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2.4.a Effraction cellulaire et pénétration

Comme schématisé en figure 4, l’hyphe au contact de la racine différencie une structure renflée appelée hyphopode. Cette structure n'est pas totalement similaire aux appressoria des champignons et des oomycètes pathogènes: l’hyphe au contact des tissus de l’hôte enfle, le cytoplasme se rétracte dans la structure et un septum se forme. L'appressorium permet l'effraction tissulaire dans l'hôte par dégradation enzymatique des surfaces épidermiques et augmentation de la pression de turgescence dans l'appressorium. Chez les CMAs, il n’y a ni septation, ni augmentation de la pression de turgescence, ni libération importante d'enzyme de lyse de la paroi de l'hôte (Bonfante & Perotto, 1995; Genre & Bonfante, 2007): le champignon pénètre par un mécanisme encore inconnu. Durant l'apposition de l'hyphopode, les noyaux des cellules végétales perçoivent des signaux qui engendrent une réponse calcique (Chabaud et al., 2011). Les cellules végétales réorganisent leur cytosquelette et forment un système membranaire de prépénétration (« prepenetration apparatus » PPA), qui va permettre au champignon d’entrer dans la racine (Genre et al., 2005, 2008). Cette phase est rapide et très discrète, ce qui rend difficile son étude au niveau transcriptomique (Siciliano et al., 2007). Une approche gène candidat a permis d'identifier le gène GinSTE (Tollot et al., 2009). Cet homologue du facteur de transcription STE12 (un régulateur de transcription impliqué dans la pénétration de l’hôte chez les champignons pathogènes - Park et al., 2002; Wong Sak Hoi et al., 2007) est induit pendant l’étape de pénétration et son expression complémente le phénotype d'un mutant ste12 de Colletotrichum lindamuthianum. Ces données suggèrent que la régulation de la pénétration est conservée entre cet agent pathogène et les CMA.

2.4.b Invasion des tissus

Les hyphes fongiques vont ensuite atteindre la zone corticale de la racine, et s’y développer. Selon les espèces et l’hôte, deux types de développement intra racinaire ont été décrits par Gallaud en 1905: certains champignons vont coloniser la racine de manière intracellulaire, formant dans les cellules des structures d'interaction en tire-

bouchon (coils - type Paris), et d’autres vont tout d’abord développer des hyphes de manière intercellulaire, puis pénétrer les cellules corticales pour former des structures hautement ramifiées, les arbuscules (type Arum). Cette distinction est toutefois moins marquée qu'initialement décrit et les deux types de développement peuvent être rencontrés dans une même espèce (Dickson, 2004; Hong et al., 2012).

Durant sa croissance intra racinaire, le champignon est cantonné à certaines zones de la racine : il est présent dans la zone corticale uniquement, ne passant pas au- delà de la bande de Caspari vers les tissus vasculaires de la plante ; il n'atteint pas la zone d’élongation des racines ni l’apex (Lauressergues et al., 2012). L'étude de plantes mutantes a permis d'identifier plusieurs gènes impliqués dans différentes étapes du développement fongique à l’intérieur des racines. L’équivalent du côté des CMA n’est pas encore disponible (Gutjahr & Parniske, 2013).

2.4.c Contournement de la résistance de l'hôte par les CMA

L'envahissement des racines nécessite un contrôle des réactions de défense cellulaire de l'hôte. Il a été observé que les défenses de plantes augmentent de manière transitoire lors de l'établissement de la symbiose MA, indiquant l'existence de mécanismes de rétrocontrôle de ces réactions lors de la symbiose (Kapulnik et al., 1996; Pozo et al., 1998, 2005; García-Garrido & Ocampo, 2002; Güimil et al., 2005; Zamioudis & Pieterse, 2012). Aussi peut-on différencier trois étapes dans les interrelations entre la défense des plantes et les CMA.

1) Lors de la pénétration, le champignon doit s'accommoder des réactions rapides de défense cellulaire de l'hôte. Ainsi lors de la mise en place de la symbiose mycorhizienne, une augmentation transitoire des ROS a été observée dans les racines (Fester & Hause, 2005). Les espèces réactives de l’oxygène (ROS) sont décrites pour jouer un rôle très précoce dans la défense et dans la signalisation lors de la pénétration d'agents pathogènes ou de bactéries symbiotiques (Pauly et al., 2006; O’Brien et al., 2012). Chez Gigaspora margarita, une super oxyde dismutase fonctionnelle exprimée dès les stades précoces d'infection a été caractérisée (Lanfranco et al., 2005). Cette enzyme, dégradant les ROS, participerait à la résistance du champignon lors de « bursts » oxydatifs.

2) Lors de la croissance in planta, une répression des mécanismes de défense de l'hôte est nécessaire. Les microbes pathogènes, champignons, oomycètes ou bactéries, ont développé des stratégies pour parer aux réactions de défenses des plantes : ils sécrètent (ou injectent à l’aide d’une aiguille protéique pour les bactéries) des protéines « effectrices » qui atténuent la réponse de la plante (Abramovitch et al., 2006; Kamoun, 2007; Valent & Khang, 2010; Wawra et al., 2012). De tels mécanismes ont été identifiés chez les micro-organismes symbiotiques, tant bactériens (Kimbrel et al., 2013) que fongiques (Plett et al., 2011). Chez Rhizophagus irregularis par exemple, la protéine SP7

est sécrétée par le champignon et transloquée dans la cellule végétale par le champignon, et interagirait avec le facteur de transcription ERF19 (facteur de transcription de réponse à l’éthylène, potentiellement impliqué dans la régulation du système immunitaire de plante), modulant l’accommodation du symbiote dans la racine (Kloppholz et al., 2011).

3) Lorsque la symbiose MA est stabilisée, il est reconnu que les CMA ont un effet protecteur des plantes aux agents phytopathogènes et aux ravageurs. Citons trois mécanismes de protection :

i) une pré-stimulation (priming) des réactions de défense de la plante. Lorsqu’un agent pathogène infecte une plante, les réactions de défense sont plus rapidement induits (voir les revues Pozo & Azcón-Aguilar, 2007; Jung et al., 2012). Il a été décrit que cette pré-stimulation peut être transmise de plante à plante via le réseau d'hyphes. Ainsi, il a été observé que lorsqu’une plante est attaquée par un puceron, la plante voisine va recevoir des signaux par le champignon et ainsi déclencher une réponse adaptée, notamment en produisant des composés qui attirent des prédateurs du puceron (Babikova et al., 2013).

ii) une action directe des CMA sur un agent pathogène. Il a ainsi été montré que Rhizophagus irregularis affecte la croissance d’une souche virulente de Fusarium sambicinum, un pathogène de la pomme de terre, et induit chez celui-ci la répression de l’expression de gènes de synthèse de mycotoxines (Ismail et al., 2011).

iii) un effet indirect de la symbiose MA sur l'infection. Un exemple en est la protection de la mycorhization sur l'infection par les plantes parasites (Lendzemo et al., 2009; Fernández-Aparicio et al., 2010). Les graines de ces dernières germent en réponse à la perception de strigolactones exsudées par les racines de l'hôte, or il a été montré que la mycorhization diminue l’exsudation des strigolactones, induisant une moindre infection de la plante hôte.

2.4.d Exploration du sol environnant

De manière concomitante au développement dans la racine, le champignon va se développer dans le sol, et explorer ce milieu. Le mycélium extra racinaire s'organise en un réseau très dense d’hyphes, qui peut former jusqu’à plusieurs mètres d’hyphes par cm3 de sol (Miller et al., 1995; van der Heijden et al., 1998). Ces structures vont puiser eau et sels minéraux puis les transporter vers la racine (cf ci-après). C’est aussi à ce moment-là que le champignon va former de nouvelles spores, complétant son cycle de vie. L'ontogénèse des spores a été décrite sur plusieurs espèces : Gigaspora margarita (Bécard & Fortin, 1988; Bécard & Piché, 1992), Rhizophagus irregularis (Chabot et al., 1992), Rhizophagus clarus (de Souza & Berbara, 1999). Il est intéressant de noter que les ERM colonisent très efficacement de nouveaux hôtes (Plenchette et al., 1982).

Sur le plan physiologique, les ERM constituent un compartiment de grand intérêt pour l'étude des mécanismes symbiotiques dont le fonctionnement doit être coordonné avec la physiologie des hyphes intra racinaires, ce que montre les travaux sur le fonctionnement de la symbiose MA résumés ci après.