Sommaire du chapitre :
Encadré 1 : Notre raisonnement de recherche
V. Collecte de données
Avec la méthode recherche-intervention, le chercheur collecte une grande quantité de données : des données primaires, issues d’entretiens, d’observations et d’analyses de documents. Grâce à notre présence quotidienne sur le terrain, nous avons pu collecter des informations diversifiées et nombreuses. Notre collecte de données a été réalisée de deux manières : des entretiens semi-directifs centrés et des observations participantes auprès des clients de Kamitis. Nous présentons dans un premier temps la méthode de collecte de données sur la base d’entretiens semi-directifs, puis nous explicitons la collecte de données par observations participantes au travers de cas.
a. Les entretiens semi-directifs centrés
Tout d’abord, nous vous présenterons le contexte de la collecte des données, les profils des répondants et le guide d’entretien.
146
i. Contexte de la collecte de données
En pratique, beaucoup d’entreprises font de la veille pour accompagner leurs projets d’innovation, qu’elles soient de très petite taille, petite taille ou des grands groupes. Dans le même temps, la veille étant un processus complexe impliquant des acteurs aux compétences diverses et complémentaires (Caron-Fasan et Lesca, 2004) elle peut prendre différentes formes : individuelle, informelle et non structurée, ou au contraire organisée et centralisée, par exemple sous la forme d’une cellule, d’un service ou d’un observatoire (Baumard, 1997 ; Belmondo, 2003). Enfin, si certaines entreprises réalisent elle-même leur veille en collectant et analysant leurs informations, d’autres font appel à des prestataires et externalisent partiellement ou complètement leur activité de collecte et/ou d’analyse des informations.
Pour notre recherche, nous avons pu collecter des informations auprès d’entreprises de toute taille avec une majorité de grandes entreprises. L’important était que ces entreprises fassent de la veille et qu’elles développent des innovations technologiques ou tout du moins produits/service. A ce titre, Howell et Shea (2001) considèrent l’innovation produit comme une nouvelle technologie ou une combinaison de technologies commercialisée pour répondre à un besoin de marché.
Type d’entreprise
Veille internalisée uniquement
Veille externalisée uniquement
Veille internalisée
et externalisée Total Grandes
entreprises 9 1 7 17
PME 3 0 1 4
Total 12 1 8 21
Tableau 22 : Externalisation ou internalisation de la veille par type d’entreprises.
ii. Les profils des répondants
Nous avons mené 23 entretiens semi-directifs entre le 26 aout 2016 et le 27 mars 2017 auprès de 27 managers provenant de 21 entreprises différentes (voir tableau 23). Les interviews furent pour 52% menées en face à face et 48% au téléphone.
L’objectif était de rencontrer des collaborateurs participant à des projets d’innovation et devant prendre des décisions au cours du processus d’innovation. De ce fait, nous avons interviewé principalement des directeurs innovation et/ou R&D. Nous avons réalisé des entretiens, majoritairement individuels. Certains furent des entretiens avec deux répondants afin de profiter de la disponibilité de nos répondants. Les personnes que nous avons interviewé ont
147
des emplois du temps très chargé, nous nous sommes donc adaptés à leurs disponibilités, quitte à mener un entretien avec deux personnes plutôt que deux entretiens.
N°
observatoire 1h11 Face à face 4a Bien grand
public 1 Directeur Innovation 1h29 Face à face
4b Bien grand
public 2 Responsable recherche -
Coordinateur Open Innovation 56 min Face à face
5 Textile 1 Responsable développement
produit 1h Téléphone
6 Construction 2 Directeurs Innovation 38 min Face à face
7 Aviation 1 Directeur Innovation 39 min Téléphone
8 Pharmacie 1 Responsable Innovation 40 min Téléphone
9 Chimie 1 Responsable R&D 1h20 Face à face
10 Sport 1 Directeur Laboratoire R&D 1h Téléphone
11 Automobile 2 Coordinateurs Open Innovation 49 min Téléphone 12a
Entretien-pharmacie 1 Chef de projet 52 min Téléphone
12b
Entretien-pharmacie 1 Responsable de marques 40 min Téléphone
13 Cosmétique 1 Directeur innovation Opération 39 min Téléphone 14 Construction 1 Directeur innovation, dév. durable 1h41 Face à face
15 Mobilier 1 Chercheur design 48 min Face à face
Tableau 23 : Détails des modalités de collecte de données.
Nous nous sommes également attachés à interviewer des personnes ayant de l’expérience. En moyenne, nos répondants ont plus de 14 années d’expérience, avec un minimum de 2 ans et un maximum de 40 ans (Tableau 24). Nous ne considérons pas la personne ayant 2 ans d’expérience comme une experte. Elle fut interviewée en même temps que son supérieur qui lui a 4 ans d’expérience. Son témoignage nous a apporté des éléments que son supérieur ne pouvait pas nous communiquer car il ne connait pas dans les détails ce qu’il se passe au quotidien.
148
2 Electricité 1 Directeur Innovation 20 ans
3 Créativité 2 Chef de projet – responsable
observatoire 4 ans – 2 ans
4a Biens grand
public 1 Directeur Innovation 17 ans
4b Bien grand
public 2 Responsable recherche -
Coordinateur Open Innovation 16 ans – 4 ans
5 Textile 1 Responsable développement
produit 26 ans
6 Construction 2 Directeurs Innovation 23 ans
7 Aviation 1 Directeur Innovation 21 ans
8 Pharmacie 1 Responsable Innovation 10 ans
9 Chimie 1 Responsable R&D 17 ans
10 Sport 1 Directeur Laboratoire R&D 6 ans
11 Automobile 2 Coordinateurs Open Innovation 5 ans
12a
Entretien-pharmacie 1 Chef de projet 6 ans
12b
Entretien-pharmacie 1 Responsable de marques 10 ans
13 Cosmétique 1 Directeur innovation Opération 25 ans
14 Construction 1 Directeur innovation, dév. durable 9 ans
15 Mobilier 1 Chercheur design 6 ans
16 Textile 1 Directeur R&D 20 ans
17 Entertainment 1 Lab Manager 13 ans
PME/PMI
18 Textile 1 Ingénieur R&D 7 ans
19 Logiciel 1 Dirigeant-fondateur 13 ans
20 Automobile 1 Directeur innovation 9 ans
21 Chimie 1 Dirigeant 15 ans
Tableau 24 : Les années d’expérience des répondants.
Nous avons choisi de mener des entretiens semi-directifs centrés avec un guide d’entretien.
Le guide est composé de quatre thèmes sur lesquels nous reviendrons dans le paragraphe comparative et cumulative entre les répondants et se prêtent mieux à certaines contraintes de terrain (faible disponibilité des répondants et aux compétences des enquêteurs (souvent limitées). » (p.92).
149
iii. Le guide d’entretien semi-directif centré
Un guide d’entretien est souvent composé de quatre phases (Gavard-Perret, 2008) :
Une introduction qui présente le thème de recherche et assure l’anonymat des réponses et indique la manière dont les données seront exploitées et demande l’accord d’enregistrement de l’entretien. L’introduction se termine par une/des questions d’ordre général sur le poste, l’entreprise de l’interviewé. Cette première partie sert principalement à instaurer un climat de confiance.
Lors de la deuxième phase, le centrage du sujet, le chercheur amène le répondant au cœur du sujet en posant des questions plus centrées. Ces questions peuvent s’organiser en plusieurs thèmes.
La troisième phase est l’approfondissement. Les questions posées sont au cœur du sujet.
Elles sont posées après le centrage du sujet, une fois que le répondant est mis en confiance et qu’il peut parler plus librement.
La quatrième et dernière phase est la conclusion de l’entretien. Elle a pour but de récapituler l’entretien pour s’assurer que les idées émises sont conformes à sa pensée et s’assurer qu’il n’a rien à ajouter.
Nous nous sommes attachés à suivre ces consignes pour construire notre guide d’entretien (Annexe 2). Tout d’abord, nous avons contacté plusieurs personnes par email pour leur demander si elles pouvaient nous accorder du temps pour un entretien pour une thèse de doctorat. Dans cet email (encadré 2) nous leur révélions le sujet sur lequel nous travaillons.
Lors de la première phase de l’entretien, nous avons complété notre explication du sujet, nous leur avons demandé s’il était possible de les enregistrer et leur avons assuré que l’interview serait anonymisée. Cette promesse fut très importante pour eux étant donné que nous touchons à des activités stratégiques, voire secrètes. Aucune personne n’a refusé l’enregistrement.
Ensuite, nous leur avons posé une question générale sur leur poste. Nous leur avons demandé de nous expliquer leurs missions et depuis quand ils occupaient ce poste. De façon naturelle, nos répondants nous ont également indiqué leurs parcours professionnels ce qui nous a permis d’apprécier leur expérience.
La deuxième phase de nos entretiens se divise en 2 thèmes relatifs de notre étude. Le premier porte sur les pratiques de veille dans l’entreprise, le second sur les pratiques d’innovation de l’entreprise. Nous leur avons alors demandé s’ils faisaient de la veille et si oui de quelles manières et dans quels buts. Quant aux pratiques d’innovation, nous leur avons demandé s’ils avaient des méthodes d’innovation, des processus et lesquels étaient-ils.
Identifier leur processus d’innovation fut très important pour la suite de l’entretien.
150