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Le mode de consommation fumé, en joint, est bien sûr le plus classique. Or, si l’on rentre dans les détails de cette pratique « usuelle », nous avons pu recueillir des témoignages précis, où les usagers évoquent le fait de ne mettre volontairement que quelques miettes dans leur joint, juste pour avoir le goût et un peu d’effet.

Donc moi c’est souvent le soir, je me roule un tout petit pèt, où je mets des petites miettes pour avoir le goût. Je suis juste bien (Charline, 31 ans).

C’est le concept de la « clope aromatisée », à mi-chemin entre le joint de cannabis et la cigarette.

J'en mets un tout petit peu dans mes clopes et c'est ça mon problème parce que mes clopes deviennent des clopes aromatisées (Léo, 21 ans).

Ce mode d’usage peut être répété sur un jour donné, de par le minimum d’effet psychoactif produit et suite à l’économie de substance réalisée : par exemple, au lieu de fumer trois joints

« normalement » dosés en une journée, l’usager en fumera peut-être deux fois plus.

Par exemple, je suis chez moi, je fais des trucs, je me fais une petite clope et je mets un peu de beuh dedans. J'ai un pote qui va arriver, on se matte un film ou on a une discussion, je roule un pétard parce qu'on est deux et on va se l’échanger ou lui va rouler un pèt' et on va le fumer ensemble et après je vais peut-être en rouler un autre si j'ai envie. Tu peux transposer ça aux soirs, il est six heures, j'aurai peut-être fumé deux-trois clopes aromatisées, peut-être une sur la

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route, ça m'arrive, et après là-bas, je vais faire la teuf et je vais en rouler et mes potes aussi on va aussi se l'échanger (Léo, 21 ans).

L’ingestion de cannabis (space-cakes et autres) est encore citée et observé, mais demeure un phénomène « à la marge », réservé à des événements festifs privés ou à des occasions particulières, souvent le fait de groupes de consommateurs déjà bien initiés à la pratique du cannabis.

Contextes d’usages et fonctions de l’usage du cannabis

Ci-après, un relevé de quelques contextes et moments d’usage du cannabis, cités lors d’entretiens ou de discussions informelles :

• A l’apéritif :

Ça, par contre, y’a un concept français qui est l’apéro. Y’a l’apéro et l’apéristick29 ! Y’a le digestick (Luc, 33 ans).

• Devant un film/jeux vidéos avec des amis/en collocation

• Dans le fumoir d’une discothèque

• A l’extérieur d’un établissement festif

• Avant d’aller à un concert/au cinéma :

Par exemple, je vais quelque part, je vais fumer un joint sur la route, avant d'aller au cinéma (Nicolas, 20 ans).

• En rentrant du boulot/des cours

• Dans la rue/les parcs :

Ça m'arrive de fumer dans la rue mais j'évite la plupart du temps. Si je le fais en plein-air, ce sera plutôt dans un parc ou sur une place un peu à l’écart, le soir quand il n'y a pas beaucoup de monde mais je ne vais pas me promener dans une rue piétonne, commerçante, un samedi après-midi avec mon joint à la main, parce que c'est risqué (Jonathan, 20 ans).

Quelques unes des fonctions de l’usage du cannabis qui ont été citées sont également informatives :

• Pour se détendre, se poser, se calmer

• Pour dormir

• Pour être désinhibé, rire

• Pour gérer divers types de douleurs (menstruations, douleur au genou…)

• Pour la descente de produits psychostimulants (cocaïne, Mdma)

• Pour créations artistiques diverses :

Après tout dépend de ce que tu fais pendant que tu fumes : tu vas fumer devant ta console, tu vas fumer en ayant une discussion, tu vas fumer en train de faire un taf ou en écrivant un poème, tu vas faire un montage vidéo... (Léo, 21 ans).

29Stick = petit joint

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Consommation en vaporisateur

En outre, en termes de tendances émergentes, il y a un mode de consommation spécifique du cannabis qui a pu être identifié à Lille cette année : l’utilisation du vaporisateur.

Photo 3 : vaporisateur « PLENTY » fabriqué par la société Storz & Bickel

Fumer le cannabis via un vaporisateur permet d’éviter le mélange avec du tabac et de le consommer pur. Sur le site internet de la société qui fabrique ces appareils, on parle d’herbes médicinales et autres huiles essentielles à vaporiser… Ces produits constituent un alibi commercial, pour ne pas tomber sous le coup de la loi.

En dehors de ces produits non-psychotropes à vendre, il y a aussi de nombreux accessoires et pièces nécessaires à l’entretien du vaporisateur, ou encore des grinders30.

L’appareil entier (kit complet avec tous les accessoires) est vendu 248€, frais de port inclus. Cela constitue un investissement important, et il semble que le choix de ce mode de consommation doit être pensé sur le long terme par l’usager. En effet, le recours à ce type de consommation peut être une manière complémentaire d’envisager l’usage de cannabis (le

« vapo » en plus du joint), mais il peut aussi renvoyer à une forme de

« substitution » des habituels joints fait avec du tabac (le vapo à la place du joint).

Source : http://www.storz-bickel.com

Sans rentrer dans tous les détails techniques de la préparation, l’usager doit placer le contenu de son produit dans une chambre de remplissage, puis revisser par-dessus une spirale de refroidissement. La combustion de la matière se fait via un générateur d’air chaud (la température est réglable manuellement).

Eléments socio-démographiques et motivations d’un usager

L’usager du vaporisateur « Plenty » - un homme inséré, Lillois, d’une trentaine d’années - rencontré dans le cadre des observations Trend, dit vouloir diminuer ses consommations de tabac (inclus dans les joints de cannabis) ainsi que de cannabis. Il est satisfait de l’achat de ce vaporisateur et de son usage, mais reconnait que ce n’est plus du tout le même type de pratique et de défonce ; cette dernière est décrite comme plus douce, subtile, ne serait-ce qu’au niveau du goût.

De plus, étant donné qu’il fait pousser sa propre herbe, il s’est éloigné du marché du deal et donc plus généralement des codes et pratiques en vigueur : accessibilité au cannabis via le marché du deal « traditionnel », consommation en joint.

30 Petit objet rond, constitué de deux parties, utilisé pour « broyer » (grind) le cannabis.

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Après recherche d’informations, ce mode d’usage du cannabis (les vaporisateurs pouvant être de différents formats/modèles) connaîtrait un certain engouement ces derniers mois, parmi les usagers Lillois ; l’équipe de Spiritek faisant d’ailleurs le même constat :

Nous avons eu quelques récits de personnes consommant avec des vaporisateurs, que ça soit des

« Volcano » ou des « vapo » de poche. Généralement ces personnes (plus âgée 45/55 ans) consomment de cette manière pour éviter les inflammations des voies aéro-digestives et avoir

« le meilleur de la plante sans les inconvénients » (Spiritek).

De plus, selon le contenu des témoignages obtenus, de façon direct ou indirect, il y a un lien établi entre ce mode de consommation en vaporisateur et une volonté d’arrêter de fumer du tabac (contenu dans les joints de cannabis).

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