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B. Outils méthodologiques

B.2 Collecte de données

B.2.1 Focus group, vidéo en ligne et récits numériques

Un échantillon par réseau, fondé sur l’approche théorique de « communautés morales » (Harper, 1992), nous a permis de sélectionner les jeunes participants aux focus groups. Deux critères de sélection ont été retenus : l’âge (i.e., entre 15 et 30 ans) et le lieu de résidence (i.e., habitants des quartiers qualifiés politiquement de « défavorisées »33). Nous nous sommes intéressés aux réseaux de collectifs des jeunes engagés dans la promotion de la culture (e.g., danse, hip hop, arts plastiques), la revendication du droit au logement et de l’espace public, les droits des femmes et des étudiants des écoles publiques, la justice sociale, l’accès à l’éducation et à l’inclusion numérique. À Medellín, les membres de dix collectifs ont participé aux focus group : Full Producciones, Corporación Cultural Recreando, Corporación Reculturarte Comuna 12, Corporación Mi Comuna 2, Corporación Convivamos (Mancha Negra), Ciudad Comuna, Corporación Pasolini, Platohedro, Corporación Eleéo, Asociación Palco. Les focus group À Paris, des jeunes des écoles primaires, secondaires et des jeunes travailleurs, pour la plupart habitants du 19ème arrondissement et du Grand Belleville (10ème, 11ème et 20ème arrondissements), ont participé aux focus group. À Paris, nous avons également rencontré des membres et dirigeants de dix collectifs : Association Canal Marches, La Maison du bas Belleville, Belleville Ensemble, Feu Vert (Équipe de prévention Belleville), Centre Socioculturel Belleville (EPN34), Centre Social Espace 19 (EPN), Centre Social Le Picoulet.

L’objectif des ateliers de recherche a été d’explorer le cheminement imagé des jeunes dans la construction de leur expérience urbaine, leur relation avec l’environnement urbain en constant changement et leurs discours autour de la marginalité dans la ville. Les ateliers ont permis d’explorer collectivement la signification attribuée au quartier et à la ville. Les ateliers se sont déroulés en deux phases. La première a consisté à explorer et discuter avec les jeunes participants, à l’aide des vidéos présélectionnées, les problématiques de recherche (i.e., focus group, phase de visionnage). Nous avons utilisé la vidéo comme outil méthodologique de réflexion (i.e.,

33Cf.

, « Chapitre 2. Contexte socioculturel des quartiers populaires de Paris, Medellín et São Paulo ».

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Depuis 2002, les EPN, Espaces Publics Numériques, mettent en œuvre la politique de lutte de la mairie de Paris contre l’exclusion numérique chez les publics les plus défavorisés. Ils sont situés à proximité ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville et gérés par des associations loi 1901. En 2015, ils existent 16 EPN à Paris.

Mansilla, J. C., (2017). Résistance culturelle hybride des jeunes des quartiers populaires à l’ère du numérique. QCA : Medellín, Paris et São Paulo. Thèse de doctorat, Paris, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. vidéo-élicitation) dans le but d’identifier les liaisons conceptuelles profondes, voire inconscientes, chez les participants. La ville est construite à partir de représentations diverses des personnes résidants au sein de la même ville, ce qui rend difficile la compréhension consciente des faits. Ces vidéos stimulent des agglomérations spécifiques à l’intérieur de « l’esprit » des participants et « les ramènent dans un plan conscient, où ils peuvent être connectés et reconnectés » (Haw et Hadfield, 2011). L’image devient ainsi une méthode de recherche multifonctionnelle qui permet d’appréhender les diverses manières de vivre et de percevoir l’espace urbain – espace public, espace domestique, la ville et la périphérie – (Conord, 2013, p. 12). Une sélection d’extraits vidéo publiés sur Internet a été utilisée avec les jeunes participants afin d’expliquer la complexité de la ville et d’explorer leurs perceptions. La deuxième phase a consisté à produire des récits numériques (digital storytelling). Chaque participant a été invité à raconter une histoire à partir d’images des vidéos visionnées lors de la première phase. Chaque scénario visuel était accompagné d’un titre et, optionnellement, d’une description écrite. Nous avons mesuré l’influence de l’interaction entre nous et les discours produits par les jeunes, en changeant systématiquement, dans chaque ville, l’ordre des phases des ateliers de recherche participative : la moitié des ateliers ont commencé par la phase de storytelling, suivi de la phase de focus group. Dans la phase de focus group nous avons utilisé une vidéo déclencheuse (trigger tape) du processus de réflexion. Haw et Hadfield (2011) décrivent l’utilité d’une telle stratégie :

Il s’agit d’une bande audiovisuelle, résultat d’un montage précis, conçue expressément pour agir comme un déclic, ou déclencheur, afin d’aider les participants à réfléchir sur des questions et des actions spécifiques. La vidéo déclencheuse stimule les réflexions des participants sur certaines connexions de manière spécifique. Cela est possible grâce à un choix judicieux du contenu de la vidéo déclencheuse, de comment elle est éditée et de la façon dont elle est utilisée avec les participants.

Les vidéos déclencheuses ont été construites à partir de cinq catégories de clips vidéo, classées selon la nature du producteur. Elles ont été publiées sur YouTube. Voici les catégories : médias locaux et internationaux, collectif artistique communautaire,

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collectif audiovisuel communautaire35, gouvernement, et amateur36. Les thématiques des vidéos ont été les quartiers populaires de Medellín (pour les focus group de Medellín) et les quartiers populaires de Paris (pour les focus group de Paris). Le choix des catégories de clips vidéos répond à une nécessite de couvrir, le plus largement possible, les discours médiatiques de ces quartiers qui circulent sur les médias. Le fait de choisir ces différents discours permet par la suite de faire un montage en contrepoint (i.e., un point de vue suivi d’un point de vue contraire) de la vidéo déclencheuse. Cela permet d’insister aux participants sur l’existence des messages contraires, évitant ainsi les réflexions biaisées par manque d’information. Pour les focus group à Medellín, nous avons pris un échantillon de 123 clips vidéo, publiés sur YouTube entre 2009 et 2014, avec une longueur moyenne de 7 minutes et 12 secondes par vidéo : médias locaux et internationaux (9 vidéos), collectifs audiovisuels communautaires (80 vidéos), collectifs artistiques communautaires (15 vidéos), gouvernement (5 vidéos), amateurs (14 vidéos).

À partir de ces vidéos, nous avons construit deux vidéos déclencheuses d’une durée moyenne de 18 minutes et 23 secondes. Pour les focus à Paris, nous avons pris un échantillon de 149 clips vidéo, publiés sur YouTube entre 2009 et 2014, avec une longueur moyenne de 8 minutes et 21 secondes par vidéo : médias locaux et internationaux (19 vidéos), collectifs audiovisuels communautaires (88 vidéos), collectifs artistiques communautaires (25 vidéos), gouvernement (10 vidéos), amateurs (7 vidéos). À partir de ces clips vidéo, nous avons construit deux vidéos déclencheuses d’une durée moyenne de 16 minutes et 12 secondes. Les extraits qui composent la copie finale des vidéos déclencheuses ont été séparés par des intertitres en fond noir avec des mots ou phrases clés identifiant, de manière très générale, une problématique prédéfinie : frontières invisibles ; violence ; culture et paix ; tragédie et espoir ; art et résistance ; Facebook et Youtube ; nous ne sommes pas des délinquants ; le hip hop va apporter la paix à los barrios ; les médias ; il y a aussi des histoires de paix ; construire sur ce qui a été construit ? ; l’espace public ; l’immigration et l’identité. Les jeunes participants sont intervenus avec leurs appréciations, non seulement quand les intertitres sont apparus, mais aussi à tout moment, soit à la demande d’un participant soit à l’initiative des chercheurs, grâce à l’arrêt sur image. Nous avons discuté sur comment

35 Ces collectifs utilisent les ressources audiovisuelles, dont la vidéo en ligne, comme élément central de

son travail associatif avec leurs quartiers.

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Ces vidéos sont produites par des groupes d’individus qui n’affichent aucun soutien institutionnel ou corporatif.

Mansilla, J. C., (2017). Résistance culturelle hybride des jeunes des quartiers populaires à l’ère du numérique. QCA : Medellín, Paris et São Paulo. Thèse de doctorat, Paris, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. ces jeunes conçoivent l’expérience urbaine, leur place dans les dynamiques de leur quartier et la ville en général, ainsi que sur la complexité sociale de leurs actions quotidiennes.

Nous avons utilisé une plateforme informatique accessible sur Internet37 pour l’élaboration et le stockage des récits numériques. Cet outil informatique a permis aux jeunes de raconter leur histoire personnelle et l’histoire de leurs quartiers à partir d’images des vidéos visionnées lors des focus group. Ces histoires, produites sous forme de récits numériques, étaient accompagnées d’un titre général et, optionnellement, de sous-titres pour chaque scène, des dialogues de personnages et d’une description écrite dans quelques lignes38. Les récits numériques offrent un moyen de comprendre et d’interpréter l’expérience des individus marginalisés (Boudreau et Bacqué, 2012). Nous avons collecté un total de 43 récits numériques39 pendant les focus group : 27 à Medellín et 16 à Paris. Nous consacrons le chapitre 3, dans la deuxième partie de cette thèse, à l’analyse par comparaison de ces récits numériques. Plusieurs entretiens semi- directifs ont été faits avec les jeunes participants des trois villes. Cela nous a permis de vérifier et consolider les données obtenues a) lors des ateliers de recherche collaborative, et ; b) lors des terrains d’enquête d’observation participative.

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Disponible sur www.storyboardthat.com.

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Cf., Figure 23. Récit numérique medellín « desplazamiento et desarrollo ».

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