Chapitre III : Etude préliminaire
2 Quelle classification de la coulabilité en fonction des indices d’écoulement ?
Comme il a été évoqué dans le chapitre I, on classe fréquemment les techniques d’évaluation
de l’écoulement en deux groupes, les techniques directes et techniques indirectes. Pour rappel,
les techniques directes permettent une évaluation quantitative de la coulabilité et reposent sur
des mesures de cisaillement sous contrainte du milieu granulaire tandis que les techniques
indirectes estiment la coulabilité à l’aide d’indicateurs obtenus à partir de mesures de propriétés
que l’on suppose reliées à la capacité d’écoulement de la poudre. On se propose dans cette
première partie de reprendre cette classification fréquente des techniques afin de faire le point
sur la nouvelle classification des techniques que nous avons proposés dans le chapitre 1. Ainsi,
deux techniques directes et deux techniques indirectes ont été étudiées. Les techniques directes
étudiées sont :
- Les mesures sous cisaillement avec l’essai de cisaillement du rhéomètre à poudre FT4
permettant de quantifier l’aptitude à l’écoulement à partir de la fonction d’écoulement ff.
- Les mesures de masses volumiques avec l’essai de compression du rhéomètre à poudre FT4
dont est déduit le rapport d’Hausner.
Les techniques indirectes étudiées sont :
- Les mesures de masses volumiques avec le DensiTap® quantifiant l’aptitude à l’écoulement
à partir du rapport d’Hausner
- Les mesures de la hauteur et du rayon d’un demi-cône de poudre pour calculer l’angle de
repos.
Se distinguant par une grande différence en terme de taille moyenne de particules, seules les
quatre poudres alimentaires ont été testées dans cette première partie. Les résultats de
coulabilité de ces poudres suivant les 4 techniques étudiées sont représentés à la figure III 1.
Figure III 1: Évaluation de la coulabilité à partir de HR (DensiTap®), HR (FT4), ff (FT4) et angle de repos.
Sur la base de l’interprétation attachée à chaque indice d’écoulement obtenu, le passage d’une
technique à une autre modifie considérablement le classement de la coulabilité d’une poudre.
Deux techniques d’évaluation peuvent donner un résultat inversé. En effet, si on s’attache au
principe de la fonction d’écoulement obtenue par les mesures en cellule de cisaillement, la
poudre E a la meilleure aptitude à l’écoulement. Et pourtant, si on se réfère à la mesure de
l’angle de repos, celle-ci possède la plus faible aptitude à l’écoulement. Le tableau III 1 montre
clairement ces inversions de classement.
Tabelau III 1: Classement de la coulabilité des poudres alimentaires étudiées
Coulabilité Angle de repos HR (DensiTap®) HR (FT4) ff (FT4)
+ Food D Food D Food D Food E
Food C Food C Food C- Food E Food C
Food A Food E Food A Food A
Food E Food A Food D
En reprenant la classification des techniques proposée au chapitre 1 c’est-à-dire par technique
statique, quasi statique et dynamique, les mesures d’angle de repos feront partie des techniques
statiques tandis que les essais de tassement réalisé à partir du DensiTap® et les essais de
tassement/cisaillement réalisées avec le FT4 feront partie des techniques quasi-statiques. Il
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
0
1
2
3
4
5
6
7
Food
A FoodC FoodD FoodE
an
gle de r
ep
os (
°)
HR d
en
sitap
(
-)
HR F
T
4
(-)
ff
(-)
serait probable que l’inversion de classement constatée dans le cas des mesures d’angles de
repos et des mesures de fonction d’écoulement est dû au simple fait que la mesure d’angle de
repos évalue l’écoulement à partir d’un état statique de la poudre et la mesure de fonction
d’écoulement à partir d’un état quasi-statique de la poudre. On voit là que le comportement de
la poudre est différent. Ainsi, contrairement au classement traditionnel (techniques directes et
indirectes), on peut voir ici avec le nouveau classement des techniques proposé (techniques
statiques, quasi-statiques et dynamique) la dynamique, ou pas, de la poudre et donc l’intérêt de
recourir à la classification des techniques proposée.
En effet, même si le classement de l’écoulement obtenu suivant les indices étudiés peut sembler
étonnant dans une première analyse, physiquement cette modification de classification de la
coulabilité des poudres n’est pas surprenante puisque chaque technique soumet la poudre à des
sollicitations mécaniques différentes. Ainsi, il est nécessaire d’associer un indice à une
application particulière dans des conditions de sollicitations en lien avec l’application de la
poudre dans le procédé.
À titre d’exemple, certains indices comme le HR sont très utilisés dans l’industrie pour
l’évaluation de l’écoulement des poudres. Cet indice, obtenu à partir d’un essai de compaction
de poudre calculé à partir du rapport entre deux masses volumiques, ne peut pas être considéré
comme un indice riche d’informations puisqu’il est établi uniquement en prenant en compte
l’état initial et l’état final du lit de poudre. Il serait ainsi possible d’avoir deux poudres avec un
même HR alors qu’elles possèdent des états initiaux et finaux différents. Elles peuvent avoir
également un même HR et des états initiaux et finaux semblables mais des états intermédiaires
complètement différents. Et pourtant si on vient à les évaluer sur la base de HR, ces poudres
posséderaient un même comportement. À titre d’exemple, si on se réfère à la figure III 1, la
Food A, la Food C et la Food E possèdent un même HR. Sur ce postulat, ces poudres ont la
même aptitude à l’écoulement. Et pourtant elles présentent sur la base des autres indices
d’écoulement étudiées une aptitude à l’écoulement totalement différente. Ainsi, on ne peut pas
se fier à un indice que si l’on ne connait pas plus précisément le sens physique apporté par sa
mesure. Cet indice pourrait devenir pertinent et donner une information plus complète si les
états intermédiaires de tassement étaient pris en compte. Ces constatations feront l’objet d’une
discussion plus détaillée dans le chapitre suivant.
Aussi, une autre question peut être soulevée en ce qui concerne les techniques standard
c’est-à-dire celles qui évaluent la coulabilité en respectant des normes. Ces techniques
permettent-elles d’accéder à des données riches d’informations, ou sont-permettent-elles limitées par les conditions
précisément imposées par la mesure ? Permettent-elles d’explorer un domaine d’information
plus large ? Cette question sera également traitée plus en détails dans le chapitre suivant.
Dans cette première partie, nous avons montré que le classement de la coulabilité des poudres
est dépendant des indices d’écoulements utilisés. Ces indices d’écoulement par définition sont
dépendants de la technique utilisée. Cependant, pour chaque technique étudiée, l’indice
d’écoulement mesuré par la technique qui lui est propre donnera-t-il systématiquement une
même classification de la coulabilité de poudres si on change certains paramètres de cette
technique ? Nous traiterons ce point dans le paragraphe suivant.
Dans le document
Étude critique de quelques techniques expérimentales d’évaluation de la coulabilité des poudres
(Page 112-115)