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Les commentaires critiques

Premier commentaire:

"IL FAUDRAIT PARLER DE DEFIS PLUTOT QUE D'OBSTACLES".

Une participante met en question le fait de postuler comme nous l'avons fait (dans le projet conjoint Bertrand, Genest et Zavalloni) que les difficultés rencontrées par les femmes au cours de leur vie professionnelle "bloquent" la réalisation de leurs aspirations. Selon cette participante, "il faut parler de défis plutôt que d'obstacles".

Cette critique va au coeur des hypothèses avancées par les chercheuses dans le projet global intitulé précisément "Obstacles au changement dans la condition des femmes", posant donc comme

un fait déjà démontré l'existence de difficultés contraignantes qui empêcheraient les femmes dans chacun des milieux étudiés (l'Église, le milieu de la création littéraire et le champ socio-pénal) de satisfaire leurs aspirations profondes et originales. Comme je l'ai rappelé dans la première partie, les trois chercheuses sont conscientes que changements législatifs et structurels sont survenus au cours des trente ou quarante dernières années, qui corrigent des discriminations flagrantes. Elles estiment cependant que des freins réels persistent, aux plans domestique, social politique et dans le monde du travail. Elles croient même, comme plusieurs chercheuses, que de nouveaux obstacles surgissent, qui viennent limiter la satisfaction des aspirations des femmes, voire la conscience même de leurs aspirations singulières et collectives.

La majorité des participantes à la rencontre du 3 octobre 1998 ne partagent pas cette vue. Elles sont plutôt d'accord avec le commentaire rappelé plus haut: le mot est trop fort.

Les propos entendus en entrevue allaient dans le sens de cette critique. En effet, les difficultés étaient vues par les interviewées, le plus souvent, comme des problèmes La majorité des Sujets disaient qu'on ne les a pas empêchées de réaliser leurs aspirations; plusieurs parlaient de support et d'appui manifestes à leurs projets d'études ou de travail. D'ailleurs, les histoires de vie que nous avons recueillies évoquent dans l'ensemble des cheminements c'est-à-dire un sentiment de satisfaction par rapport au cheminement professionnel, même si plusieurs font état de quelques ou de plusieurs problèmes. Il est de fait que les difficultés rapportées sont présentées le plus souvent comme des plutôt que comme des blocages permanents.

Quelques participantes insistent d'autant plus pour parle de défis plutôt que d'obstacles qu'elles ont le sentiment que les problèmes surmontés ont constitué "un plus".

Question de MAE:

Ne s'agit-il pas ici d'accommodements successifs aux contraintes perçues? La satisfaction éprouvée viendrait de ce qu'on réussit à s'adapter aux situations et aux rôles imposés en se faisant croire qu'ils correspondent à nos aspirations.

Deuxième commentaire:

(DES PLANS DE CARRIÈRE, NE NOUS INTÉRESSE PAS)

"CE QUI NOUS IMPORTE, UN DE VIE".

Un autre présupposé de la recherche dans son volet "socio-pénal" pose problème à plusieurs des personnes présentes à la rencontre: c'est l'idée que les femmes voudraient "faire carrière". Le volet porte en effet littéralement sur "les cheminements de carrière de femmes cadres et professionnelles travaillant dans le champ socio-pénal". Toute la grille d'entrevue a été construite en vue de cerner les étapes et les conditions cheminement professionnel. Et le mot carrière suppose sûrement une progression, des promotions. Le plan de carrière, quant à lui, implique que ces mouvements sont prévisibles dans un espace-temps.

Plusieurs des personnes présentes à la réunion disent ne pas avoir eu de "plan de carrière" et ignorer le sens de cette expression qui leur paraît propre au monde des hommes. D'ailleurs, il est vrai que seul un petit nombre d'interviewées avaient un but précis en entreprenant leurs études. Peu d'entre elles avaient une idée claire et arrêtée de ce que serait leur "cheminement

Certaines avaient des objectifs très, très larges. D'autres savaient surtout ce qu'elles ne voulaient pas faire. Lors de la rencontre quelques participantes avouaient qu'elles ne souhaitent toujours pas

entretenir un précis.

Une participante s'exprime à ce propos de façon lapidaire: ce qu'elle veut bien nourrir c'est "un plan de mais pas un plan de carrière. Un plan de vie c'est-à-dire un global dans lequel vie affective, loisirs, vie professionnelle, vie familiale, occupent des places équivalentes, ou, en tout cas, sont intégrées dans un projet d'ensemble, harmonieux. Et dans son cas, le travail n'est pas au centre de ce projet, ni en haut de la pyramide.

D'autres tiennent des propos semblables dans des termes moins radicaux et sont conscientes que l'absence d'un "plan de carrière" justifie leur décision de ne pas postuler des fonctions qui exigent qu'on concentre tous ses efforts sur la vie professionnelle. Ce refus de la carrière fonde la réclamation d'horaires flexibles, du travail à temps partiel, des congés parentaux. On trouve d'ailleurs des propos semblables dans les entrevues individuelles.

Selon l'une des participantes à la rencontre, cette humanisation du travail, cet assouplissement des contraintes bureaucratiques ne sont pas réclamés que par les femmes. Ils sont maintenant revendiqués par hommes, "la nouvelle génération", "les nouveaux hommes".

Mon commentaire:

Concernant ce dernier point (l'assouplissement des contraintes du travail), ce ne serait pas la première fois que les hommes tirent parti des luttes menées par les femmes pour humaniser leur propre condition après avoir jugé déraisonnables les

revendications des femmes.

Mes questions:

1. Quelles sont les vraies raisons profondes qui expliquent que les négligent ou refusent ou prétendent refuser plan de carrière?

2. Pourquoi un "plan de vie qui inclut les dimensions affectives, familiales, sociales, culturelles et professionnelles s'opposerait-il à un projet réaliste et structuré dans chacun de ces domaines y compris le dernier?

3. On peut comprendre que les femmes de 25 à 34 ans qui ne sont même pas assurées de trouver un emploi et a fortiori un emploi stable n'aient ni la volonté ni même la possibilité d'imaginer un projet professionnel de longue portée. Mais la majorité des interviewées plus de 35 ans. Le tiers d'entre elles ont plus de 45 ans. Elles ont étudié dans les années et 1980. Les plus âgées avouent que tout était possible et ouvert au moment de leur arrivée sur le marché du travail. Qu'est-ce qui retenait donc ces interviewées d'entretenir un projet professionnel?

Serait-ce le sentiment qu'on ne peut, comme femmes, réussir sa vie et une carrière, "ce serait trop demander"?

4. Quels sont les effets de cette absence de plan de carrière des femmes sur la place qu'occupé notre de dans la structure Sur la place qu'occupera la nouvelle génération de femmes dans la vie politique et économique? 5. Selon l'une des participantes, la résistance à assouplir les normes bureaucratiques

dans le sens des besoins existentiels des femmes est propre aux milieux

(institutionnels, prisons, etc.). Dans les milieux ouverts, souvent dirigés par des femmes, le problème ne se pose pas. Est-ce bien vrai? Cela tient-il aux milieux

ouverts ou à celles qui les dirigent?

Troisième commentaire:

"ON ETE CHANCEUSES!"

Ce propos revient a maintes reprises dans la rencontre du 3 octobre et dans les entrevues. Les "chances" évoquées sont de plusieurs ordres. Par exemple, on a eu "des parents formidables", puis un "mari exceptionnel", et des "patrons particulièrement Et ce qui a fait que la vie de famille et la vie professionnelle ont été On a aussi été bien chanceuses parce qu'à l'époque où on a commencé à travailler, on était la seule femme; donc on était vue (par les hommes) comme Maintenant, cela change et il se pourrait que pour les plus jeunes, cette chance-là soit du passé.

Également, dans les années et quatre-vingt, on était si peu nombreuses et il y avait tant d'ouvertures qu'on ne nous accusait pas de "voler la place des Donc il nous ont bien accueillies.

Question de

Dire a été chanceuses", n'est-ce pas avouer qu'on a échappées au sort commun des femmes? Quelle aurait été notre situation de femmes sans la chance? - Comme le rappelait une participante à la rencontre du 3 octobre, reprenant presque textuellement les mots d'une interviewée: "Parler de chance, c'est dire qu'on s'attendait à ce que les choses soient difficiles et que ça puisse mal se passer".

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