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CHAPITRE I - ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE

B.5 Les glycoside-hydrolases

B.5.1 Classifications

Alors que le nombre d’enzymes isolées et caractérisées augmentait fortement vers la fin des années 1950, il n’existait aucune classification reconnue, les découvreurs des enzymes attribuant eux-mêmes sans aucun consensus ni logique un nom à leur protéine. La communauté des biochimistes, dans son désir de tout classer et cataloguer, et surtout de mettre un peu d’ordre dans ses affaires, décida en 1955 de créer une Commission Internationale sur les Enzymes, en accord avec l’IUPAC4. Malgré les difficultés inhérentes à la création d’une telle classification, comme le souci de ne pas bouleverser les habitudes bien ancrées des scientifiques, un consensus fut établi après six années de travail et la première classification systématiques des enzymes vit le jour en 1961. Aujourd’hui, c’est la Commission sur la Nomenclature des Enzymes, sous l’égide commun de l’IUPAC et de l’IUBMB5 qui continue de publier des révisions comprenant des ajouts, modifications ou suppressions d’enzymes de la classification.

Comme nous l’avons vu, une enzyme peut-être décrite simplement selon différents caractères biochimiques : sa structure primaire (la séquence), sa structure tertiaire (le repliement), son mécanisme d’action (création, destruction de liaisons, etc...) et le type de substrat qu’elle dégrade. Or, les caractéristiques structurales étaient peu ou pas disponibles il y a de cela un demi-siècle, seul le type de substrat attaqué était connu, ainsi que le type de réaction catalysée. Il fut alors décidé que la classification des enzymes créée par l'IUBMB serait

4 International Union of Pure and Applied Chemistry − www.chem.qmul.ac.uk/iupac

5 International Union of Biochemistry and Molecular Biology – www.iubmb.unibe.ch

Mécanisme endo

+ +

Crevasse

Mécanisme exo

+ +

Poche

Figure 6 − Relation entre le mécanisme d’attaque des glycoside-hydrolases (endo ou exo) et la topologie du site actif (crevasse ou poche). Le site de coupure est indiqué par la flèche rouge, les monosaccharides par des cercles bleus et l’extrémité réductrice est en noir. Les structures représentées sont celles de la xylanase GH−11 de Thermobacillus xylanilyticus et de l’arabinofuranosidase GH−51 de Geobacillus stearothermophilus (le site actif est indiqué en rouge).

fonction du type de réaction catalysée et de la nature du substrat. Il existe donc six classes d’enzymes (de 1 à 6) correspondant à six grandes fonctions :

1 − Oxydo-réductases 3 − Hydrolases 5 − Isomérases

2 − Transférases 4 − Lyases 6 − Ligases

Chaque numéro de classe est suivi d’une sous-classe, d’une sous-sous-classe et d’un numéro de série attribuée aux enzymes, chaque enzyme étant codée sur quatre nombres. Par exemple, dans la classe 3 des hydrolases, on rencontre des enzymes qui clivent les liaisons esters (3.1.x.x), glycosidiques (3.2.x.x) etc. Chez ces glycosidases, certaines agissent sur les liaisons O-glycosidiques (3.2.1.x) et enfin parmi celles-ci se trouvent les α-amylases (3.2.1.1), les cellulases (3.2.1.4), les xylanases (3.2.1.8), etc.

Malheureusement, cette classification ne tient pas compte de la structure des enzymes, et du fait de la complexité d’association d’une structure à une fonction et vice-versa, son intérêt est limité dans l’exploration des relations structure/fonction, mais elle garde tout de même par son côté précurseur et exhaustif un grand intérêt.

Avec l’avènement des séquences et des structures des enzymes ainsi que l’élucidation de leurs mécanismes catalytiques, d’autres modes de classification ont vu le jour. L’un est basé sur la stéréochimie de la réaction enzymatique, plus précisément celle de la liaison glycosydique avant et après la réaction, avec la nomenclature axiale (a) ou équatoriale (e), ce qui a donné naissance à quatre familles de réactions : a → e, a → a, e → a et e → e (Sinnott, 1990).

En considérant la réaction catalytique dans son ensemble, les GH peuvent dégrader leur substrat selon deux mécanismes : une attaque au milieu de la chaîne polysaccharidique (mécanisme endo), avec la variante où la chaîne reste fixée (mécanisme endo-processif), et une attaque en bout de chaîne (mécanisme exo). Même si l’attribution d’un mécanisme n’est pas exclusive, certaines enzymes pouvant posséder les mécanismes endo et exo en fonction du substrat disponible (Figure 6), cette classification renseigne sur la topographie du site actif.

En effet, les GH de mécanisme exo présentent une « poche » où est situé l’appareillage catalytique, les interactions avec le substrat étant très localisées sur le(s) résidu(s) dont la liaison glycosidique sera clivée. Par opposition, les GH de mécanisme endo offrent au substrat une crevasse de dimensions certes variées mais qui permet d’arrimer plusieurs résidus. Cette

Clan Repliement Familles du clan

GH-A (β/α)8

1 2 5 10 17 26 30 35 39 42 50 51 53 59 72 79 86

GH-B β−jelly-roll 7 16

GH-C β−jelly-roll 11 12

GH-D (β/α)8 27 36

GH-E β−propeller à 6 pales 33 34 83 GH-F β−propeller à 5 pales 43 62

GH-G inconnu 37 63

GH-H (β/α)8 13 70 77

GH-I α+β 24 46 80

GH-J β−propeller à 5 pales 32 68

GH-K (β/α)8 18 20

GH-L (α/α)6 15 65

GH-M (α/α)6 8 48

GH-N hélice β 28 49

Tableau 2 − Clans des glycoside-hydrolases.

crevasse est même refermée parfois chez les GH possédant un mécanisme endo-processif pour former une espèce de tunnel, qui oblige le substrat à parcourir la crevasse.

C'est pour cette raison qu'un nouveau mode de classification des enzymes qui agissent sur les substrats glycosidiques a été développé (Jespersen et al., 1991 ; Henrissat, 1991 ; Henrissat &

Bairoch, 1993) sur la base de la similarité des séquences primaires et de l'homologie de structure (base de données CAZy6). A l’heure actuelle, 98 familles sont représentées, dont environ un tiers comportent des enzymes poly-spécifiques. L’intérêt de cette base de données est de pouvoir relier entre elles des enzymes de même structure mais d’activités différentes ou bien de même activité mais de structures différentes, ainsi que de faciliter la prédiction de structure connaissant uniquement la séquence, mettant en évidence les phénomènes d’évolutions convergentes ou divergentes ainsi que la présence de motifs structuraux préférentiels. Lorsque des familles partagent le même repliement, elles sont regroupées en clans, on en dénombre treize à l’heure actuelle (Tableau 2).

Enfin, il existe une classification uniquement fonction de la structure des protéines, pas seulement des enzymes, appelée SCOP (Structural Classification Of Proteins) (Murzin et al., 1995). Son principe est semblable à celui de la taxonomie des espèces, i.e. un ordonnancement à partir de critères communs de plus en plus précis, les protéines sont rangées en classes, repliements, super-familles, familles pour arriver au domaine protéique (Figure 5 ; SCOP rassemble 2630 familles à partir de 24037 structures dans sa version 1.67 de mai 2004). Ce système permet de regrouper des protéines dont les séquences présentent peu d’homologie mais dont les structures sont proches. L’essor de ces bases de données a été rendu possible grâce aux milliers de structures de protéines disponibles en accès libre dans la Protein Data Bank, qui compte aujourd’hui plus de 30000 structures dont 27000 de protéines.

Etant donnée la variété des enzymes et de leurs caractéristiques, aucune base de données ne pourra jamais prétendre être idéale, c’est de la complémentarité de ces classifications qu’on peut obtenir par recoupement de nouvelles informations sur le paradigme structure/fonction des enzymes. L’essor du data mining scientifique est générateur de nombreuses informations dont il est important de connaître l’origine pour conserver une certaine objectivité et un sens critique aiguë.

6 http://afmb.cnrs-mrs.fr/~cazy/CAZY/

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Figure 7 − Mécanisme catalytique des glycoside-hydrolases par rétention de configuration (exemple d’une xylanase).

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