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3. Les raisons pour lesquelles la participation s’arrête souvent à l’échelle de la consultation

3.2. Des citoyens avec des motivations plurielles parfois difficiles à mobiliser

logement, de cadre de vie, d’environnement ou d’éducation , il faut dire que beaucoup se désintéressent du politique.

Les citoyens-habitants sont souvent préoccupés par leur situation personnelle, professionnelle ou familiale. Le chômage, la précarité, les difficultés de la vie freinent l’envie et le temps pour se consacrer à des sujets d’intérêt général.

De plus et notamment en France il n’y a pas une culture de la participation très développée au niveau des politiques publiques et donc les citoyens sont plutôt habitués à recevoir éventuellement de l’information mais certainement pas à la partager en amont et encore moins à la discuter d’égal à égal. Le citoyen vote et il ne se passe plus grand-chose jusqu’aux prochaines élections…

D’autres citoyens refusent même de participer, ne souhaitant pas collaborer avec les décideurs politiques.

Puis il y a ceux que j’ai nommé plus haut les invisibles. Les populations les plus en marge sont souvent celles qui participent le moins aux instances locales participatives (les jeunes, les immigrés, les étrangers, les catégories populaires et précaires, etc.). De plus, quand ces populations viennent, elles ne s’expriment que rarement, soit par timidité et manque de

41 SINTOMER Yves, Du savoir d'usage au métier de citoyen ?, Raisons politiques 2008/3 (n° 31).

42 Conseil d’Analyse Stratégique, La participation des habitants : trois pistes pour rénover la politique de la ville,

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confiance du fait d’une maitrise parfois incertaine de la langue française et d’une incompréhension du vocabulaire et des sigles spécifiques utilisés par les techniciens et experts, soit parce que la parole est monopolisée par d’autres, plus experts en apparence, plus aguerris à la prise de parole comme les associations.

Souvent dévalorisées, elles ne pensent pas avoir leur place dans la cité et encore moins dans les prises de décisions. Il faut dire que ces dernières années elles étaient parfois infantilisés et considérées à part des autres populations, comme si elles n’avaient pas droit à la citoyenneté car incapables de savoir-faire et comment faire.

Un des défis à relever consiste donc à ouvrir au plus grand nombre les lieux de participation, qui souvent sont l’exclusivité d’une minorité de la population, particulièrement active et déjà impliquée d’une certaine manière (associations locales, comités de parents d’élèves, clubs sportifs, etc.).

Dans le cadre de mon association, je travaille beaucoup auprès de ces populations dans les quartiers et c’est un des enjeux majeurs pour nous que de considérer ces hommes et ces femmes comme n’importe quel autre citoyen. Ils ont des compétences et ils n’ont pas abandonnés leur rôle, on leur a parfois retiré au contraire.

L’idée qu’un pauvre des quartiers ne peut pas payer un livre, un abonnement, une adhésion. D’autres ont trop souvent décidé pour eux. Ils ne savent même plus ce qu’ils ont le droit de dire ou faire. Ils n’ont plus confiance dans la politique ni le milieu associatif.

Ces «populations invisibles » ont pourtant bien une expertise, un savoir d’usage. Cette perception est certes très partielle de ce qu’est le monde politique et la vie des habitants dans certains quartiers mais elle mérite d’être prise en compte car ce sentiment est partagé par un certain nombre de citoyen et cela n’est pas négligeable.

Les préjugés que les différents acteurs, représentants et citoyens, entretiennent les uns sur les autres constituent un obstacle à la mise en œuvre d’une démocratie participative effective. Les deux mondes ne partagent plus assez de choses pour créer le lien et la confiance nécessaire à la construction d’une démarche participative. L’écart entre les citoyens et la politique se creuse. On assiste à une forte démobilisation des populations et à une forme de dépolitisation.

Céline Braconnier évoque ce sujet dans la revue Savoir/Agir « Le vote et l'abstention en

temps de crise »43. Des études récentes montrent que la crise, notamment parce qu’elle a

pour effet d’accroître encore davantage les inégalités sociales, produit des effets sur la participation des plus démunis des électeurs : au cours des dernières années, l’abstention dans les quartiers populaires semble d’autant plus grande que l’écart des revenus dans la région où ils sont implantés s’accroît.

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Les études de l’Insee établies à partir du croisement des listes d’émargement et des données du recensement montrent que l’écart de participation entre les catégories les plus diplômées et celles qui le sont le moins est désormais de l’ordre de 15 points aussi bien aux régionales qu’aux législatives.

Alors comment capter l’attention ?

Il faudrait être en capacité de se remettre tous en cause, repenser nos relations entre pouvoirs publics, citoyens et monde associatif ou mouvements de collectifs et inventer un nouveau cadre où le pouvoir ne serait plus entre les mains de certains mais sous la responsabilité de tous. Le modèle d’assemblées citoyennes peut être une solution. Trop de choses dépendent de la volonté d’élus et fluctuent en fonction des alternances politiques. Une assemblée délibérative citoyenne assurerait la pérennité et la continuité des projets à l’échelle d’une ville ou d’un territoire. Mais il faut être vigilent qu’une nouvelle forme de pouvoir ne vienne pas recréer un contexte clientéliste. Pour cela ne pas y siéger trop longtemps peut permettre d’avoir un renouvellement des décideurs.

3.3. Co-construire, former les citoyens à la fabrique de leur ville et valoriser