer une meilleure qualité de vie aux patients pris en charge. Il s’agit de l’une des rares études réalisées en Afrique subsaharienne en raison de l’inaccessibilité des drogues anticancéreuses pour la majorité des patients de la plus part des équipes d’oncologie

Difficultés :

Au cours de notre étude nous avons été confrontés à certaines difficultés : Au diagnostic tardif de certains patients,

La non réalisation de certains bilans pré-thérapeutiques d’une chimiothérapie anticancéreuse.

Néanmoins, les résultats obtenus permettent de réaliser certains commentaires et de discuter avec les données de la littérature.

Sexe :

Le sexe ratio était 3,6 en faveur des femmes, ceci s’explique par la prédominance du cancer du sein (52,5%) et du cancer du col troisième cancer dans notre série. Ce résultat est comparable à celui de l’étude faite par Sidibé au Mali [12] et est similaire aux données rapportées par certains auteurs sur l’épidémiologie des cancers en Afrique Sub-saharienne [13].

Age :

L’une des caractéristiques de notre étude est l’âge particulièrement jeune de nos patients (moyenne d’âge 46 ans au diagnostic) contrastant avec le diagnostic de la maladie à un stade avancé. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les cancers du sein, du col et du colon qui représentaient les 2/3 de notre population d’étude étaient survenus à un âge jeune. Ce résultat est proche de celui de Kamaté [14] dans une étude réalisée au Mali. Ces données sont rapportées par d’autres auteurs en ce qui concerne l’Afrique sub-saharienne [15].

Cet âge jeune peut s’expliquer par le fait que la population malienne est jeune (80% a moins de 50 ans) et notre population d’étude pourrait être le reflet de cette pyramide des âges. Ce constat a été fait par d’autres auteurs au Nigeria [16] où du fait de l’espérance de vie d’une femme à la naissance plus faible qu’en Europe,54,3 ans au Mali pour 84.4 ans en France. Par ailleurs notre étude a été faite dans un seul centre celui de Bamako, ce qui limite l’accès aux soins à l’ensemble des malades atteints de cancer au Mali, constituant un biais de sélection pour notre échantillon d’étude. Il peut être discuté que le niveau socioéconomique bas en particulier des personnes âgées soit une barrière à l’accès aux soins en oncologie, mais ce qui ne semble pas être le cas dans notre étude car les soins en oncologie sont subventionnés par le gouvernement du Mali depuis cinq ans (la chimiothérapie et l’hormonothérapie sont gratuites et l’ensemble des soins sont gratuits seulement pour les personnes âgées). Ce programme devrait rendre plus facile l’accès aux soins en oncologie pour les personnes âgées mais il n’y a pas suffisamment de recul pour évaluer l’impact réel sur l’attitude de la population malienne.

Résidence : 52,5%. Ce résultat est proche de celui de Kamaté [14] et Sidibé [12] qui ont trouvés respectivement 61,29% et 59%. Les études réalisées par GLOBOCANmontrent que le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde [13].

Dans notre étude, 17 cas de cancers du col avaient été retrouvés soit 5,6%

occupant ainsi le deuxième rang des cancers retrouvés chez les femmes. Ce résultat est différent de celui de Sidibé [12] qui retrouve 3cas et au sixième rang, nos résultats sont comparables aux données de la littérature qui montrent que le cancer du col est le deuxième cancer chez la femme dans le monde en général mais le premier cancer en Afrique sub-sahienne [13,2].

Nous avions trouvé 17 cas de cancer colon/rectum soit 5,6%. Ce résultat est proche de celui de Sidibé [12] et de Ly [17] des études faites au Mali qui retrouvent respectivement 5% et 3,53%.

En Afrique Padonou retrouve au Bénin une fréquence de 9,8% pour les cancers colorectaux par rapport à tous les cancers [18]. Au Togo Ayité note 0,84% de colon/rectum de tous les cancers [19]. Au Niger le cancer colon/rectum représente 1,2% de tous les cancers [20]. Au Mali dans le registre des cancers en 1995, 51 cas de cancers colon/rectum ont été rapportés sur 1378 cancers collectés en 6 ans à l’institut national de recherche en santé publique, soit une fréquence de 3,7% [21].

Les effets secondaires :

L’apparition des effets secondaires avait été observée le plus souvent dans un délai inférieur à 7 jours, résultat proche de celui de Sidibé [12] ; contrairement au résultat de Traoré [22] qui trouve un délai supérieur à 7jours avec 68,6%. Cette différence pourrait être attribuée aux types de molécules utilisées.

La toxicité digestive grade 3 et 4 de la chimiothérapie était de 33% pour les nausées et vomissements dans notre étude malgré le recours important aux protocoles très émétisants (taxanes, Ac 60, Cisplatine et Folfox soit 75%).Par contre l’étude de Sidibé [12] rapporte 58,33% de cas de vomissements du grade III. Cette différence pourrait s’expliquer par l’administration systématique dans notre pratique courante d’anti-émétiques (corticoïdes, sétrons et neuroleptiques). La chimiothérapie semble particulièrement bien supportée sur le plan digestif par nos patients car les sétrons,molécule de référence dans la prévention des nausées et vomissements, est utilisée dès le premier jour en administration unique et le relais est fait par d’autres anti-émétiques. Ce schémad’administration des sétronssemble particulièrement intéressant en termes d’économie de la santé [23]. Il est à noter que la majorité de

nos patients qui ont fait une toxicité digestive de type nausées et vomissements ne prenaient pas les antiémétiques comme indiqués sur nos ordonnances faites à domicile à savoir les corticoïdes per os et les neuroleptiques. Ce qui démontre très parfaitement que l’observance du traitement est capitale pour une bonne tolérance de la chimiothérapie.

Une des particularités remarquée de notre étude était également la moindre fréquence et la gravité de la diarrhée car seulement 17,4 % de nos patients ont eu une diarrhée (grade 3 et 4).Cette bonne tolérance pourrait s’expliquer par le fait que dès les premières selles diarrhéiques les patients prenaient systématiquement 4 milligrammes puis 2 mg de lopéramide après chaque selle diarrhéique.

La mucite est survenue sous forme de grades 3 et 4 dans 8,6 % des cas. Cette bonne tolérance pourrait s’expliquer par l’application systématique des bains de bouche par les patients

.

Sur le plan hématologique la neutropénie grade II était seulement de 13 % et 3 patients avaient une neutropénie grade 4. Cette proportion très faible de neutropénie grade 3 et 4 pourrait s’expliquer par le fait que le premier contrôle après la chimiothérapie est réalisé la veille de la cure suivante soit 3 à 4 semaines après la cure, donc les neutropénie survenant précocement n’ont pas été pris en compte et une récupération rapide pourrait s’effectuer, seulsles patients fébriles ou les patients présentant un foyer infectieux clinique ont bénéficiés d’ un hémogramme. Ce résultat est différent d’une étude nigériane qui trouve un taux de neutropénie de 20% [24] et cette différence pourrait s’expliquer par la méthodologie nigériane,car un hémogramme hebdomadaire était effectué.

L’anémie a été la toxicité hématologique la plus fréquente dans notre étude ; en effet prêt des 3/4 des patients soit 80% avaient une anémie grade I et 23% une anémie grade II.

La toxicité la plus importante de la chimiothérapie dans notre étude était l’alopécie. En effet, 91% de nos patients avaient développé une alopécie quelque soit le grade. Ceci s’explique par le fait que 80 % des protocoles de chimiothérapie utilisée dans notre étude sont des protocoles très alopéciants. Ces résultats sont comparables aux données de la littérature [25].

La toxicité grave mettant en jeu le pronostic vital des patients au cours de notre étude avait été la toxicité cardiaque grade 4 chez un patient avec transfert en unité de soins intensifs de cardiologie du CHU du Point G.

Conclusion

Cette étude prospective sur la toxicité de la chimiothérapie anticancéreuse montre que :

Les cancers au Mali surviennent à un âge relativement jeune, chez les femmes le cancer du sein est le cancer le plus fréquent en pratique de chimiothérapie.

La toxicité digestive est dominée par les nausées et les vomissements mais l’utilisation des anti-H3 réduit considérablement ces effets.

La toxicité hématologique était dominée par l’anémie mais la méthodologie utilisée ne permettait pas d’évaluer de façon fiable la neutropénie.

L’alopécie était la toxicité la plus fréquente ayant intéressé tous les patients

Il apparait donc que la chimiothérapie anticancéreuse est relativement bien supportée si toutes les mesures préconisées sont bien appliquées par les patients.

Recommandations Aux pouvoirs publics

La multiplicationdes structures hospitalières engagées dans la prise en charge des maladies cancéreuses

La mise en œuvre des moyens et des stratégies de sensibilisation des patients en vue d’un diagnostic et d’un dépistage précoce.

La pérennisation de la gratuité des médicaments anticancéreux

L’élargissement de la gamme répertoriée des médicaments destinés à la prise en charge des cancers en y ajoutant des médicaments nécessaires à la prévention des effets secondaires

Aux praticiens de santé

Le diagnostic rapide de toutes pathologies suspectées en vue d’assurer une meilleure prise en charge.

La référence des patients diagnostiqués d’un cancer vers les structures spécialisées dans la prise en charge.

Aux personnels de l’unité d’hémato-oncologie médicale du CHU de point G

Le renforcement de la collaboration avec la pharmacie en vue d’identifier le plus rapidement possible les problèmes liés à la gestion des médicaments.

Aux malades et à leurs familles

Prendre correctement les médicaments prescrits pour la prévention des effets indésirables.

Respecter les rendez-vous pour l’administration de la chimiothérapie.

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