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Les chélateurs de fer diffèrent par leur structure, leur activité antiproliférative et leur mode de fonctionnement. Leur capacité à inhiber la prolifération cellulaire dépend proncipalement de leur lipophilie et de leur activité redox. En effet, les molécules lipophiles entrent plus facilement dans les cellules et ont un meilleur accès au fer intracellulaire. De plus, certains chélateurs ont la capacité de séquestrer le fer présent dans le noyau de la ribonucléotide réductase ce qui augmente leur activité antiproliférative (Hodges, Antholine, et Horwitz 2004).

Une partie des chélateurs est capable de lier les deux formes Fe3+ et Fe2 ce qui leur confère une

plus forte activité redox (Kalinowski et Richardson 2005). Cette activité dépend de la façon dont le chélateur se lie au fer :

o liaison hexadentate : très forte affinité mais pas d’accès au fer par les molécules oxygénées et donc pas de production de ROS,

o liaison bidentate ou tridentate : plus faible affinité et donc accès au fer par les molécules oxygénées facilité ce qui permet la production de ROS.

1-La déferoxamine (DFO)

La déferoxamine (DFO) ou desferrioxamine (Desferal, Novartis) est une molécule naturelle produite par la bactérie Streptomyces pilosus. Il s’agit du premier chélateur de fer utilisé en clinique pour traiter les surcharges en fer. Il établit une liaison hexadentate avec le

Fe3+ formant un complexe de ratio 1 : 1 qui le rend métaboliquement inactif et incapable

d’induire la production de ROS (Keberle 1964). Cette caractéristique entrave fortement sa capacité antiproliférative, tout comme sa nature hydrophile qui diminue fortement son absorption par l’intestin et sa durée de vie dans le plasma. (Figure 26)

Figure 26 : Structure chimique du DFO seul (à gauche) et complexé au fer (à droite).Le

DFO change de conformation pour se lier au Fe3+ en l’entourant ce qui empêche les molécules

La DFO est administrée par voie intraveineuse pendant de longues périodes de 8 à 12h avec une fréquence de 5 à 7 fois par semaine en raison de sa faible absorption. Elle n’est pas très bien tolérée par les patients qui présentent des douleurs et des gonflements au site d’injection (Poggiali et Cassinerio 2012). Plusieurs analogues de la DFO ont été développés pour améliorer sa perméabilité, cependant aucun n’a montré plus d’efficacité que la DFO (Ihnat, Vennerstrom, et Robinson 2000).

Des études précliniques ont montré que certains cancers comme la leucémie (Becton et Roberts 1989) ou le neuroblastome (Fan et al. 2001) sont sensibles à la chélation du fer par la DFO. Une étude clinique de phase II sur des patients atteints d’un neuroblastome ont montré une diminution des infiltrations dans la moelle osseuse de 7 patients sur 9 et une réduction de la masse tumorale chez un des patients (Donfrancesco et al. 1990). Dans un modèle murin de cancer du pancréas, l’utilisation de la DFO a montré une augmentation de la réponse à une chimiothérapie couramment utilisée, la gemcitabine (Nuhn et al. 2009).

2-Le déférasirox (DFX)

Le déférasirox (DFX) ou Exjade (Novartis) est une molécule synthétique qui établit une

liaison tridentate avec le Fe3+ avec un ratio 2 :1 permettant ainsi la production de ROS. Le DFX

est très lipophile et donc perméable aux membranes cellulaires. Il a une demi-vie qui s’étend de 7 à 18h et sa prise peut être orale. Il a été approuvé par la FDA (Food and Drug Administration) en 2005 dans le traitement des surcharges en fer (Lindsey et Olin 2007).

Ses actions antiproliférative et apoptotique ont été démontrées sur des lignées d’hépatome (Chantrel-Groussard et al. 2006) et de leucémie (Messa et al. 2010). Le DFX a également montré une action anti-tumorale in vivo, sur des modèles murins de cancer du poumon (Lui et al. 2013). Chez un patient atteint de leucémie aiguë myéloïde résistant aux chimiothérapies, une rémission complète a été observée avec un traitement au DFX (Fukushima et al. 2011).

3-La tachpyridine

La tachpyridine est une molécule synthétique qui établit une liaison hexadentate avec le fer mais aussi avec le zinc, le cuivre, le calcium, le magnésium ou le manganèse (Zhao et al.

2004). Elle se lie au Fe3+ et le réduit en Fe2+, permettant ainsi la génération de ROS (Samuni et

4-La pyridoxal isonicotinoyl hydrazone (PIH)

Les analogues de la PIH ont une meilleure affinité pour le Fe3+, ils diminuent la

production des ROS et protègent l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique) du stress oxydatif (Hermes-Lima et al. 1998). Ils sont lipophiles et établissent une liaison tridentate avec le fer. Ils ont une très forte capacité de chélation du fer ce qui les rend plus efficace pour traiter les

surcharges en fer que les cancers. Leur effet antiprolifératif est faible in vitro avec une IC50

(concentration à laquelle on observe 50% d’inhibition) 3,4 fois inférieure à celle de la DFO sur lignée (Richardson, Tran, et Ponka 1995). Des analogues montrant de bien meilleures capacités

antiprolifératives (IC50 ~50 fois inférieure) ont donc été développés (Becker et al. 2003).

5-Les thiosemicarbazones

La thiosemicarbazone est une molécule synthétique qui établit une liaison tridentate

avec le Fe2+ et le Fe3+, ce qui lui confère une activité redox. Elle se lie également au cuivre et

au zinc. Elle agit directement sur la ribonucléotide réductase ce qui lui confère une activité antiproliférative (Shao et al. 2006). Excrétée trop rapidement par l’organisme, un analogue, la triapine avec une élimination beaucoup plus lente, a été développé. Plusieurs études cliniques de phase I ont été réalisées avec la triapine seule ou combinée avec de la chimiothérapie ou de la radiothérapie. Une potentialisation des effets de la radiothérapie dans un cancer du pancréas a notamment été démontrée (Martin et al. 2012).

6-Les di-2-Pyridylketone Thiosemicarbazones (DpT)

Les DpT sont des molécules synthétiques hybrides entre la PIH et la thiosemicarbazone.

Elles se lient au Fe2+ avec une forte affinité et induisent la production de ROS. Le Dp44mT (di-

2-pyridylketone 4,4,-diméthyl-3-thiosemicarbazone) est le DpT le plus puissant avec une activité antiproliférative démontrée in vitro et in vivo sur des xénogreffes murines de cancers humains de carcinome de poumon, de neuro-épithéliome et de mélanome (Whitnall et al. 2006).

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