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II. Méthodologie

3.2 Entrer dans l’ESAT

3.1.4 Co-construire un projet d’accompagnement

Le prérequis pour entrer en ESAT, pour réaliser une mission de mise à disposition ou pour tenter le passage en entreprise ordinaire, c’est la motivation. Il s’agit d’une dynamique intrinsèque à la personne, d’un cheminement intime avec des temporalités différentes pour chacun. Cela suppose une capacité de placer la personne dans les meilleures conditions pour qu’elle puisse réaliser son parcours spécifique mais aussi de donner le temps nécessaire à chacun. Cette motivation est testée tout au long du parcours : pendant les entretiens puis le stage précédant l’admission, puis pour toute mobilité interne ou projet externe. La volonté personnelle concerne le domaine professionnel mais aussi les dimensions extraprofessionnelles. La recherche d’autonomie sous-tend souvent la motivation.

« Si vous voulez savoir j’en avais marre d’attendre donc je suis venu voir l’ancien directeur et je lui ai dit « Bon j’en ai marre d’attendre, je suis embauché quand ? ». Et il m’a regardé et il m’a dit « Vous avez quelque chose sur le gaz chez vous ? », je lui ai dit non, (il m’a répondu :) « Voyez je prends le téléphone et vous êtes embauché ! » […] J’en avais marre d’attendre, j’y suis allé au culot quoi ! » Julien, TH, délégué du personnel et président du CVS, ESAT L, 54 ans

« Une dyspraxie visuo-spatiale, c’est des troubles de coordination c’est un handicap ça entraine également de la lenteur. C’est pour ça que dès que je suis rentré dans Notre Dame d’Espérance, je leur ai bien fait comprendre que je ne lâcherais pas l’affaire quoi qu’il en soit! » Stéphane, TH, ESAT B, 26 ans

« Malgré les difficultés que j’ai rencontrées, je me suis accroché, même mon chef me l’a dit. Il m’a dit « chapeau, je te tire mon chapeau parce que tu t’es accroché ». J’ai pas lâché.

Par exemple, le container, j’ai eu du mal à mes débuts sur le quai, je l’avoue, mais j’ai vraiment progressé, et je vais faire en sorte de continuer là-dessus quoi ! » Younes, TH, ESAT A, 25 ans

« (Dans le cadre d’un changement d’atelier) elle avait fait un petit essai sur informatique, elle m’avait un peu expliqué comment la monitrice lui avait préparé les choses pour qu’elle puisse les faire, et puis tout dépend de la motivation, si elle est très motivée elle sait faire beaucoup de choses, bizarrement. » Christel, aidante, ESAT C

« Donc, on part du projet du travailleur, de la personne, une fois que ça a été validé en synthèse, tous ensemble. Après il y a différentes rencontres qui se font avec ce travailleur... » Sylvie, Educatrice spécialisée, Esat J

« Et bien … son grand mot en ce moment c’est « tu veux que je sois autonome et bien laisse-moi faire ! »… Cathy, aidante, ESAT B

La motivation n’est pas pourtant toujours au rendez-vous de prime abord. Une réflexion et une adaptation sont nécessaires par rapport à l’orientation. Ce choix intègre de multiples contraintes.

Il peut s’agir aussi de choix par défaut.

« J’ai fait un stage de trois semaines et un essai de trois mois à l’ESAT. On m’a proposé l’embauche, mais j’avais pas envie. Mais bon maintenant je regrette pas… J’avais pas envie parce que comme j’étais jeune encore je voulais essayer d’autres stages, et mes parents m’ont dit « non Niima, réfléchis bien ! ». J’ai réfléchi et maintenant je regrette pas.

» Niima, TH, ESAT E, 36 ans

« Je voulais m'occuper de personnes âgées mais j'ai peur de ne pas arriver à donner les médicaments. On m'a proposé la blanchisserie... j'ai accepté. » Edith, TH, ESAT I, 29 ans.

Un principe essentiel est l’expression des besoins par la personne elle-même. Cela suppose qu’elle se questionne sur ses envies et capacités. Elle le fait à partir des éléments d’information qui lui sont transmis par des visites, des échanges…

« C’est moi qui avait demandé le passage en ESAT, oui… J’en ai discuté avec mon médecin traitant … il faut que le dossier soit étudié par la MDPH. Ça s’est fait rapidement, je suis rentré dans l’équipe assez facilement. J’aurais pas eu tous ces problèmes je serais resté dans les travaux publics.» Daniel, TH, ESAT A, 50 ans

« Un après-midi par mois est dédié aux visites et aux entretiens. Si une personne est intéressée, on a un entretien avec elle », Claude, coordinateur social, ESAT I

« Les visites de l'ESAT c'est pour nous une volonté de faire choisir, de leur faire prendre une décision, d'être acteur » Claude, coordinateur social, ESAT I

Il semble qu’il existe une difficulté pour faire s’exprimer par eux-mêmes les travailleurs handicapés. Les ESAT souhaitent le faire mais le temps manque parfois. Les accompagnants et aidants s’expriment souvent à la place des travailleurs, à partir de ce qu’ils observent et entendent, ce qui pose la question du respect du pouvoir d’agir. Par exemple, le projet professionnel se heurte aussi aux capacités d’identification puis d’expression des besoins du travailleur handicapé. De la même façon, les efforts pour recueillir les besoins et suggestions par enquête peinent à atteindre leur objectif. On a noté la mention ponctuellement évoquée d’une barrière entre les travailleurs handicapés et la hiérarchie.

« Moi je suis très timide et j’arrive pas à parler devant les gens. » Nadia, TH, ESAT G, 31 ans

« Oui, on m’écoute et tout. Voilà le plus compliqué c’est lire, écrire, voilà…ils peuvent pas mettre quelqu’un à notre disposition ici pour lire, écrire et calculer. Ils peuvent pas. » Fabien, TH, ESAT G, 52 ans

« C’est dur, lorsqu’on élabore leur projet personnel, on leur demande s’ils ont des envies particulières et souvent ça reste sans réponse, donc parfois on fait le choix nous-mêmes de mettre en place certaines formations, et après quand on a le retour, si cette formation a porté ses fruits auprès des travailleurs, s’ils l’ont trouvée intéressante on fait en sorte de la reconduire. » Alice, Assistante sociale, accompagnatrice, ESAT H

« Pour restituer ce que m’a dit le TH pour son projet, c’est moi qui parle. Quand c’est avec les moniteurs d’atelier c’est vrai que c’est moi qui présente. Je leur demande, hein, s’il y a des choses à rajouter ou s’ils veulent revenir sur ce qu’ils m’ont dit, parce que je relate exactement ce qu’ils m’ont dit… La prise de parole, ils sont intimidés je suis sûre…c’est une manière aussi d’aller plus vite, devant quatre, cinq moniteurs d’ateliers…

« Il me parle de son projet mais en fait il ne sait pas trop ce qu’il faut demander, étant donné qu’il est adulte, majeur, on n’a pas le droit de savoir ce qu’il demande… Alors les comptes-rendus on les a mais très longtemps après, ça suit pas, s’il me disait je vais avoir mon projet, je pourrais le préparer et lui dire et bien tu devrais demander ça, demander ça, quitte à le lui marquer sur un papier… Aujourd’hui, le projet, ça a pas tellement de sens pour lui… Parce qu’en plus comme il peut pas lire… » Pauline, aidante, ESAT E

« Ils ont eu une enquête de satisfaction l’année dernière, ben j’ai dit « comment il a fait pour remplir l’enquête de satisfaction, il sait ni lire ni écrire ?!! », « oui mais ils ont le droit de venir nous demander pour qu’on les aide », mais s’il a pas envie de venir, il demandera pas et c’est dommage parce que ça peut toujours apporter des renseignements aussi. » Pauline, aidante, ESAT E

« Et bien je pense qu’on pourrait avoir plus de communication ! Avec la direction… […]

Je veux pas qu’on mette une barrière, entre un usager, un moniteur, un directeur, vous savez. Moi je trouve qu’il y a une barrière quoi ! Et ça c’est dommage, et je pense que s’il y avait pas cette barrière, il y a des gens ils seraient contents d’aller travailler. » Nadir, TH, ESAT K, 43 ans

Préconisation 1.4 : Rendre le travailleur le plus actif possible dans la construction et la réalisation de son projet en prenant appui sur toutes les parties prenantes

Toujours dans l’objectif de leur permettre d’exprimer leurs attentes, les TH sont généralement conviés aux réunions qui traitent de leur situation au travail.

« Ils sont tous conviés à la réunion avec les moniteurs d’atelier, on leur demande s’ils sont présents, on leur dit qu’on peut les raccompagner chez eux après, ils ont… Certains s’en saisissent, certains s’en saisissent pas. C’est vrai que je pense qu’il y a l’appréhension…

On est nombreux à ce moment-là. » Romane, coordinatrice sociale, ESAT D

« Pour ces réunions sur le projet professionnel, tu peux ne pas participer et tu peux participer. C’est moi qui a décidé et y’a eu une réunion là y’a pas longtemps, et j’ai participé, je voulais savoir ce qu’ils en pensaient de moi, de mon travail, de ma sociabilisation. Au moins je me dis que je peux prendre du recul, ça je peux l’améliorer ou ça je peux le laisser tranquille » Alexis, TH, ESAT D, 22 ans

« On invite la famille, moi j’invite ma sœur, et puis on discute, les encadrants et… de ce qui se passe, ce qui va pas… […] Oui, parce qu’on peut demander… si on a des projets on peut le demander, on les a pas tout le temps mais bon on peut poser la question… » Julien, TH, délégué du personnel et président du CVS, ESAT L, 54 ans

« J’y attache pas tellement d’importance. Au début, et y’avait pas non plus grand-chose dedans… » Alexandre, TH, ESAT L, 35 ans

Malgré les efforts réalisés pour orienter au mieux vers les ESAT correspondant aux motivations, certains s’interrogent sur la réelle possibilité des travailleurs handicapés à faire un choix. Une demande pour varier et enrichir encore davantage le choix pour l’orientation en ESAT est parfois exprimée.

« Ben oui, ce que je veux faire, si je veux faire une formation, si je veux faire du sport, tout ça, si je veux participer à la citoyenneté… » Marion, TH, ESAT C, 24 ans

« Je trouve qu'il y a très peu de choix en apprentissage pour l'orientation en ESAT. Il faudrait peut-être développer l'offre dès l'IME ? » Anne, aidante, ESAT I

Préconisation 1.5 : Renforcer la démarche de projet personnalisé, déclinée en actions à court terme pour permettre de capitaliser rapidement sur les résultats obtenus.