80.
Des difficultés de la « fondation ». La notion même de fondation est intrinsèquement
source de difficultés. Polysémique, elle renvoie à des réalités plurielles. Pendant longtemps,
la fondation n’a fait l’objet d’aucune définition légale. Il est donc revenu à la doctrine de la
préciser. Une loi du 23 juillet 1987 a comblé ce vide
430. Ses différentes dispositions
reprennent, peu ou prou, les différents sens du terme fondation
431. Ils sont au nombre de trois
et doivent être expliqués. Cependant, les difficultés entourant les fondations ne sont pas dues
à sa seule définition. Différentes réformes ont récemment bouleversé les acceptions classiques
de la fondation, la complexifiant toujours un peu plus.
La fondation est donc tout à la fois une notion polysémique (§1) et une institution complexe
(§2).
§1. La fondation, une notion polysémique
La fondation est avant tout un acte juridique (A). Elle peut être une personne morale (B). Elle
renvoie également à la masse de biens affectée (C).
430L. no 87-571 du 23 juillet 1987.
A. Un acte juridique
81.
Un acte d’affectation. Dans une première acception, le terme fondation renvoie à un
acte juridique : acte de fonder ou acte de fondation. Il s’agit d’un acte d’affectation. Ainsi,
la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 février 1983 a pu affirmer que « l’élément
déterminant d’une fondation est l’affectation d’une masse de biens à [un] but déterminé »
432.
Pendant longtemps, il était classique de définir cet acte comme une « affectation perpétuelle
de certains biens à un service déterminé »
433, c’est-à-dire comme l’assignation à perpétuité
d’un fonds à un but
434. Ce service ou ce but sont généralement d’intérêt social, voire d’intérêt
général
435. Ce faisant, le fondateur va créer une œuvre nouvelle ; le fondateur est à l’initiative
de l’œuvre. La loi du 23 juillet 1987, définissant presque accidentellement la fondation
436, se
distingue quelque peu de cette approche classique. Aux termes de son article 18, alinéa 1
er:
La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général et à but non lucratif437.82.
Une affectation irrévocable dans un but d’intérêt général. Il en ressort quelques
différences importantes entre la définition légale et la conception classique. D’une part,
l’affectation n’a plus à être perpétuelle, mais simplement irrévocable
438. Or, ces deux notions
ne sauraient être confondues. La perpétuité renvoie à la durée de l’affectation tandis que
l’irrévocabilité empêche au fondateur de revenir sur celle-ci. Elle n’est qu’une application de
432Civ. 1re, 15 février 1983, no 81-15.951, Bull. civ. I, no 61 ; Rev. crit. DIP 1983, p. 645, note B. ANCEL ;RTD civ. 1984, p. 350, obs J. PATARIN.
433V. J. FLOUR et H. SOULEAU, Droit civil : Les libéralités, par H. S
OULEAU, Paris : Armand Colin, 1982,
coll. « U Série Droit privé », no 365, p. 240 ; J.-P. MARGUÉNAUD et B. DAUCHEZ, « Les libéralités à caractère
collectif », in M. GRIMALDI (dir.), Droit patrimonial de la famille, 5e éd., Paris : Dalloz, 2014, coll. « Dalloz
Action », no 39.07, p. 1149.
434V. A. GEOUFFRE de LAPRADELLE, op. cit., p. 1. 435V. J. FLOUR et H. SOULEAU, op. cit., no 365, p. 240.
436Cette définition est due à un amendement déposé au projet de loi lors de la première lecture par la
commission des finances et de l’économie de l’Assemblée nationale (V. Rapp. AN 1986-1987, no 836, p. 153 ;
JO AN CR 1987, no 54/2, p. 3728). Initialement, si la loi, adoptée selon la procédure d’urgence, devait « créer
un environnement [fiscal] favorable au mécénat […] et assouplir et préciser les règles juridiques des associations et fondations », elle n’entendait pas les doter d’une définition juridique (V. JO Sénat CR 1987, no 29, p. 1290). Finalement, l’idée s’est imposée qu’à l’incrimination pénale visant l’utilisation frauduleuse de
l’appellation « fondation » devait être associée une définition de celle-ci en vertu de l’adage nulla poena sine
lege (V. Rapp. AN, op. cit., p. 153).
437Ce faisant, le législateur a consacré la définition retenue par M. POMEY (V. Traité des fondations d’utilité
publique, Paris : PUF, 1980, p. 19). Comp. H., L. et J. MAZEAUD et F. CHABAS, Leçons de droit civil, t. 4,
Successions, Libéralités, 5e éd. par L. L
EVENEUR et S. MAZEAUD-LEVENEUR, Paris : Montchrestien, 1999, no 1413,
p. 607, qui définissent la fondation comme « l’affectation donnée par le disposant à une masse de biens en vue d’un but déterminé, d’intérêt général et non lucratif ».
438Si un auteur souligne que la perpétuité de l’affectation se déduit généralement de son irrévocabilité, il relève
que ces deux notions ne se recoupent pas puisque l’irrévocabilité renvoie à l’interdiction de se désengager sans préjudice de la durée de l’engagement (V. M. GRIMALDI, op. cit., note no 2, ss no 1690, p. 513).
l’adage « donner et retenir ne vaut »
439. Le législateur n’a, sans doute, pas pris conscience de
cette différence dans la mesure où la définition posée était censée reprendre celle retenue par
la jurisprudence
440. D’autre part, si traditionnellement le but de l’affectation était d’intérêt
général ou social, il était admis qu’une œuvre d’intérêt privé puisse être réalisée grâce à une
fondation. À titre d’exemple, il était courant que des fondations dites de « messes » soient
stipulées dans des testaments
441. Dans un autre ordre d’idée, le
XVIIIesiècle a connu de
nombreuses fondations dites « familiales » dont l’objet était la distribution de bourse au profit
des jeunes de la famille du testateur
442. Désormais, il n’est plus question de créer des
fondations, en principe
443, pour la réalisation d’œuvres exclusivement religieuses, voire
d’œuvres défendant de simples intérêts catégoriels comme des œuvres sociales de
l’entreprise
444.
La fondation peut également renvoyer à une personne morale.
B. Une personne morale
83.
Un groupement de biens à but non lucratif. Dans une deuxième acception, la
fondation renvoie à une catégorie de groupements à but non lucratif : une fondation-
personne morale. La loi du 23 juillet 1987 vise cette approche lorsqu’elle protège pénalement
l’appellation de fondation de toute usurpation à l’article 20. Le texte prévoit que seules les
fondations reconnues d’utilité publique et les fondations d’entreprises peuvent user de cette
dénomination
445. Chacune de ces catégories constitue un groupement spécial au sein des
fondations-personnes morales. Il s’agit d’un groupement de biens, à la différence des
associations, qui sont des groupements de personnes.
439V. infra, no 137.
440V. Rapp. Sénat 1989-1990, no 213, p. 5.
441Encore que les fondations de messes ont quasiment disparu. Si une obligation de dire des messes pèse
souvent sur le bénéficiaire d’une libéralité, aucun patrimoine n’y est affecté irrémédiablement. V. infra, no 185. 442V. R. CASSIN, op. cit., p. 26. Ce faisant le droit français se distingue, par exemple, du droit suisse qui autorise
les fondations de famille « destinées au paiement des frais d’éducation, d’établissement et d’assistance des membres de la famille ou à des buts analogues » (C. civ. suisse, art. 335). La fondation, en droit suisse, a pour objet l’affectation de biens à un intérêt « spécial » et non à un but d’intérêt général (C. civ. suisse, art. 80). En France, « l’article 10 du décret du 23 prairial an XII définit la concession funéraire comme une fondation faite par le titulaire pour lui et pour sa descendance » (V. A. SÉRIAUX, Successions et libéralités, Paris : Ellipses, 2012, coll. « Université. Droit : manuel », no 35, p. 59).
443Le Code civil local d’Alsace-Moselle distingue les fondations familiales des fondations affectées à des
intérêts collectifs. Alors que les premières sont placées sous le contrôle du juge d’instance, les secondes sont confiées au préfet (V. J.-L. VALLENS, Rép. civ. dalloz, vo Alsace et Moselle, no 29).
444V. J.-P. MARGUÉNAUD et B. DAUCHEZ, op. cit, no 391.41, p. 1160.
445Les fondations abritées peuvent également utiliser cette dénomination, ce qui démontre qu’il s’agit bien de
À cet égard, la loi du 31 juillet 2014 interpelle
446. S’intéressant aux restructurations des
groupements à but non lucratif, elle autorise certaines transformations sociales parfois
surprenantes. Ainsi, les fonds de dotations et les associations, quels que soient leurs statuts,
peuvent désormais « être transformé[s] en une fondation reconnue d’utilité publique sans
donner lieu à dissolution ni à création d’une personne morale nouvelle »
447. Si la
transformation d’un fonds de dotation en fondation peut se concevoir, il paraît plus surprenant
de permettre à une association, groupement de personnes, de devenir un groupement de biens.
Le législateur a souhaité « simplifier les démarches » des organismes sans but lucratif
448sans
toutefois réfléchir au devenir des membres de l’association
449.
84.
Des liens entre la fondation-personne morale et l’acte de fondation. Une fois admis
que la fondation puisse constituer une personne morale, il convient d’être vigilant. Plusieurs
écueils doivent être évités. D’abord, tout acte de fondation n’a pas pour but de créer une
fondation-personne morale. Les fondations à personnes morales à créer, dont la finalité est
la création d’une nouvelle personne morale dans l’ordre juridique, se distinguent, en effet, des
fondations avec recours à une personne morale préexistante . Si, chaque fois, le fondateur
initie une œuvre nouvelle, ce n’est que dans le premier cas que l’acte de fondation tend à
créer une œuvre personnifiée. Le groupement à créer a alors pour objet de réaliser l’œuvre
initiée dans l’acte de fondation. Dans le second cas, l’œuvre est réalisée par le groupement
désigné. Lorsque l’acte tend à cette création d’un nouvel établissement, il est traditionnel d’y
voir un acte de dotation
450. Pourtant, cette distinction ne se justifie pas
451. L’acte de fondation
constitue toujours un acte de dotation que le fondateur dote une personne morale nouvelle ou
une personne morale préexistante.
La loi du 23 juillet 1987 consacre implicitement cette dualité d’hypothèses. Le deuxième
alinéa de l’article 18 précité prévoit, en effet, les modalités d’acquisition de la personnalité
morale du groupement « Lorsque l’acte de fondation a pour but la création d’une personne
morale ». On en déduit que l’acte de fondation peut ne pas avoir pour but la création d’une
446L. no 2014-856 du 31 juillet 2014.447L. no 87-571 du 23 juillet 1987, art. 20-2 (associations) ; L. no 2008-776 du 4 août 2008, art. 140, XI (fonds
de dotation).
448V. Rapp. AN 2014, no 1891, p. 342 ; Rapp. Sénat 2013-2014, no 84, p. 133 et 136.
449Va-t-on admettre des fondations reconnues d’utilité publique avec des membres, à l’instar de la Fondation du
patrimoine (C. patr., art. L. 143-3, al. 6) ? Sur cette dernière, V. M. DRAPIER, « Entre personnes privées et mission d’intérêt général : la « Fondation du patrimoine », une institution à l’équilibre incertain », D. 1997, p. 212 et s.
450V. H. SOULEAU, op. cit., no 135, p. 239. Adde J. FLOUR et H. SOULEAU, op.cit., no 377, p. 248 ; V. GUEDJ, Essai
sur le régime juridique des fondations, thèse Panthéon-Assas, 1999, no 238, p. 180.
451Comp. J.-P. MARGUÉNAUD et B. DAUCHEZ, op. cit., no 391.20, p. 1158 ; G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique,
personne morale. Il est vrai que le texte ne précise pas à quel autre résultat la fondation peut
aboutir. Faut-il admettre une interprétation large selon laquelle tout acte d’affectation
répondant aux exigences posées est une fondation ? Cela reviendrait à autoriser « une
fondation qui, sans recours à un tiers ni transmission patrimoniale, procéderait d’une
déclaration unilatérale d’affectation de tout ou partie de ses biens à une œuvre d’intérêt
général »
452. Tel ne semble pas avoir été la volonté du législateur
453. En outre, l’utilité pratique
d’une telle admission peine à se dévoiler
454.
La fondation peut encore être définie comme une masse de biens.
C. Une masse de biens
85.
De la masse de biens à la dotation. Une troisième acception de la fondation peut être
retenue. La fondation peut renvoyer à la « masse de biens affectée à un but, à une œuvre
déterminée »
455. Résultant d’un acte de dotation, cette masse est qualifiée de dotation
456.
Ce terme est lui-même polysémique puisque la dotation est souvent appréhendée, dans les
textes, comme le capital social du groupement à but non lucratif
457. Ainsi, en matière de
fondation, il est question des « revenus de la dotation », de sa composition et de la possibilité
de l’accroître
458, mêlant ainsi les deux volets de la notion
459. Ce glissement est malheureux
puisqu’il suggère que certains groupements doivent être dotés afin d’être constitués, alors
qu’il n’en est rien. On pense aux associations reconnues d’utilité publique
460. L’association
simplement déclarée, qui obtient la reconnaissance d’utilité publique, n’est pas transformée,
452V. M. GRIMALDI, op. cit., note no 3, ss no 1690, p. 513.453Il semble bien que législateur se soit borné à une codification à droit constant puisqu’il n’y a eu aucun débat
sur la rédaction de cet alinéa (V. JO AN CR 1987, no 54/2, p. 3728 et s). En ce sens, V. V. GUEDJ, op. cit., no 33,
p. 31.
454V. F. ZÉNATI, « Législation française et communautaire de droit privé », RTD civ. 1987, p. 802 et s., no 4, qui
précise que « le débat est, il est vrai purement théorique, car la création d’une fondation incapable ne présente aucun intérêt ».
455V. G. MARTY et P. RAYNAUD, Droit civil : Les successions et les libéralités, par P. R
AYNAUD, Paris : Sirey, 1983,
no 678, p. 502 ; A. SÉRIAUX, Les successions, Les libéralités, 2e éd., Paris : PUF, 1993, coll. « Droit
fondamental. Droit civil », no 67, p. 121.
456V. J.-P. MARGUÉNAUD et B. DAUCHEZ, op. cit., no 391.20, p. 1158.
457Une telle assimilation se retrouve dans les travaux parlementaires à la loi no 87-571 du 23 juillet 1987. À
propos de la possibilité d’une dotation dont le versement serait échelonné dans le temps, le ministre de l’économie de l’époque précise que « cette mesure consistera à autoriser la libération du capital des fondations de manière échelonnée » (V. JO Sénat CR 1987, no 29, p. 1291).
458Tel une augmentation de capital. 459V. Statuts-types, art. 10 et s (Annexe 3).
460Les statuts-types érigés par le Conseil d’État font expressément référence à la composition et aux revenus de
elle n’est pas fondatrice, car elle ne dote pas. De la même manière, pendant longtemps, le
fonds de dotation pouvait recevoir les mêmes reproches. Compris comme un fonds de
capitalisation, un réceptacle de libéralités, seuls les revenus de sa « dotation » sont utilisés
pour la réalisation de sa mission
461. Pour autant, les fonds de dotation pouvaient être créés
sans dotation initiale ; elle était facultative
462. Le législateur est récemment revenu sur cette
règle après avoir fait le constat que de nombreux fonds de dotation « dormants »
463, simples
coquilles vides
464, s’étaient développés. Désormais, le fonds de dotation implique un acte de
fondation initial
465. Ce faisant, le législateur a fait du fonds de dotation, une fondation
particulière
466, une fondation simplement déclarée. Dans le même temps, il est revenu, sans
peut-être en prendre conscience, sur la possibilité offerte aux personnes morales de droit
public de créer de tels fonds. Ce groupement ne peut, en effet, recevoir, en principe, de fonds
publics
467. Or, une telle interdiction n’était pas contrariée par la création par une personne
publique d’un fonds de dotation sans dotation
468.
Les trois acceptions de la fondation sont classiques et relativement claires. Pourtant, la
compréhension de l’institution est rendue plus complexe par de récentes réformes.
§2. La fondation, une institution complexe
Les trois acceptions de la fondation sont classiques. Pourtant, le législateur les a récemment
bouleversées en consacrant deux catégories de fondations spécifiques : d’abord les fondations
sans dotation (A) ; ensuite les fondations temporaires (B).
461L. no 2008-776 du 4 août 2008, art. 140, III, al. 4.
462L. no 2008-776 du 4 août 2008, art. 140, II (anc). Adde N. RAIMON, « Les fonds de dotation : une vraie
révolution juridique et stratégique », Option finance 2008, no 998, p. 27 et s. ; M. DADOIT, « Fonds de dotation :
la générosité à la portée de tous », Dr. et patr. 2009, no 182, p. 36 et s. Contra F. CHARHON et I. COMBES (dir.),
Fondations, fonds de dotation : constitution, gestion, évolution, Paris : Juris éd., 2011, coll. « Juris corpus »,
no 2.02, p. 15.
463V. Rapp. Sénat 2013-2014, no 84, p. 176 ; Rapp. AN 2014, no 1891, p. 341. 464V. Avis Sénat 2013-2014, no 70, p. 33.
465L. no 2014-856 du 31 juillet 2014, art. 85, modifiant L. no 2008-776 du 4 août 2008, art. 140, III, al. 2. Le
seuil minimal a récemment été précisé par décret. Il est porté à 15 000 € (V. D. no 2009-158, art. 2 bis, inséré
par D. no 2015-49 du 22 janvier 2015, art. 1er).
466Encore qu’il ne saurait recourir à cette appellation, réservée aux seules fondations reconnues d’utilité
publique. Sur la synonymie de la fondation et de la dotation affectée en droit anglosaxon sous le terme
endowment fund, V. N. RAIMON, « Stratégies d’entreprise autour des fondations », Actes prat. et stratég. patrim. 2009, no 2, p. 38 et s., no 73.
467L. no 2008-776 du 4 août 2008, art. 140, III, qui interdit que le fonds de dotation reçoive des fonds publics,
sauf dérogations.
468Sur cette possibilité, V. Avis Sénat 2013-2014, no 70, p. 31. Le fonds de dotation créé par l’Établissement
A. Des fondations sans dotation
86.
Des fondations-personnes morales sans dotation. Il est acquis qu’il peut exister des
actes de fondations sans fondation-personne morale chaque fois que l’acte de fondation est
adressé à une personne morale préexistante. À l’inverse, peut-on reconnaître des fondations-
personnes morales sans affectation préalable, c’est-à-dire sans dotation initiale ? Pour le dire
autrement existe-t-il des fondations (personnes morales) sans (acte de) fondation, c’est-à-dire
des fondations dites de flux
469? Il convient de bien distinguer cette hypothèse de celle dans
laquelle la dotation est versée à la fondation par fraction sur plusieurs années. Le législateur
autorise, en effet, les fondateurs à verser celle-ci sur une période maximale de dix ans
470.
Simple illustration de donation à terme
471, la libéralité, support de la dotation, ne saurait poser
de difficultés particulières. L’affectation de biens est irrévocable.
Pour la doctrine classique, l’affectation est consubstantielle à celle de fondation-personne
morale. Selon elle, tout nouveau groupement présuppose une affectation de biens et de droits
consécutive à un acte de dotation
472. Le législateur en a parfaitement conscience. Les travaux
parlementaires le démontrent
473. Il l’a expressément affirmé en matière de fondation
hospitalière et de fondation de coopération scientifique
474. Avec les fondations partenariales
475et les fondations d’entreprises, celles-ci constituent des fondations spéciales personnifiées.
469La section consultative du Conseil d’État y est largement favorable (V. M. POMEY, op. cit., p. 135 ; CE,
Rendre plus attractif le droit des fondation s, Paris : la Documentation française, 1997, coll. « Les études du
Conseil d’État », p. 33).
470L. no 87-571 du 23 juillet 1987, art. 18-1.
471Sur celles-ci, V. M. GRIMALDI, « Les donations à termes », in Le droit français à la fin du XXe siècle : études offertes à Pierre Catala, Paris : Litec, 2001, p. 421 et s.
472V. H. SOULEAU, op. cit., nos 139 et s., p. 242 et s. ; S. GUINCHARD, L’affectation des biens en droit privé
français, préf. R. NERSON, Paris : LGDJ, 1976, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 145, no 146, p. 123 ;
V. GUEDJ, op. cit., nos 229 et s., p. 177 et s. Contra H. PAILHÉ, De la création des fondations autonomes en droit
positif français, Grenoble : impr. de Boissy et Colomb, 1939, no 161 et s., p 275 et s.
473Les travaux parlementaires sur les fondations d’entreprise sont éclairants en ce sens. Par exemple, le
rapporteur de la Commission des affaires culturelles au Sénat parle de « l’exigence d’une dotation patrimoniale sans laquelle il ne saurait y avoir de fondation » (V. JO Sénat CR 1990, p. 598). L’Assemblée nationale avait, en effet, déjà proposé la suppression de la dotation initiale. Le rapporteur au Sénat rappelle alors que l’exigence d’une dotation initiale permet de distinguer le groupement de biens de celui de personnes (V. Rapp. Sénat 1989-1990, no 345, p. 14).
474En matière de fondation hospitalière, l’article L. 6141-7-3 du Code de la santé publique dispose que « les
établissements publics de santé peuvent créer une ou plusieurs fondations hospitalières, dotées de la personnalité morale, résultant de l’affectation irrévocable à l’établissement intéressé de biens, droits ou
ressources apportés par un ou plusieurs fondateurs pour la réalisation d’une ou plusieurs œuvres ou activités
d’intérêt général et à but non lucratif, afin de concourir aux missions de recherche mentionnées à l’article L. 6112-1 » (Nous soulignons). En matière de fondation de coopération scientifique, l’article L. 344-12 Code de la recherche prévoit également l’existence d’une dotation initiale.