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Classement des analogues et classement générique :

Prévention et systèmes d’intervention précoce

3- Classement des analogues et classement générique :

La plupart des systèmes de classement, notamment de classement d’urgence, sont de type réactif, dans la mesure où ils n’interviennent que lorsqu’il a été constaté qu’une substance présentait un risque grave pour la santé publique et était déjà en circulation. Afin d’agir en amont, plusieurs pays ont mis en place des systèmes de classement des analogues ou de classement générique [328]. Ces deux types de systèmes reposent sur la même idée. Au lieu d’exiger un processus de classement coûteux et chronophage pour chaque substance, ils prévoient que les modifications des substances placées sous contrôle entrent automatiquement dans le champ d’application du système de contrôle [14].

À titre d’illustration figurent ci-dessous une description du système des analogues adopté aux États-Unis, qui est le prototype du genre à l’échelle mondiale, ainsi qu’une comparaison avec le système de classement générique existant au Royaume-Uni et dans quelques autres pays [14].

3.1- Système des analogues :

C’est aux États-Unis que l’on trouve le meilleur exemple connu de système de contrôle des analogues; ce système a d’ailleurs servi de modèle à plusieurs systèmes de même type adoptés dans les années 1980, notamment au Canada, en Nouvelle-Zélande et partiellement en Australie [3].

Le système américain, qui remonte à 1985-1986, constituait une réponse à la prolifération des dérivés synthétiques des substances placées sous contrôle au début des années 1980, par exemple des dérivés du fentanyl ou de l’alphaprodine, de diverses phénéthylamines apparentées à la MDMA et d’amphétamines conçues pour produire des effets similaires à ceux des substances placées sous contrôle [332].

En vertu de l’article 802 (32) (A) de la loi américaine intitulée Controlled Substances Act (loi relative aux substances placées sous contrôle, CSA), un « analogue de substance placée sous contrôle » se définit comme une substance [14]:

a) Dont la structure chimique est en grande partie similaire à celle d’une substance classée;

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b) Dont les effets (stimulants, dépresseurs ou hallucinogènes) sont en grande partie similaires ou supérieurs à ceux d’une substance placée sous contrôle.

Ainsi, le système des analogues anticipe l’apparition des NSP et les contrôle avant même leur arrivée sur le marché. Finalement, les tribunaux déterminent si une substance entre dans cette définition. Selon la jurisprudence américaine, les deux critères, à savoir la similitude de structure et d’effets, doivent être remplis [332]. Comme les systèmes de classement traditionnels, le système des analogues adopté aux États-Unis s’appuie sur une analyse au cas par cas. Il a pour objectif de décourager les tentatives visant à contourner la loi par le biais de modifications moléculaires [333], et on estime qu’il a permis de réduire la prolifération des NDS [14].

Néanmoins, la mise en œuvre d’un système de classement des analogues comporte son lot de problèmes [334]. Dès le début, sont apparues des difficultés liées à la clarté de la définition légale. Les questions relatives à la notion de « similitude » ne sont pas toujours tranchées [335] et une décision judiciaire est nécessaire. Dans ce contexte, certains ont soutenu qu’un processus rétroactif portait atteinte au droit d’un défendeur de savoir dès le départ s’il commettait ou non une infraction. Cette question a donné lieu à une action judiciaire à l’issue de laquelle la loi sur le système des analogues a été confirmée [W34]. Néanmoins, la question de savoir si une substance est « en grande partie similaire » à une autre a donné lieu à plusieurs reprises à des querelles d’experts. La situation a été aggravée par le fait que les tribunaux américains n’ont jamais émis de lignes directrices détaillées concernant les critères applicables [332].

3.2 Système générique :

Les systèmes de contrôle générique vont un peu plus loin. Ils partent d’une structure moléculaire de base. La loi précise alors les modifications de la structure de la substance considérée (en définissant, par exemple, des groupes de substitution donnés dans certaines positions de la molécule), qui entraîneraient automatiquement un placement sous contrôle en vertu de la législation nationale. Contrairement au système des analogues où toutes les nouvelles substances sont jugées en fonction de leur similitude avec les substances placées sous contrôle et finalement traitées au cas par cas (par les tribunaux), le classement générique

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signifie que des familles entières de substances chimiques sont placées sous contrôle, à savoir plusieurs nouvelles substances apparentées à une seule molécule de base. Il n’est pas nécessaire que les effets psychoactifs des analogues placés sous contrôle soient similaires à ceux de la molécule de base [14].

Il existe une législation générique sur le classement des drogues au Royaume-Uni [317] et, dans une certaine mesure, en Australie. Une législation de ce type a été récemment adoptée pour faire face au problème des NSP en Autriche, en Belgique, en Bulgarie, à Chypre, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, au Luxembourg, à Malte, en Norvège et en Pologne [329].

Cette approche existe depuis un certain temps: à titre d’exemple, l’application de définitions génériques dans la législation britannique remonte à 1971, même si la plupart de celles figurant dans la loi intitulée Drug Misuse Act (loi relative à l’abus de drogues) ont été introduites après 1976, recouvrant, entre autres, les barbituriques, les cathinones, le fentanyl, les péthidines, les phénéthylamines, les phénylpipérazines et benzylpipérazines, les agonistes des cannabinoïdes de synthèse et les tryptamines [332].

Au niveau international, une étape préliminaire du concept de classement générique a déjà été atteinte. Tous les isomères, esters, éthers et sels des drogues inscrites au tableau I de la convention de 1961 sont, sauf exclusion expresse, également placés sous contrôle international, ainsi que les isomères des drogues inscrites au tableau II [336]. De même, sont automatiquement placés sous contrôle international tous les sels des substances psychoactives inscrites aux tableaux I, II, III et IV de la convention de 1971 et les stéréoisomères des substances inscrites au tableau I, sauf exception expresse, chaque fois que l’existence de tels stéréoisomères est possible dans les limites de la désignation chimique spécifiée [337].

À première vue, un système de classement générique présente beaucoup d’attrait. Il anticipe la situation et n’intervient pas après coup. Il a pour principal avantage d’être conforme au principe de précaution; il protège aussi la santé publique, puisqu’un nombre plus limité de personnes sera exposé à des substances nocives [329]. Pour les autorités nationales, il supprime aussi les coûts liés au classement.

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Ce système présente aussi des inconvénients: les chimistes clandestins restent en mesure d’identifier des substances qui n’entrent pas dans le groupe défini et qui reproduisent les effets des substances placées sous contrôle [329].

Les définitions génériques ont pour caractéristique commune le fait que les substances individuellement placées sous contrôle ne sont pas expressément mentionnées (Cette observation s’applique également au système des analogues). Ainsi, dans la plupart des législations fondées sur une définition générique, toute recherche de certaines substances spécifiques, comme la MDMA ou la méphédrone, sera vaine même si ces substances sont placées sous contrôle en vertu de ces législations. Bien que les définitions utilisées soient généralement précises, elles ne sont parfois compréhensibles que par des spécialistes de la chimie organique [332]. Cela pose un problème pour le grand public. Si une loi n’est pas bien comprise, elle risque de ne pas être correctement appliquée [14].

En outre, la plupart des « euphorisants légaux » détectés en Europe l’ont été au Royaume-Uni, alors que certaines de ces substances étaient déjà officiellement sous contrôle générique dans ce pays, ce qui pourrait indiquer que de nombreux fabricants et consommateurs (souvent étrangers) ne savaient pas qu’il s’agissait de substances illégales. En bref, même dans un système de contrôle générique, il est nécessaire d’identifier les substances qui apparaissent sur le marché, et d’informer le grand public et les diverses parties prenantes (police, douanes, etc.) du fait qu’elles sont déjà placées sous contrôle [14].

Il existe un autre problème technique: les substances apparentées présentent parfois des propriétés pharmacologiques très différentes, et certaines d’entre elles n’ont que des usages thérapeutiques. Même si « contrôle » ne signifie pas « interdiction », on peut craindre qu’une forme générique de législation entrave le développement de nouveaux médicaments. Dans des cas où elles avaient préalablement connaissance de ce point, les autorités britanniques, par exemple, n’ont pas exercé de contrôle générique et ont continué à dresser la liste des substances devant être individuellement placées sous contrôle [250].

Il existe un autre problème potentiel. Les systèmes juridiques de nombreux pays reposent, dans le cadre du principe de légalité, sur le concept selon lequel les infractions doivent être clairement définies. Ce principe est garanti par certaines constitutions nationales, ainsi que par la convention européenne des droits de l’homme. Il peut poser problème pour les systèmes de contrôle générique et, davantage encore, pour les systèmes de contrôle des analogues [317].

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